Les catholiques du monde entier attendent de connaître son nom. Mais la première décision du nouveau pape sera justement d'en prendre un nouveau, un choix loin d'être anodin, censé refléter l'esprit de son pontificat. Le successeur de Jean Paul II sera libre de choisir parmi les noms de ses 264 prédécesseurs, de garder son prénom de baptême, voire d'innover. Mais une chose est sûre, ce premier choix pontifical sera disséqué et interprété par les spécialistes du Vatican comme s'ils lisaient dans du marc de café. S'il prend le nom de l'un de ses prédécesseurs, ce sera évidemment une façon de s'inscrire dans sa lignée. "S'il choisit le nom de Pie XIII, ce sera le signal clair qu'il n'a pas apprécié Vatican II et qu'il veut faire revenir l'Eglise en arrière", explique le père Thomas Reese, rédacteur en chef de l'hebdomadaire jésuite "America", évoquant le conservatisme de Pie XII, mort en 1958. A l'inverse, choisir le nom de Jean XXIV marquerait au contraire "un désir de poursuivre le concile Vatican II". C'est le successeur de Pie XII, Jean XXIII qui avait réuni le concile de 1962-1965, un tournant pour la modernisation de l'Eglise catholique. Selon les règles du conclave, le pape fraîchement élu annonce aux cardinaux son nouveau nom alors qu'ils sont encore enfermés dans la chapelle Sixtine. Après la célèbre annonce "Habemus papam" (nous avons un pape), ce nom est ensuite révélé au monde depuis le balcon de la basilique Saint-Pierre avant que le nouveau chef de l'Eglise catholique n'apparaisse pour donner sa première bénédiction. Dans les premiers temps, la plupart des papes conservaient leur prénom, comme Adeodat, Formose, Hyginus ou Anastase. Au VIème siècle, le prêtre Mercure, nommé comme un Dieu grec, préféra s'appeler Jean II. Ce n'est qu'à partir de 996, quand Bruno, le premier pape allemand, devint Grégoire V, que s'installa la tradition de changer de nom. Au hit-parade des noms de pape à travers les siècles, Jean arrive en tête. Vingt-trois souverains pontifes ont choisi le prénom de l'apôtre évangéliste Jean, "le disciple que Jésus aimait". Ils sont 16 à avoir pris Grégoire, 15 Benoît et 13 Léon. Benoît, qui vient du latin "benedictus" pour "bénédiction" est l'un des nombreux noms choisis pour leur signification religieuse, comme Clément pour la miséricorde, Innocent ou Pie pour pieux. Au XXe siècle, le Saint-Siège a abrité trois Pie, un Benoît, un Paul et un Jean. En 1978, le patriarche de Venise, Albino Luciani, décida de combiner Jean et Paul pour devenir le premier Jean Paul de l'histoire pontificale. C'est en hommage à ce pape, qui devait mourir 33 jours après son élection, que Karol Wojtyla, son successeur, est devenu Jean Paul II. Le prochain pape pourrait bien sûr choisir de devenir Jean Paul III pour revendiquer l'héritage du premier pape polonais de l'histoire, qui pendant 26 ans sur le trône de Pierre a voyagé et rencontré plus de fidèles qu'aucun autre souverain pontife de l'histoire. Il montrerait également qu'il répond à "l'immense affection des gens dans le monde pour Jean Paul II", estime le père Reese. En revanche, personne n'a jamais pris le nom de l'apôtre Pierre, le premier pape. Si le souverain pontife est connu comme "le successeur de Pierre", aucun n'a voulu prétendre se placer au niveau de celui qui, comme l'enseigne la religion catholique, a été placé par le Christ lui-même à la tête de l'Eglise. (Daniela Petroff)