De nombreux incendies ont ravagé cette année les forêts marocaines. Abdeladim Lhafi, Haut commissaire aux eaux et forêts et à la lutte contre la désertification, s'explique sur ce fléau qui guette de plus en plus les forêts du pourtour méditerranéen. ALM : Au cours de cette année, de nombreux incendies ont été déclarés dans différentes régions du Royaume. Pourquoi nos forêts sont-elles aussi menacées ? Abdeladim Lhafi : Le domaine forestier qui couvre environ 9 millions ha a les attributs d'une forêt méditerranéenne soumise aux contraintes du climat, d'une période de soudure longue (mai-novembre) et d'une végétation sensible au feu. La situation des pays du pourtour méditerranéen montre, à l'évidence, cette extrême fragilité ; la France et l'Espagne connaissent un niveau de perte important malgré les moyens mobilisés. Le Portugal a perdu, à titre d'exemple, durant les 5 dernières années, 20 % de ses forêts. Cela étant, les pertes dans les forêts marocaines restent modestes ; l'année 2005, en l'état actuel des données enregistrées, est bien en deçà de l'année 2004. En effet, les conditions météorologiques extrêmement défavorables, caractérisées par de fortes températures et des vents secs d'Est (Chergui), en plus de la présence d'une végétation abondante et sensible, favorisent le déclenchement et la propagation rapide des incendies. N'oublions pas que le domaine forestier représente un espace ouvert, où l'accès (sauf rares exceptions) est libre. Il subit par conséquent une très forte pression humaine. Ainsi, la quasi-totalité des départs des feux résulte de l'action de l'Homme, par imprudence ou intentionnellement. Le nombre d'incendies d'origine inconnue reste très élevé. Quel est le dernier bilan des incendies qui ont ravagé les forêts au cours de cette année ? Au cours de la période s'étalant du 1er janvier au 16 août 2005, 431 incendies ont dévasté une superficie d'environ 3167 ha. Il faut préciser qu'il s'agit de superficies parcourues par le feu et non pas de pertes définitives. Le bilan sera affiné ultérieurement. En termes de répartition géographique des incendies de forêts, la région rifaine se place en tête (1915 ha), suivie du Nord-Ouest (702 ha), de l'Oriental (178 ha) et du Nord-Est (104 ha). Vous savez, la moyenne d'hectares touchés par incendie est de 7,3 ha, ce qui dénote l'efficacité du système d'intervention. Par ailleurs, il est communément admis qu'une moyenne de 13 ha par incendie est un critère de performance. Quelle est votre stratégie en matière de lutte contre les incendies ? Notre démarche dans ce volet s'inscrit dans les orientations du Plan directeur pour la prévention et la lutte contre les incendies de forêts. Notre stratégie d'intervention repose sur un système gradué à quatre niveaux d'intervention. Le premier niveau repose sur une gestion rapide et une prise en charge du départ du feu par nos services, avec des véhicules de première intervention. En deuxième lieu, l'on a la mobilisation des services de la Protection civile, des Forces Auxiliaires et des Forces armées royales. Le recours aux avions de la Gendarmerie royale et les avions C 130 constitue les deux derniers niveaux actionnés en fonction de l'importance de l'incendie. Dans ce contexte, le Haut Commissariat a mis en place un Programme d'action national de prévention et de lutte contre les incendies de forêt au titre de l'année 2005, dont le budget alloué s'élève à environ 163 millions DH, soit le triple du budget annuel habituellement attribué à ces actions. Quelles sont les actions concrètes entreprises pour lutter contre les incendies de forêts ? On a l'habitude d'entamer, au début de chaque saison estivale, des actions pour lutter contre les incendies. Il s'agit, entre autres, de la mise en place de guetteurs d'incendies dans les zones à risque, de la réhabilitation de pistes forestières et de tranchés pare-feu, de l'acquisition et de l'entretien de matériel de radiocommunication, ainsi que de l'aménagement des points d'eau utilisables en cas d'incendies. Une protection maximale des espaces et patrimoines sensibles est assurée selon une approche de risque minimum : le risque zéro n'existe pas. Il s'agit, à travers ce principe, de se doter de postes de surveillance permettant d'alerter et de réagir le plus tôt possible. Pour cela, les zones fragiles et sensibles ont été équipées d'une logistique de première intervention. Notre efficacité reste tributaire de notre réactivité. Plus vite on intervient, mieux sont nos chances de réussite. Vous menez actuellement une campagne de sensibilisation sur l'importance de la protection des forêts… La communication professionnelle, choisie par le Haut commissariat, se base sur les possibles origines des incendies. Elle se fonde également sur la conviction que la gestion des incendies ne doit pas se faire dans un climat d'adversité entre ceux qui protègent la forêt et ceux qui la détruisent. Nos spots, nos annonces et nos affiches s'adressent à tous. Il y va de notre avenir et de celui des prochaines générations. Il reste, bien entendu, les comportements délictuels qui, eux, relèvent d'un traitement prévu dans la législation en vigueur.