La direction de la Régie des Tabacs se dit surprise par un mouvement de grève lancé à l'appel des syndicats. L'élément déclencheur reste la volonté de la direction de se conformer aux lois en matière de dotation des cigarettes. Or, il est des pratiques qui ont la peau dure. La traditionnelle dégustation de cigarettes à la régie des Tabacs-groupe Altadis a tourné à la confrontation. Après la suppression de cette «tradition» en 1995 pour le cabinet du ministre des finances, gouverneurs et autres autorités locales, tout le personnel actif est désormais visé. La Régie des Tabacs a opté pour la substitution de la quantité distribuée en nature par une forte indemnisation financière. Les montants proposés varient entre 150 000 et 250 000 dh par personne, soit une enveloppe globale de 300 millions de DH. Non contents de la volonté du management de se mettre en conformité avec la loi, interdisant ce genre de pratiques, les représentants du personnel ont déclenché, le 27 mai 2005, un mouvement de grève, alors qu'ils se sont engagés, selon le communiqué de la Régie, à donner leur réponse officielle à la proposition d'instaurer une indemnité financière au lieu et place des paquets de cigarettes. Pis, dans la confusion, la plus totale, les retraités ont même été mobilisés, alors qu'ils ne sont pas concernés par cette mesure. Dans le détail, le communiqué de la Régie des Tabacs invoque l'évolution de l'environnement juridique qui pose la légalité de la dotation mensuelle de cigarettes servie par la régie à son personnel. Sont concernés l'ensemble du personnel statuaire et les retraités. Au fil du temps, alors quelle était limitée et plutôt destinée à la consommation personnelle, les revendications syndicales l'ont fait passer à 90 paquets de cigarettes…officiellement de la marque Marquise par personne et par mois. Vue sous cet angle, il ne s'agit plus de dégustation mais assurément d'un commerce bien juteux. Il suffisait de se rendre à la sortie des usines de la Régie chaque fin du mois pour se rendre compte du commerce livré devant les portes. Les contrebandiers viennent s'approvisionner directement chez les employés de la Régie. Les prix pratiqués sont bien en deçà des prix officiels. C'est assurément une entorse aux règles de la concurrence et un manque certain pour le fisc marocain. Avec l'évolution de l'environnement juridique de la société, précise le communiqué de la régie, le problème de la légalité de cette dotation telle qu'elle est actuellement accordée a été posé. «Nous voulons rétablir la conformité avec la loi. Nous avons par ailleurs ouvert différents canaux de communication afin d'aboutir à un choix concerté. Plusieurs formules ont été proposées pour conserver les acquis», tient à préciser Hanae L'Iraqui, directeur de la communication et des relations institutionnelles de la régie des Tabacs-groupe Altadis. En effet, la loi 15-91 relative à l'interdiction de fumer et de faire de la publicité et de la propagande en faveur du tabac interdit aux sociétés de production et de commercialisation de tabac de distribuer des cadeaux constitués des tabacs à titre gratuit ou à prix réduit. «De même, la loi 46-02 interdit la distribution de tabac en dehors du circuit officiel, en l'occurrence les distributeurs en gros et les débiteurs de tabacs dûment autorisés», estime Hanae L'Iraqui. La Régie invoque aussi la loi 06-99 relative à la liberté des prix et de la concurrence qui précise les règles d'approvisionnement en cigarettes. Devant cet arsenal juridique contraignant, et conformément aux standards du groupe qui limitent ce genre de pratique à une petite quantité bien personnelle, Altadis a laissé le choix à ses employés soit d'assumer les conséquences sur le plan juridique, ou alors de bénéficier, en substituant à la dotation de cigarettes, d'une indemnité forfaitaire brute variant de 150 000 à 250 000 dh selon l'âge et l'ancienneté. La réaction du bureau syndical de la régie, majoritairement CDT avec une composante UMT, est sans réserve. Un rejet total de la proposition financière paraît sans appel. Alors que le groupe Altadis a consenti une enveloppe sociale de 300 MDH, ce genre de réactions ne peut qu'être mal perçu depuis l'étranger. Les investisseurs étrangers cherchent, certes, un climat d'affaires serein mais aussi des pratiques internationalement reconnues et de partenaires sociaux à la hauteur. Ce genre de réactions n'est pas pour redorer le blason marocain de l'investissement. Les contrebandiers, par contre, doivent se frotter les mains !