La série d'accords issus de la table ronde inter-ivoirienne de Paris, entérinée samedi par le président Gbagbo, a été contestée de façon très violente tout le week-end par les partisans du pouvoir à Abidjan. «Je demande à tous les Ivoiriens de rester calmes, de rentrer chez eux et d'attendre que je revienne pour que je m'adresse à eux» a déclaré dimanche depuis Paris le président Laurent Gbagbo, alors que ses partisans manifestaient leur colère et s'en prenaient aux représentations françaises et burkinabées d'Abidjan. L'accord de Marcoussis, censé rétablir la paix et la stabilité politique du pays, pourra-t-il exister sans un consensus populaire ivoirien ? La crise, déclenchée le 19 septembre 2002, comme les pourparlers, organisés près de Paris depuis le 15 janvier dernier, ont à maintes reprises révélé les divisions d'une société que certains souhaitent basée sur «l'ivoirité». Une notion -qui inclut des questions ethniques et religieuses- placée au cœur du conflit actuel, au delà de la légitimité même du président que les rebelles voulaient voir partir avant d'accepter le compromis de Marcoussis. Dimanche, le principal mouvement rebelle ivoirien, le MPCI, devait d'ailleurs obtenir les ministères-clés de la Défense et de l'Intérieur dans le prochain gouvernement d'Union -qui comprendra neuf ministres d'Etat- approuvé la veille par Laurent Gbagbo. Ce dernier s'était plié samedi à l'accord de paix, en acceptant la nomination d'un gouvernement de «réconciliation nationale» avec à sa tête un homme de «consensus», Seydou Diarra. Outre le MPCI, le parti présidentiel du Front populaire ivoirien devait recevoir deux portefeuilles ministériels, tout comme le Parti démocratique de Côte d'Ivoire d'Henri Konan Bédié, et le Rassemblement des républicains d'Alassane Ouattara. Le neuvième poste restant sera désigné par les autres formations ivoiriennes représentées à la table ronde de Marcoussis. Ce compromis a été trouvé après plusieurs heures de négociations, menées par le président français et le secrétaire général de l'ONU -en marge du sommet des chefs d'Etat ouest-africains-, et deux suspensions de séance... Les représentants du FPI, conduits par le désormais ex-Premier ministre Pascal Affi N'Guessan, avaient alors dénoncé d'un «coup d'Etat institutionnel» de la France, en apprenant que Seydou Diarra, un «nordiste» musulman qui a dirigé le «Forum de réconciliation nationale» en 2001, prendrait la tête du futur exécutif. Premier ministre en 1999-2000 sous la junte du général Gueï, il sera chargé de préparer les prochaines échéances électorales, auxquelles il n'est pas autorisé à se présenter. «Chirac ne peut pas nous imposer le Premier ministre. La Côte d'Ivoire est un pays souverain» avaient aussi répondu dès samedi les partisans du président Gbagbo, criant leur colère dans les rues d'Abidjan. Dans la nuit qui a suivi, un établissement scolaire français a été pillé et incendié, le centre culturel français dévasté. L'ambassade du Burkina Faso, dont le président a été accusé de soutenir la rébellion, a quant à elle été incendiée dimanche matin. Les manifestants -des jeunes «extrémistes» selon le Quai d'Orsay- ont aussi tenté de mettre le feu à certaines parties de l'enceinte du 43ème Bataillon d'Infanterie de Marine (BIMa). Face à cette situation, le chef de la diplomatie française, Dominique de Villepin, a annoncé dimanche l'arrivée de renforts français dans la capitale économique pour « sécuriser» les quelque 16.000 ressortissants de l'Hexagone qui y sont présents. Lesquels ont été invités à «se cacher chez eux» par les «jeunes patriotes» proches du président. Laurent Gbagbo devait quant à lui retourner en Côte d'Ivoire dès la fin des travaux de Paris dimanche.