On nous a tellement appris à ne pas nous aimer, à nous auto-flageller, à nous déprécier... que cela fait un bien fou de (se) le dire! Quel peuple ! Mon but dans cette chronique est de revenir sur le comportement de notre peuple si souvent déprécié, si souvent (auto)dénigré, si souvent vilipendé... non seulement par les ennemis de l'étranger mais hélas bien souvent aussi par les «nôtres». Les parents du petit Rayan ont bien mérité de faire leur deuil dans l'intimité, de se retrouver entre eux pour cet «après» immensément douloureux, alors entre nous revenons sur ce qu'ont été ces 5 jours pour nous, le peuple marocain. Les exceptions qui ont surfé sur cette tragédie pour des intérêts mercantiles, pour du buzz ou par manque d'empathie et de compassion, ont été largement désignées et fustigées : nihilistes habitués à nous vendre pour des agendas étrangers, et se présentant indûment comme porte-parole du peuple, journalistes peu scrupuleux ou voyous prêts à tout devant l'appât du gain... Ce qui aujourd'hui suscite ma chronique, c'est le peuple marocain : digne, uni, solidaire, mobilisé ! Alors, devrions-nous nous reprocher «d'en avoir trop fait» ? Certes non, et de grandes voix au Vatican, aux Etats-Unis, en France, en Allemagne nous l'ont dit : quel peuple ! Rarement un élan de sympathie, tel que le nôtre, mobilisateur et sincère mouvement d'émotion et d'empathie – qui a largement dépassé nos frontières, pour atteindre le monde entier- a été à ce point remarqué et salué ! Un peuple s'est retrouvé face à lui-même, à ses valeurs, à sa charge émotionnelle, à la détresse de l'un d'entre eux... nous aurions pu nous attendre à un intérêt certes, mais à une certaine distance avec le drame, or nous avons assisté à l'exact contraire: nous nous sommes tous approprié (au sens noble du terme) le calvaire (et l'incroyable effort pour le sauver) du petit Rayan, devenu l'enfant de tout un peuple. Pourquoi vouloir le ternir ? Et si à l'inverse nous avions assisté à une manifestation exceptionnelle d'appartenance ? Appartenance à une Nation, appartenance à un peuple, à une communauté, à une identité, notre Tamaghrabite... unissant Roi et Peuple. En fait je parlerais d'une révélation au grand jour de ce qui fait notre profondeur, je parlerais de communion. De rares grands moments suscitent une telle réaction unanime : de grands drames, de grandes victoires – le football en est un superbe exemple- ou encore une attaque extérieure. Ici c'est la douleur intense d'une famille marocaine qui a atteint toutes les familles marocaines. Les réactions ont été sans doute surprenantes pour beaucoup – y compris déstabilisantes pour les ennemis qui pariaient sur un peuple divisé- or les Marocains ont montré qu'ils étaient pluriels, mais unis, nous nous croyions dispersés, nous nous sommes révélés ensemble, nous nous pensions égoïstes, nous nous sommes montrés solidaires, nous nous sentions inoxydables... et nous avons pleuré ! Bien des pays ont salué notre cohésion, certains rêveraient de la connaître, chacun a réagi selon son cœur, son émotion, sa possibilité à extérioriser ses sentiments : prières, sadaqa, posts sur les réseaux sociaux, larmes, déplacement jusqu'au lieu du drame... chacun de ces gestes est à saluer, il n'y a jamais rien à critiquer dans une manifestation de compassion lorsqu'elle est sincère, bien au contraire il faut saluer cette unanimité dans l'expression d'un vrai chagrin. Imaginez un instant si nous étions restés passifs, indifférents, c'est là qu'il aurait alors fallu s'inquiéter. Hormis les dérives dénoncées, c'est un véritable hommage, une véritable reconnaissance que nous devons à notre peuple, nous avions tant besoin de «quelque chose de plus fort que nous» pour surmonter ce traumatisme collectif. Ce moment fera date dans l'histoire du peuple marocain. Minutes de silence lors de matchs, nom de Rayan inscrit sur des maillots de grands footballeurs, milliers de posts sur Facebook, Twitter, vidéos confectionnées en hommage à Rayan, très beaux textes écrits avec passion... anonymes ou célèbres, rien n'était superflu, rien n'était indécent car l'on sentait que l'émotion et le besoin incompressible de l'exprimer avaient pris le dessus, nous avait tous transcendés. Il fallait saisir cette sincérité et la comprendre. C'est l'honneur de notre peuple de l'avoir ainsi ressentie et de l'avoir montrée au grand jour, sans chercher à prouver quoi que ce soit mais sans fausse pudeur non plus. La sincérité d'une Nation dans sa nudité et sa simplicité...