La couverture médicale continue d'être réservée à une faible partie de la population en attendant la sortie des textes d'application de la loi n° 65-00 promulguée en novembre 2002. Constituant une loi-cadre, ce texte régissant la Couverture Médicale de Base (CMB) est pourtant l'aboutissement d'un long processus ayant donné une première mouture dès 1991. Retardée par les nombreuses dispositions réglementaires qui restent à combler, l'entrée en vigueur de la CMB doit contribuer à la mise à niveau sociale et au décollage économique du secteur de la santé au Maroc. Cherchant à assurer la couverture médicale de plus de 80% de Marocains non assurés par les systèmes existants, la CMB vise une meilleure efficacité en termes d'offre de soins, de qualité des prestations, de maîtrise des coûts et de pérennité des sources de financement. L'atteinte de ces objectifs dépendra aussi bien de la composition, de la structure et du fonctionnement des organes de gestion et de régulation de ce dispositif que de l'implication des différents acteurs et partenaires sociaux. Assurance Maladie La couverture reste encore faible La couverture médicale touche actuellement près de 1,4 million d'adhérents et couvre quelque 4,5 millions de bénéficiaires, soit 15% de la population marocaine. 80% de ces assurés relèvent du secteur public, contre 20% pour le privé. Vieux de plus de 80 ans, le régime des mutuelles concerne 73% des bénéficiaires, avec 68% pour la seule CNOPS. Le système de couverture médicale s'articulait autour de quatre catégories d'opérateurs (CNOPS, 69% des bénéficiaires ; Compagnies d'assurances, 18% ; Régimes internes des établissements publics, 12% et CMIM, 1%). Ces organismes collectent et déboursent plus de 2,5 milliards de dirhams, dont la quasi-totalité (94%) est destinée aux dépenses de médicaments et aux prestations de soins privés. Ce montant ne représente que 17% de la dépense globale de santé au Maroc estimée à plus de 15 milliards de dirhams par année. L'essentiel, soit 60% de cette dépense, est supporté par les ménages (dont 6% sous forme de cotisations salariales aux assurances maladie) ; et 20% sont supportés par le Budget général de l'Etat, contre 5% par les entreprises publiques (caisses internes) ; 1% par les collectivités locales ; 4% par des sources caritatives et patronales). Restant jusqu'à présent facultative, la couverture médicale est trop faible, particulièrement dans le secteur privé. Un grand potentiel de croissance A elle seule, l'entrée en vigueur de l'AMO devrait permettre de doubler la population des bénéficiaires et de faire évoluer le taux de couverture de 15 à 40%. Or, constituant jusqu'à présent une partie non obligatoire des charges salariales, l'assurance maladie n'est que très peu souscrite par les PME qui constituent plus de 90% des unités productives et emploient plus de la moitié des salariés au Maroc. Aussi, la généralisation de l'assurance maladie permettrait d'atteindre, à long terme, près de 4 millions de cotisations (contre 1,4 millions actuellement) et quelque 15 millions de bénéficiaires (contre 4,5 actuellement). Le potentiel de développement des PME, d'une part, la mise en application de la CMB, et surtout de l'AMO, de l'autre, doivent contribuer au renforcement de la solvabilité de la demande de soins et constituer ainsi un véritable levier pour le décollage du secteur de la santé, et plus particulièrement de l'industrie pharmaceutique qui couvre plus de 80% des besoins nationaux actuels. Compte tenu de ses effets à la fois économiques et sociaux, le processus de mise en uvre de ce dispositif doit être accéléré, car, au regard du texte de base, le chemin risque d'être encore long. La lenteur réglementaire La loi 65-00 sur la CMB a prévu deux types de couvertures médicales : l'AMO bénéficiant aux personnes exerçant une activité lucrative, aux pensionnaires et aux étudiants ; et le RAMED (Régime d'assistance médicale) basé sur le principe de la solidarité nationale et de l'assistance sociale aux populations démunies. Destinée aux secteurs public et privé, la première sera essentiellement financée par les cotisations des employeurs et adhérents, alors que la seconde sera essentiellement supportée par le Budget de l'Etat. L'entrée en vigueur de cette loi est prévue en trois étapes : la première est l'application de l'AMO à l'ensemble des fonctionnaires du secteur public et aux personnels assujettis au régime de sécurité sociale dans le privé. La seconde consiste à élargir la CMB par la mise en application du RAMED. La troisième doit donner lieu à la promulgation d'une loi spécifique pour généraliser cette couverture aux travailleurs indépendants, aux professions libérales, aux étudiants et aux autres activités non salariales. Mais le début d'application de ce long processus est lié à la publication de plus d'une trentaine de dispositions réglementaires prévues par la loi 65-00 et surtout par la mise en place officielle de l'Agence Nationale de l'Assurance Maladie (ANAM), de ses organes de gestion et de ceux chargés de la gestion et de l'encadrement de l'assurance maladie au sein de la CNSS et de la CNOPS. Les dispositions réglementaires attendues doivent en outre préciser les procédés de gestion de l'AMO, notamment en matière de modalités, de taux et de délai de cotisation des adhérents et de remboursement des assurés ; la fixation des tarifs conventionnels de référence pour les soins ; la définition de la liste des maladies faisant l'objet d'une couverture particulière (totale ou forfaitaire) ; la constitution des fonds de réserve de soins par les établissements de gestion et le mode de communication entre ces derniers, d'une part, l'ANAM et les administrations concernées, de l'autre. Ces textes doivent également préciser les conditions de bénéfice du RAMED, le mode de désignation du Conseil d'administration de la CNOPS et les conditions d'intervention de celui de la CNSS dans la gestion de l'AMO. Il doivent aussi définir la composition du Conseil d'administration de l'ANAM. C'est ce dernier qui semble le plus attendu compte tenu de l'importance du rôle que l'Agence est appelée à jouer dans la finalisation, la gestion et la régulation de ce dispositif. L'ANAM Mission et gestion C'est la naissance de l'Agence Nationale de l'Assurance Maladie qui permettrait de donner une visibilité par rapport à l'entrée en vigueur de l'AMO. La loi 65-00 a défini les missions et les organes de gestion de l'ANAM, mais elle n'a pas précisé la composition de son Conseil d'administration. L'ANAM a pour principale mission « d'assurer l'encadrement technique de l'AMO et de veiller à la mise en place des outils de régulation du système ». Cinq catégories d'attributions lui ont été ainsi dévolues : - Un rôle consultatif en matière d'élaboration de textes législatifs et réglementaires concernant l'AMO ; - Une mission de supervision consistant à veiller au respect des objectifs de l'Etat en matière de santé et à l'équilibre financier des différents régimes ; - Une expertise technique permettant de normaliser les outils de gestion et les documents relatifs à l'AMO, d'aider l'administration de la santé à maîtriser les coûts du système et les organismes gestionnaires à mettre en place un dispositif d'évaluation des soins dispensés ; - Un rôle informatif par la diffusion de statistiques consolidées et de rapports d'activité ; - Une mission d'arbitrage en cas de conflits entre les différents gestionnaires de l'assurance maladie. L'Agence sera dirigée par un Conseil d'administration et gérée par un directeur. La recherche d'une représentativité équilibrée des parties prenantes au sein du Conseil d'administration de l'Agence permettrait d'aboutir à des propositions viables et réalistes en matière de sources de financement, de répartition des cotisations entre organes de gestion et de régulation ; de fixation des taux de cotisation et des quotités de remboursement, etc. Reste à savoir si la configuration proposée du Conseil d'administration répond à cette exigence.