La santé occupe une place importante dans le rapport annuel de la Cour des comptes. Celle-ci a émis plusieurs observations au sujet de l'Agence nationale de l'Assurance-maladie (ANAM), l'AMO ainsi que les Centres hospitaliers et provinciaux. Le contrôle de la gestion de l'ANAM a permis de relever plusieurs dysfonctionnements. A commencer par l'ambiguïté des pouvoirs de l'agence en raison du déphasage entre la loi 65.00 et ses textes d'application. Conformément aux dispositions de l'article 58 de ladite loi, l'ANAM doit veiller au bon fonctionnement du système de couverture médicale de base (CMB), tandis que l'article 59 ne confie à l'agence que la mission de «proposer à l'administration les mesures nécessaires à la régulation du système d'assurance-maladie obligatoire de base…». En outre, la Cour a constaté une discordance entre les dispositions des articles 24 et 25 de la loi, puisque l'on procède au remboursement des frais des soins médicaux ou à leur prise en charge sur la base de la tarification de référence nationale fixée dans la convention même si le prestataire des services médicaux est exclu de la convention nationale. En outre, la Cour pointe du doigt le non-renouvellement des conventions nationales qui ont été signées pour une durée de 3 ans depuis 2006, date du démarrage de l'AMO. Cette situation a créé, selon la Cour, un «climat de méfiance» et a abouti à «une situation d'impasse» qui s'est manifestée par la non-révision de la tarification nationale de référence qui date de 2006, ce qui a provoqué des dépassements tarifaires par les prestataires de soins. A ceci s'ajoute l'incapacité de l'ANAM et des organismes gestionnaires d'introduire de nouvelles mesures de maîtrise médicalisée des dépenses. AMO/public : Un déficit technique de 1,23 MMDH en 2022 si rien n'est fait Malgré une évolution positive des chiffres clés de l'AMO/public de 2009 à 2017, la Cour des comptes a constaté plusieurs dysfonctionnements qui ont trait à la gouvernance du régime. Ainsi, il a été constaté que le cadre juridique est inachevé. A ce sujet, la Cour relève que «les dispositions de la loi n°65.00 renvoient à des textes réglementaires qui n'ont pas été adoptés à la date de la réalisation de cette mission. Ce qui a mis en difficulté la gestion et l'opérationnalisation de ce régime». Par ailleurs, l'absence d'un budget propre à la CNOPS constitue un obstacle de taille sachant que la Caisse gère deux budgets, à savoir celui relatif au régime AMO/public et celui de l'AMO pour les étudiants. La Cour pointe également du doigt l'absence de contrôle technique. «La CNOPS est soumise, en plus du contrôle financier prévu par l'article 53 de la loi n°65.00, au contrôle technique de l'Etat. Il s'agit d'un contrôle technique exercé par le ministère de la santé et d'un contrôle technique exercé par l'autorité de contrôle des assurances et de la prévoyance sociale. Toutefois, aucune mission de contrôle technique n'a été effectuée, et ce depuis la mise en œuvre de ce régime», indique le rapport. D'autre part, il faut noter les difficultés financières. Le régime a enregistré pour la première fois un déficit technique de 225 MDH en 2016 puis 302 MDH en 2017, avec un résultat global déficitaire de 22,5 MDH. Une situation qui s'explique entre autres par la faiblesse de l'évolution des cotisations. La dégradation du ratio démographique constitue aussi un facteur à prendre en considération. Le taux de couverture des pensionnés par les actifs est passé de 3,26 actifs par pensionné en 2009 à 1,81 en 2017. Il faut aussi noter que la population atteinte des affections de longue durée qui ne représente que 5,6% des bénéficiaires de l'AMO/public, consomme à elle seule 49% des dépenses des prestations. Enfin, la Cour précise que les résultats des projections actuarielles à l'horizon 2022 ont montré qu'en cas de stabilité des différents paramètres, le déficit technique va se creuser davantage pour atteindre 1,23 MMDH en 2022, avec un résultat net déficitaire de près d'un milliard de dirhams. Centres hospitaliers : Le grand désordre La Cour des comptes, en collaboration avec les Cours régionales des comptes, a contrôlé la gestion des six centres hospitaliers : le Centre hospitalier provincial de Boujdour, le Centre hospitalier provincial de Kelaa de Sraghna, le Centre hospitalier provincial Mohammed V de Casablanca, le Centre hospitalier préfectoral Moulay Abdellah de Mohammedia, le Centre provincial hospitalier de Sidi Slimane et l'hôpital Mohammed VI de Tanger. Les investigations menées par la Cour, ont permis de déceler plusieurs insuffisances. Des carences ont été relevées au niveau de l'accueil et l'orientation des malades et notamment au niveau de la gestion des rendez-vous. A titre d'exemple au niveau du CHP de Sidi Slimane, ce sont les infirmiers des services de la chirurgie, de la génécologie, de la traumatologie et des consultations externes qui se chargent de la fixation des rendez-vous, sans coordination avec le service d'accueil et d'admission du centre. Le service d'accueil se charge uniquement de la fixation des rendez-vous des analyses du laboratoire. Au niveau des Services des urgences, il a été relevé l'existence des cas de fausses urgences qui se présentent directement aux médecins des urgences sans passer par une structure de tri. Ce qui a pour conséquence d'entraîner une perte de temps pour les médecins, et un encombrement au niveau des urgences. Cette situation d'ambigüité permet aussi à de fausses urgences de bénéficier des examens radiologiques et des hospitalisations sans respecter le circuit normal d'admission.