Le régime d'assistance médicale aux économiquement démunis (RAMED), se trouve au centre d'une véritable confrontation qui oppose la ministre de la Santé Mme Yasmina Badou et le directeur général de l'ANAM Chakib Tazi. Alliés hier, ennemis aujourd'hui serait on tenté de dire. Les raisons de cette bataille qui ne fait que commencer concernent la gestion et la régulation du RAMED. La loi 65 / 00 est pourtant claire et ne laisse planer aucun doute quant à celui qui doit assurer et assumer ces prérogatives. Mais alors pourquoi tout ce remue-ménage ? Quels sont les réels enjeux pour que le RAMED fasse l'objet de tant de convoitises ? Le RAMED constitue la seconde composante du système de couverture médicale de base prévu par la loi 65-00. Ce Régime, qui bénéficie aux personnes démunies non couvertes par un régime d'assurance maladie, est fondé sur les principes de l'assistance sociale et de la solidarité nationale. Son financement est assuré principalement par l'Etat et les collectivités locales et accessoirement par une contribution des bénéficiaires éligibles. Aux termes des articles 116 à 119 de cette loi, la population des bénéficiaires des prestations du RAMED comprend : les personnes économiquement faibles non assujetties à un régime d'assurance maladie obligatoire de base et ne disposant pas de ressources suffisantes pour faire face aux dépenses inhérentes aux prestations médicales définies par le code de couverture médicale de base susmentionné. Le RAMED s'applique également aux membres de famille de ces personnes (conjoint, enfants légalement à charge et enfants handicapés) ; Les pensionnaires des établissements pénitentiaires, de bienfaisance, orphelinats, hospices ou de rééducation, et de tout établissement public ou privé à but non lucratif hébergeant des enfants abandonnés ou adultes sans famille ; Les personnes sans domicile fixe ; Les personnes jouissantes, en vertu d'une législation particulière, de la gratuité pour la prise en charge d'une ou plusieurs pathologies. La qualité de bénéficiaire de ce régime est prononcée, à la demande de l'intéressé, par l'Administration dans les conditions et selon des modalités à fixer par voie réglementaire. Le bureau d'étude, qui a procédé à l'évaluation de la population totale éligible au RAMED, a estimé cette population, à partir des seuils officiels de pauvreté et de vulnérabilité de 2004, à 8,5 millions de personnes. Prestations garanties et conditions de prise en charge Selon les dispositions de la loi 65-00, les personnes éligibles au RAMED bénéficient de la prise en charge totale ou partielle des frais inhérents aux prestations médicalement requises suivantes : Les soins préventifs ; les actes de médecine générale et de spécialités médicales et chirurgicales ; les soins relatifs au suivi de la grossesse, à l'accouchement et ses suites; Les soins liés à l'hospitalisation et aux interventions chirurgicales y compris les actes de chirurgie réparatrice ; les analyses de biologie médicale ; la radiologie et l'imagerie médicale ; Les explorations fonctionnelles ; les médicaments et produits pharmaceutiques administrés pendant les soins ; les poches de sang humain et ses dérivés ; Les dispositifs médicaux et implants nécessaires aux différents actes médicaux et chirurgicaux Les articles de prothèse et d'orthèse ; la lunetterie médicale ; Les soins bucco-dentaires ; les soins orthodontie pour les enfants ; Les actes de rééducation fonctionnelle et de kinésithérapie ; Les actes paramédicaux ; les évacuations sanitaires inter hospitalières. En outre, la prise en charge des frais de santé, dans le cadre du RAMED ne peut intervenir que dans les hôpitaux publics, établissements publics de santé et services sanitaires relevant de l'Etat Sont exclus de la couverture garantie par le régime d'assistance médicale (RAMED) les interventions de chirurgie plastique et esthétique à l'exception des actes de chirurgie réparatrice et d'orthopédie maxillo-faciale médicalement requis. A l'instar de l'AMO et dans le sens de la progressivité, le panier de soins retenu pour le démarrage du RAMED est le panier de soins hospitalier. Il comprend toutes les prestations servies à l'hôpital public, à savoir : - Les hospitalisations - Les accouchements - Le passage aux urgences - Les consultations spécialisées externes - Les analyses de biologie en externe - Les examens d'imagerie médicale en externe - et le suivi des ALD (Hémodialyse, Diabète, Tumeurs malignes, Insuffisance cardiaque, etc.) Pour le Financement du RAMED et comme prévu par la loi 65-00, le RAMED doit tirer ses ressources principalement du budget de l'Etat et des collectivités locales. A