Après les affrontements meurtriers de lundi entre les troupes françaises et les rebelles de l'Ouest, les perspectives de paix semblent, chaque jour, un peu plus, s'éloigner de Côte-d'Ivoire. Où règne la confusion la plus totale. «L'oeuvre d'incontrôlés», c'est en ces termes que la ministre française de la Défense a qualifié mardi les affrontements qui ont opposé, la veille, les troupes de l'Hexagone à des rebelles dans l'ouest de la Côte-d'Ivoire. «Une quarantaine d'hommes en armes se sont approchés des troupes françaises et ont ouvert le feu soit avec des armes individuelles, soit avec un mortier», a expliqué Michèle Alliot-Marie, précisant que «dès que les troupes françaises ont réagi, tout ce groupe s'est égaillé dans la nature». Cet accrochage est cependant le plus meurtrier ayant impliqué les forces de l'opération Licorne dans le pays puisque 30 rebelles ont été tués et neuf soldats français blessés, dont un grièvement. Le Mouvement patriotique ivoirien du Grand-Ouest (MPIGO) et celui pour la Justice et la Paix (MJP) ont, pour leur part, expliqué que leurs hommes avaient attaqué les Français, à un carrefour routier situé non loin de Duékoué, à la suite d'un bombardement de leurs positions par les forces gouvernementales ce week-end. Felix Doh, porte-parole de ces rebelles, a déclaré que des hélicoptères FANCI pilotés par des mercenaires avaient tué 10 civils dimanche à Neka, un village de l'ouest. Cette dernière donne pourrait remettre en cause l'accord de cessez-le-feu signé par le gouvernement et le MPCI, le 17 octobre dernier – auquel n'ont pas pris part le MPIGO et le MJP apparus par la suite - et, plus grave encore, les engagements pris par le président et le même mouvement, le week-end dernier. Pire, la poursuite de ces combats, entourée de la plus totale confusion, menace directement la «table ronde» censée relancer le dialogue entre le pouvoir et les opposants ivoiriens, le 15 janvier à Paris, et à laquelle les deux groupes de l'ouest se sont dit prêts à participer. «Le MPCI constate avec regret, 48 heures après la visite du ministre Dominique de Villepin en Côte-d'Ivoire, que les combats ont été meurtriers et pourraient être de nature à compromettre dangereusement la réunion» de Paris, a même déclaré, mardi, Guillaume Soro, secrétaire général du mouvement auteur du soulèvement du 19 septembre. Le responsable rebelle a aussi critiqué l'attitude de l'armée française à Duékoué, l'accusant de devenir «barbare et meurtrière» dans un conflit que ce groupe a toujours qualifié d'«ivoiro-ivoirien». Pourtant, de l'avis même de l'opinion ivoirienne, à l'image de Fraternité matin (édition électronique du 7 janvier 2003), «la paix en Côte-d'Ivoire passe désormais par Paris». Et le journal gouvernemental de rappeler que «la terre d'Afrique s'est comme dérobée à sa mission de réconciliation». L'issue de cette crise sera-t-elle pour autant uniquement politique, comme l'a souhaité le chef de la diplomatie française samedi ? Certains pays voisins, comme le Sénégal, privilégient plutôt une présence militaire d'envergure pour parvenir à ramener le calme. « Il y aura des Français, il y aura des troupes d'Ecomog (issue de la CEDEAO), il y aura les casques bleus. Dans quelles proportions, ça je ne sais pas encore», a ainsi déclaré le président sénégalais mardi au moment où, à Abidjan, on évoquait la possible participation de plusieurs officiers supérieurs des FANCI, dont le chef d'état-major lui-même, le général Mathias Doué, dans un complot visant à renverser le président Gbagbo. En profitant justement de son départ... pour les pourparlers de Paris.