Le Mouvement patriotique de Côte d'Ivoire (MPCI) menace de bouder la réunion de Paris, prévue le 15 janvier et destinée à dégager une solution politique à la crise ivoirienne. Les affrontements violents entre rebelles de l'Ouest ivoirien et troupes d'élite françaises en position dans cette région ont jeté une ombre sérieuse sur les perspectives de pourparlers ouvertes par la venue de Dominique de Villepin en Côte d'Ivoire le week-end dernier. Le chef de la diplomatie française, rencontrant successivement le président Laurent Gbagbo et les rebelles du Mouvement patriotique de Côte d'Ivoire (MPCI), avait annoncé la tenue à Paris le 15 janvier d'une table ronde "avec l'ensemble des forces politiques de la Côte d'Ivoire", suivie le 26 janvier d'un sommet des principaux chefs d'Etat et de gouvernement de la région. Mais le MPCI, principal groupe rebelle ivoirien, a annoncé mardi qu'il pourrait boycotter cette rencontre en raison du violent accrochage de la veille entre des troupes françaises et un autre mouvement rebelle près de Duékoué, dans l'Ouest ivoirien. Selon l'armée française, neuf soldats français ont été blessés, dont un grièvement, et trente rebelles tués dans cette attaque menée sur deux fronts par le Mouvement patriotique ivoirien du Grand Ouest (MPIGO). Le MPIGO et le Mouvement pour la Justice et la Paix (MJP), autre faction rebelle opérant dans l'Ouest, ont dit avoir attaqué les forces françaises de Duékoué en guise de représailles contre un bombardement de positions rebelles par les forces gouvernementales ivoiriennes. Il s'agit de loin de l'accrochage le plus sanglant depuis le déploiement des quelque 2.500 soldats français engagés en Côte d'Ivoire dans le cadre de l'opération Licorne. Hormis un soldat blessé fin novembre, les forces françaisess n'avaient enregistré aucune victime dans leurs rangs. A Paris, Michèle Alliot-Marie, la ministre française de la Défense, a relativisé la portée de cet accrochage, évoquant sur RTL une attaque isolée menée par des éléments "incontrôlés". Et le Quai d'Orsay, reconnaissant "un risque de chaos en Côte d'Ivoire", a insisté pour que tous les groupes rebelles viennent à Paris le 15 janvier. Mais Sidiki Konaté, porte-parole du MPCI joint par téléphone par Reuters, a prévenu que l'accrochage de Duékoué "pourrait compromettre dangereusement la visite à Paris". "Nous ne pouvons pas comprendre que l'armée française tue plus que les mercenaires de Gbagbo", a-t-il ajouté, estimant que la France confirmait par cet engagement armé "son rôle d'une armée occupante". Interrogé sur France Inter, le secrétaire général du MPCI, Guillaume Soro, a précisé que "si cet état de fait devait perdurer, ce serait de nature à remettre en cause la participation du MPCI aux négociations du 15 janvier, ce que nous ne souhaitons pas". Apparus en novembre dans l'Ouest ivoirien, le MPIGO et le MJP ne sont pas parties prenantes à l'accord de cessez-le-feu du 17 octobre. Au cours de sa tournée diplomatique, Dominique de Villepin n'a rencontré aucun de leurs représentants et leur présence à la table ronde de Paris, souhaitée par les autorités françaises, reste hypothétique. * Un porte-parole des rebelles de l'Ouest ivoirien a indiqué mardi qu'une réunion était en cours avec des officiers français à Duékoué pour discuter de l'accrochage de lundi. * De source diplomatique française, on confirme par ailleurs que l'ambassadeur de France à Abidjan, Gildas Le Lidec, rencontrera comme prévu des représentants du MPIGO mercredi ou jeudi à Duékoué pour sonder leur état d'esprit. * Ils seront eux aussi invités à Paris "s'ils sont d'accord et manifestent leur bonne volonté", précise-t-on de même source. • Katie Nguyen (Reuters)