ces ressources s'ajouteraient : La participation des bénéficiaires visée à l'article 120 de la loi 65-00 ; Les produits financiers, éventuellement ; Les dons et legs ; Toutes autres ressources affectées à ce régime en vertu de législation ou de réglementation particulières. Selon les termes du code de couverture médicale de base, les contributions de l'Etat et des collectivités locales sont inscrites respectivement dans la loi de finances de chaque année et dans les budgets desdites collectivités. Pour ces dernières, la contribution au financement du RAMED constitue une dépense obligatoire. Outre ses principales missions d'encadrement technique de l'assurance maladie obligatoire de base et de la mise en place des outils de régulation du système, le législateur a confié à l'Agence Nationale d'Assurance Maladie (ANAM) la gestion des ressources financières affectées au RAMED. Cette gestion doit être conforme aux conditions fixées par la loi 65-00 et par les textes pris pour son application. A cet égard, il convient de préciser que les opérations afférentes à la gestion financière du régime d'assistance médicale réalisées par cette agence doivent faire l'objet d'une comptabilité distincte. Les missions du ministère de la Santé Le ministère de la santé est chargé de l'élaboration et de la mise en œuvre de la politique gouvernementale en matière de santé de la population. Il agit, en liaison avec les départements concernés, en vue de promouvoir le bien-être physique, mental et social des habitants. Il harmonise les orientations et coordonne les objectifs et les actions ou mesures qui concourent à l'élévation du niveau de santé dans le pays et intervient afin d'assurer, au niveau national, une meilleure allocation des ressources, en matière de prévention, de soins curatifs ou d'assistance. Il est chargé d'élaborer et de mettre en œuvre la politique nationale en matière de médicaments et de produits pharmaceutiques sur les plans technique et réglementaire. Il suit la politique sanitaire internationale à laquelle le Maroc contribue, définit en concertation avec les départements concernés, les options de coopération dans le domaine de la santé, assure la mise en application et le suivi de réalisation des programmes convenus. Il assure, conformément aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur, le contrôle de l'exercice des professions médicales, paramédicales et pharmaceutiques. En application des dispositions législatives et réglementaires en vigueur, le ministre de la santé assure la tutelle sur les établissements publics qui lui sont rattachés. Les missions de l'ANAM Les missions spécifiques de l'ANAM sont énoncées dans les articles 59 et 60 que nous reproduisons ci-après. Article 57 Il est créé, sous la dénomination de «Agence nationale de l'assurance maladie», un établissement public doté de la personnalité morale et de l'autonomie financière. Article 58 L'Agence nationale de l'assurance maladie est soumise à la tutelle de l'Etat, laquelle a pour objet de faire respecter par les organes compétents de l'agence, les dispositions de la présente loi, en particulier celles relatives aux missions qui lui sont dévolues et, de manière générale, de veiller au bon fonctionnement du système de couverture médicale de base. L'agence est également soumise au contrôle financier de l'Etat applicable aux établissements publics conformément à la législation en vigueur. Article 59 L'Agence nationale de l'assurance maladie a pour mission d'assurer l'encadrement technique de l'assurance maladie obligatoire de base et de veiller à la mise en place des outils de régulation du système dans le respect des dispositions législatives et réglementaires s'y rapportant. A ce titre, elle est chargée de : - s'assurer, de concert avec l'administration, de l'adéquation entre le fonctionnement de l'assurance maladie obligatoire de base et les objectifs de l'Etat en matière de santé; - conduire, dans les conditions fixées par voie réglementaire, les négociations relatives à l'établissement des conventions nationales entre les organismes gestionnaires d'une part, les prestataires de soins et les fournisseurs de biens et de services médicaux d'autre part; - proposer à l'administration les mesures nécessaires à la régulation du système d'assurance maladie obligatoire de base et, en particulier, les mécanismes appropriés de maîtrise des coûts de l'assurance maladie obligatoire de base et veiller à leur respect; - émettre son avis sur les projets de textes législatifs et réglementaires relatifs à l'assurance maladie obligatoire de base dont elle est saisie par l'administration, ainsi que sur toutes autres