Le Maroc, risque-il de faire les frais d'une éventuelle guerre contre l'Irak ? Il s'agit moins d'une question que d'une réalité approuvée, crainte et que les responsables politiques essayent de tempérer. La question à se poser devrait avoir trait au dispositif mis, ou non, en place pour éviter le pire. Pas de doute, le spectre de la guerre contre l'Irak plane également sur l'économie marocaine. Un risque devenu réalité dont les cabinets internationaux font état, que les responsables politiques avouent et que les opérateurs économiques craignent. Une courte guerre avec l'Irak pourrait coûter au monde 1% de son produit économique au cours des toutes prochaines années et plus de 1000 milliards de dollars d'ici à 2010, écrivent deux chercheurs australiens dans un rapport publié hier. Si le conflit devait traîner en longueur, ce coût économique pourrait être multiplié par trois, estiment ces chercheurs: Warwick McKibbin qui siège au Conseil de la Banque de réserve d'Australie et Andrew Stoeckel, Directeur exécutif du Centre for International Economics. Pour le Cabinet américain Standard & Poor's, le Maroc fait partie d'une liste de cinq pays qui risquent de faire les frais d'une éventuelle attaque contre Bagdad à cause de sa dépendance aux financements extérieurs. Une guerre entraînera très probablement une aversion au risque accru de la part des banques et des investisseurs internationaux. « Les Etats qui dépendent trop des financements extérieurs ou qui abordent cette période avec des comptes publics dégradés peuvent être loin du conflit mais pourraient voir leur rating plus affecté que celui des nations plus proches des hostilités », note le cabinet estimant qu'une guerre prolongée maintiendrait à un haut niveau les cours du pétrole, ce qui pourrait entraîner une contraction économique mondiale. Réagissant, mardi dernier lors d'une conférence de presse à Rabat sur un tel risque au Maroc, le ministre des Finances et de la privatisation, Fathallah Oualalou, a évalué les pertes que le Maroc risque d'accuser estimées à 1,5 milliard de dollars (15 milliards de DH), soit une perte des avoirs extérieurs d'environ un mois et demi d'importation de biens et de services (10 milliards de dollars). C'est donc 3% du PIB du Maroc et près de 12% du budget de l'Etat qui risquent de s'envoler. Se voulant rassurant, l'argentier du Royaume a déclaré que ce niveau des avoirs devrait permettre de résorber les effets d'une guerre à condition qu'elle soit limitée dans le temps. Pour le tourisme, le département de tutelle met les bouchées doubles pour préparer un plan dont l'ossature sera la recherche d'une demande intérieure. Pour ce faire, une stratégie est en cours d'élaboration. Pour le ministre des Finances, le cadre macroéconomique, marqué par une bonne pluviométrie pourrait modifier positivement les prévisions initiales de la Loi de finances 2003. La pluviométrie généreuse de cette année augure en effet de meilleures perspectives de croissance. Ainsi, le taux de croissance retenu de 5,5% pour 2003 pourrait être dopé par une bonne campagne agricole. Et la valeur ajoutée en provenance du secteur primaire pourrait progresser de 12,3% et atteindre les 24 milliards de DH. A cela, s'ajoute l'évolution du PIB non agricole qui progressera de 4,3%. Une assurance que ne partagent pas les opérateurs économiques. Ces derniers craignent une limitation des exportations, une flambée certaine de coûts de l'énergie et ses répercussions sur la balance commerciale ainsi que les impacts négatifs, auxquels le Maroc à dû faire face à plusieurs reprises sur le secteur du tourisme. Le tourisme intérieur étant un complément et non un substituant. Numériquement parlant, le resserrement des débouchées qui risque d'arriver en cas de guerre impliquerait un désinvestissement à hauteur de 0,6 point en 2003 et de 1,5 point en 2004 par rapport aux prévisions de la Loi de finances 2003, du moins, si l'on en juge par l'analyse de la Direction de la politique économique générale (DPEG) relavant des Finances. Une note préparée dans ce sens indique que les importations seraient réduites de 0,7 % en 2003 et de 1,5 en 2004. Et ce ne sera pas sans retombées néfastes sur l'emploi qui sera révisé à une baisse de 0,6% en 2003 et de 1,1% en 2004. La consommation des ménages risque aussi, augmentation des prix à la consommation oblige, d'accuser une baisse de 0,3 en 203 et de 0,8 en 2004. Enfin, le taux de croissance baisserait de 0,8 point en 2003 et de 1,5 point. Pour la DPEG, en cas de guerre, la croissance économique se contracterait respectivement de 0,8 point et de 1,5 point en 2003 et 2004. Toutefois, la Direction croit que l'impact d'un tel conflit serait atténué dans le cas d'une appréciation conséquente de l'euro par rapport au dollar. Le PIB resterait stable pour l'année en cours mais il pourrait reculer de 0,3 point pour l'année prochaine. Reste maintenant à savoir comment les pouvoirs publics vont gérer les effets d'une éventuelle crise. Allons nous assister à la mise en place de mesures complémentaires de soutien à des secteurs stratégiques tels que le tourisme ou le transport aérien ? Tout est possible. Dans une conjoncture pareille, il sera de plus en plus difficile de drainer des investissements directs étrangers.