Entretien avec Miguel Garcia Herraiz, secrétaire général-adjoint de l'Union pour la Méditerranée (UpM) chargé de l'eau et de l'environnement ALM : L'UpM déploie tout un projet visant la restauration de la biodiversité en Méditerranée. Dans quel cadre s'inscrit-il ? Miguel Garcia Herraiz : Ce projet s'inscrit dans le cadre de la déclaration ministérielle de l'Union pour la Méditerranée (UpM) de 2014 sur l'environnement et le changement climatique, par laquelle les 43 pays membres de l'Union pour la Méditerranée ont identifié la gestion durable des terres, la désertification, la biodiversité et l'atténuation et l'adaptation au changement climatique comme des priorités clés pour la Méditerranée. Le label délivré par l'UpM est la reconnaissance de l'importance de coordonner une approche régionale intégrant des projets de restauration des forêts et paysages à grande échelle, apportant ainsi une contribution essentielle aux contributions déterminées au niveau national (NDC) des pays. En 2017, à la cinquième Semaine forestière méditerranéenne (Agadir, mars 2017), neuf pays méditerranéens, en l'occurrence l'Algérie, la France, l'Iran, le Liban, le Maroc, le Portugal, l'Espagne, la Tunisie et la Turquie ont approuvé l'engagement d'Agadir de rétablir moins de 8 millions d'hectares d'écosystèmes forestiers dégradés au plus tard d'ici 2030. Cette initiative régionale méditerranéenne encourage les autorités politiques et administratives au niveau national, ainsi que les acteurs impliqués dans la gestion des écosystèmes forestiers méditerranéens et d'autres terres boisées aux niveaux national et régional, de renforcer leurs efforts respectifs de restauration des forêts et des paysages. Quelles sont les principales caractéristiques de ce dispositif ? Le projet ne vise pas à maximiser les hectares à restaurer mais plutôt à préparer le terrain pour l'intensification de la restauration grâce à un environnement favorable amélioré et à la démonstration d'approches appropriées en matière de restauration, permettant d'atteindre les objectifs de restauration nationaux et mondiaux (NDC's, Objectifs d'Aichi, Défi de Bonn et SDG). Au terme de ce projet, les deux pays ciblés, à savoir le Maroc et le Liban, auront amélioré la coordination intersectorielle, les cadres juridique et politique pour une mise en œuvre efficace des programmes de restauration et des processus de gouvernance efficaces nécessaires pour changer d'échelle les projets de restauration (mode d'occupation, participation, instruments de financement nationaux, etc.). De plus, l'initiative régionale soutenue par le projet (initiative méditerranéenne basée sur l'engagement d'Agadir), qui anime les efforts de restauration des forêts et des paysages, la mise en œuvre des CDN et le défi de Bonn en seront d'autant plus renforcées. Le projet renforcera les capacités régionales et nationales en tant que base pour la mise en œuvre de programmes de restauration à grande échelle. Le projet apportera un soutien direct à ces plates-formes régionales, en particulier pour faire en sorte que les deux pays sélectionnés puissent pleinement profiter de l'échange de connaissances et d'expériences, mais également pour que leurs expériences en matière de restauration suscitent l'envie d'autres pays à participer. Pourquoi avoir choisi le Maroc pour le démarrage de ce projet ? Quelles similarités présente-t-il avec le Liban ? Au Maroc ce sont les forêts de Maâmora et Ifrane qui sont concernées par le projet. Cette sélection, comme pour le Liban, est faite pour deux raisons puisqu'il s'agit d'encourager les pays à participer à la restauration des écosystèmes, le projet commence avec les deux pays volontaires sélectionnés par FOA. D'autre part, le Maroc et le Liban, bien que très différents, leurs forêts et paysages avec leurs écosystèmes emblématiques, sont une partie importante de l'histoire culturelle des deux pays. On estime, par exemple, que le coût de la dégradation de l'environnement pour le PIB est de 3,4% au Liban et 3,5% au Maroc. De plus, les forêts méditerranéennes sont des ressources forestières multifonctionnelles, fournissant divers produits forestiers. Les espèces et la diversité génétique exceptionnelles de la région permettent la production et la récolte d'une gamme diversifiée de produits, tels que les champignons, le miel, le liège, la châtaigne, les résines, les truffes, les plantes médicinales et les pommes de pin. Les femmes jouent souvent un rôle clé dans la croissance et l'extraction de ces produits (plantes médicinales et aromatiques, l'apiculture et la production d'huile d'argane au Maroc) à des fins personnelles ou pour le compte d'entreprises traditionnelles non agricoles. Le Maroc met en œuvre des visions stratégiques pour la préservation des ressources, notamment l'eau et la biodiversité. Quelle lecture faites-vous des efforts engagés par le Royaume ? Il faut noter que le Maroc est historiquement l'un des pays les plus proactifs du Protocole de Kyoto et a donc développé une infrastructure institutionnelle plus solide que beaucoup de ses partenaires SEMED, permettant un meilleur accès aux prêts au développement. La Conférence des parties à la CCNUCC, organisée en 2016 par le Maroc, a également déclenché une augmentation des financements des agences de développement telles que l'AFD, ce qui peut expliquer au moins une partie du succès du pays pour attirer le financement climatique. C'est à travers les efforts en eau et dans la restauration des paysages que le Maroc montre le chemin pour les autres pays de l'UpM.