questions relatives au même objet; - veiller à l'équilibre global entre les ressources et les dépenses pour chaque régime d'assurance maladie obligatoire de base; - apporter l'appui technique aux organismes gestionnaires pour la mise en place d'un dispositif permanent d'évaluation des soins dispensés aux bénéficiaires de l'assurance maladie obligatoire de base dans les conditions et selon les formes édictées par l'administration; - assurer l'arbitrage en cas de litiges entre les différents intervenants dans l'assurance maladie; - assurer la normalisation des outils de gestion et documents relatifs à l'assurance maladie obligatoire de base; - tenir les informations statistiques consolidées de l'assurance maladie obligatoire de base sur la base des rapports annuels qui lui sont adressés par chacun des organismes gestionnaires; - élaborer et diffuser annuellement un rapport global relatant les ressources, les dépenses et les données relatives à la consommation médicale des différents régimes d'assurance maladie obligatoire de base. Article 60 Outre les attributions qui lui sont dévolues par l'article 59 ci-dessus, l'agence est chargée de la gestion des ressources affectées au régime d'assistance médicale dans les conditions fixées par la présente loi et les textes pris pour son application. Article 127 Les ressources affectées au régime d'assistance médicale sont gérées, dans les conditions fixées par la présente loi et les textes pris pour son application, par l'agence nationale d'assurance maladie instituée à l'article 57 ci-dessus. Les opérations relatives à la gestion: financière du régime d'assistance médicale par ladite agence font l'objet d'une comptabilité distincte. Qui a raison, qui a tort ? C'est là que réside toute la question ? Mr Chakib Tazi DG de l'ANAM, s'en tient à la loi 65/00 : c'est l'ANAM qui, sous la tutelle de l'Etat, gère le budget du RAMED. Et puis pour conforter un peu plus sa position et sa légitimité, il a un autre atout qui veut que le ministère de la santé ne peut pas être prestataire de soins et gestionnaire du RAMED. C'est vrai qu'il est antinomique de vouloir être à la fois juge et partie. Mais Mr Chakib Tazi ne doit s'étonner outre mesure, lui qui est un ancien de la CNSS, il devrait savoir que c'est le genre de situation qui n'a jamais inquiété personne outre mesure. Mme la ministre de la santé Yasmina Badou a certainement de bonnes raisons de penser que la gestion du RAMED devrait en toute bonne logique revenir au ministère de la santé qui saura mieux que quiconque quoi faire du budget destiné aux soins des pauvres quitte pour cela à procéder à un amendement de la loi 65/00. Un budget annuel de plus de 3 milliards de DH vaut bien quelques petites modifications. Avouons que telle manne financière serait la bienvenue dans les caisses du ministère de la santé qui pourrait l'utiliser à bon escient pour assurer une meilleure qualité des soins, plus de médicaments qui profiteront aux malades démunis. Les patients démunis pourront aussi bénéficier d'un cadre hospitalier plus ouvert, plus accueillant, plus humain, un hôpital où il ferait bon vivre, de bons petits plats, draps et couvertures, eau chaude, espaces verts. C'est vrai qu'avec plus de 3 milliards de DH de plus dans les caisses de la santé on peut faire des petits miracles. Toujours dans le cadre de la légitimité de cette gestion du RAMED, il ne faut pas oublier que les professionnels de santé sont parties prenantes. Non seulement ce sont les médecins, les infirmiers et administratifs qui assurent la prise en charge des patients assujettis au régime du RAMED, mais ils les soignent, les accompagnent, les soutiennent …Dans ces conditions, ces professionnels eux aussi ne comprendraient pas que la gestion du RAMED soit confiée à une entité autre que celle du ministère de la santé. L'adage bien de chez nous ne dit-il pas en l'occurrence : « Pourquoi donner nos biens à d'autres que nous ?». Afin d'assurer au RAMED toutes les chances de réussite, puisqu'il doit être généralisé fin 2011, ne vaudrait-il pas mieux revoir toute la copie. Changer ce qui peut l'être, éviter autant que possible un attelage discordant (ANAM – ministère de la santé) qui ne ferait que créer des problèmes, car à l'évidence cela entrainera qu'on le veuille ou non, une concurrence des responsabilités. Les prémices d'une telle crainte sont aujourd'hui étalées au grand jour. Finalement dans cette histoire de sous , tout est clair pour celui qui veut entendre raison car la loi 65/00 a tout prévu Mais mon petit doigt me dit que c'est la raison du plus fort qui l'emportera . Vous voyez ce que je veux dire. C'est sans rancune.