Une question doit, me semble-t-il, guider ici notre réflexion : de quoi manquent nos quartiers populaires, de quoi souffre notre jeunesse ? Comment y remédier ? I)- Nos quartiers souffrent de relégation. Le manque d'infrastructures sociales, culturelles, sportives, sanitaires, éducatives, en fait des lieux de mal-vie. Ils souffrent d'enclavement : quoi que nous en pensions, il n'est pas si facile que cela d'en sortir (au sens propre comme au sens figuré). Essayez par exemple, passée une certaine heure, de trouver un moyen de transport digne de ce nom pour regagner le centre-ville ou un autre quartier de la périphérie. Ils souffrent d'absence de mixité sociale et l'ascenseur social n'y fonctionne plus depuis bien longtemps. «On y vit entre défavorisés». II)- Notre jeunesse, quant à elle souffre cruellement de marginalisation, d'exclusion. Je voudrais juste citer quelques phases de ces jeunes : - «Je tue le temps» - «Je rouille plus vite que les chaises du café» - «Est-ce que je vis ?» Nous savons quels peuvent être les ravages et les déviances engendrés par le désœuvrement, l'oisiveté, le manque de perspectives, l'inaccomplissement de soi. La journée-type d'un jeune d'un quarter populaire livré à lui-même va du café, au journal loué, en passant par les interminables discussions avec «ouled derb» au coin de la rue. Notre jeunesse manque d'interlocuteurs, de moyens d'épanouissement personnel, de lieux de socialisation, elle souffre aussi-tout autant que de pauvreté matérielle- de misère morale. III)- Si l'on connaît un tant soi peu les réalités de notre jeunesse, on ne peut dès lors que constater à quel point des outils tels que l'ANAPEC ou l'OFPPT sont inopérants. Victimes de leur sacro-saint barrage que constitue ce qu'ils appellent le «niveau» (que faire donc de ces milliers de jeunes qui n'ont pas ce fameux «niveau»), ils ne répondent ni aux attentes de la jeunesse, ni aux besoins de la société. Notre premier potentiel : la jeunesse (70% de la population a moins de 30 ans), risque-si l'on n'y remédie pas de devenir notre handicap maajeur, caar nous forgeons nous-même nos exclus, nos marginaux, nos «desesperados». Si les jeunes ne vont pas à l'OFPPT alors c'est à celui-ci d'aller à eux : tant en termes de formation proposée, qu'en termes géographiques, en s'installant au cœur des quartiers. L'ANAPEC quant à elle se devrait d'être innovante tant dans ses pratiques que dans sa réflexion, or force est de constater qu'elle est bureaucratisée, administrative, sclérosée. IV)- Les quartiers populaires sont pourtant formidables de débrouillardise, de système D, de réseaux de solidarité, voire de micro-entreprises qui permettent la suivie de la population. La jeunesse quant à elle est une pépinière de talents ! Dans des conditions si peu favorables, ces jeunesses savent faire preuve d'ingéniosité, de volonté, d'inventivité… Ils sont en train d'en donner la preuve depuis 2 ou 3 années en développant un système associatif, propre à cette jeunesse, très performant. Et l'on n'a, à ce sujet, pas fini d'être surpris par les jeunes filles en particulier, issues de ces quartiers. V)- Alors où est-il donc cet emploi, où est-elle donc cette politique de l'emploi et où est-il cet investissement qui feront que nos quartiers populaires décolleront ou pas ? Je pense que la réponse est entre les mains des décideurs, des chefs d'entreprises, des économistes… mais pourtant… pas seulement ! Les acteurs de terrain ont leur mot à dire et de par leur implication, des propositions à faire. Je voudrais ici juste aborder un aspect de cette question que l'on peut peut-être qualifier «d'accompagnement» en citant quelques exemples, à dimension humaine, de proximité, susceptibles de contribuer à l'émergence de ces quartiers. - Premièrement : le travail social est une vraie «niche d'emplois» à ce jour peu exploitée. Nous manquons cruellement de travailleurs sociaux: médiateurs, éducateurs de rue, assistantes sociales, puéricultrices, agents de «petits» services… La population «en nécessité» est légion et les jeunes possédant le profit adéquat pour ces emplois sont innombrables. Cela implique une formation, la création d'instituts, une approche «professionnelle» du social… première piste à creuser ! Deuxièmement, cet essor associatif impulsé par la jeunesse est lui aussi une réelle pépinière d'emplois : il serait criminel aujourd'hui qu'au cœur de tous les projets immobiliers en cours l'on ne trouve ni établissements scolaires ni dispensaires ni centres culturels, ni maisons de jeunes, ni terrains de sport, ni gymnases ni piscines ni locaux associatifs… pour répondre aux multiples attentes de la jeunesse. Or, quelle serait la signification en matière d'emplois d'une telle politique : elle impliquerait nécessairement formation et recrutement d'animateurs sportifs, d'animateurs socio-culturels, de moniteurs, de cadres associatifs, de formateurs… 2ème piste à explorer. On peut aussi élargir la réflexion à la protection de l'environnement par exemple mais aussi se pencher sur ce que l'on appelle le «secteur informel» sur lequel il faut rebondir plutôt que de le combattre. Le discours de Sa Majesté le Roi sur l'INDH porte en germe un projet de société, j'y ai entendu également les mots respect, dignité: Je terminerai donc par une proposition inspirée par un jeune cireur du boulevard Zerktouni : recensons tous ces cireurs ayant charge de famille, créons des tenues vestimentaires, munissons-les de badges, de boîtes de cirages et de bancs aux couleurs de la ville… et poursuivons sur cette lancée avec d'autres «petits métiers»… Cela n'a rien d'anecdotique. Ne me dites pas «palliatifs», ne me dites pas «boulots de substitution», ne considérez pas toutes ces propositions comme dérisoires. Car elles sont autant de pistes que l'on ne peut négliger alors que l'investissement d'envergure fait défaut et que le chômage pousse des milliers de jeunes à la résignation, à l'immigration ou à la marginalisation.