Jeudi, les combats se poursuivaient dans l'extrême Ouest de la Côte d'Ivoire, le long de la frontière avec le Libéria, pays d'où émergent des bandes armées. Celles-ci sont-elles « incontrôlées » ou alliées à l'un des camps ? Qui sont ces groupes qui multiplient actuellement des affrontements armés dans l'Ouest ivoirien, au détriment de l'accord de cessez-le-feu signé par tous les acteurs de la crise ? Les principaux intéressés, les rebelles du MPIGO – le Mouvement populaire ivoirien du grand ouest –, ont démenti, jeudi, être responsables des combats en cours dans leur zone d'influence. Leur délégué, le sergent Félix Doh a « catégoriquement » nié toute implication de ses hommes dans l'attaque de mercredi contre les forces loyalistes à Toulépleu. « Ce sont des combats entre Libériens. Des mercenaires libériens, employés par l'armée de Gbagbo, ont d'abord attaqué les troupes libériennes, sur la frontière. Les forces régulières libériennes ont répliqué en attaquant Toulépleu », a-t-il affirmé. Il a aussi déclaré que son groupe n'avait rien à voir avec l'attaque de mardi à Duékoué, dans la même région, au cours de laquelle deux légionnaires français avaient été blessés, dont un grièvement. « Je n'en sais rien, ce n'est pas dans ma zone mais dans celle du MJP », a-t-il répondu. Le Mouvement pour la justice et la paix a par la suite, lui aussi, rejeté sa responsabilité dans ces combats. Le porte-parole des forces gouvernementales ivoiriennes, le lieutenant-colonel Jules Yao Yao, avait pourtant affirmé mercredi que l'attaque de Toulépleu était le fait de « rebelles libériens du MPIGO et du MJP ». Il avait estimé le nombre d'assaillants à « 400 ou 500 hommes », et le bilan provisoire des combats à « 4 morts et 15 blessés du côté des forces régulières, et 25 morts côté rebelle ». Le lendemain, les responsables FANCI ont revu leur jugement, estimant que les violences pouvaient être le fait de « troupes régulières libériennes ». « Le Liberia ne souhaite pas s'engager dans la guerre », a aussitôt répondu le président Charles Taylor. « Le gouvernement libérien, qui est lui-même confronté à une rébellion, désavoue tout Libérien s'impliquant dans une guerre contre un régime légitimement élu », a ajouté le chef d'Etat sur la chaîne de télévision nationale. Qui sont donc ces Libériens ? Des « bandes d'incontrôlés », expliquait jeudi l'armée française. Selon son porte-parole, le lieutenant-colonel Ange-Antoine Leccia, ces groupes « font régner un climat de violence grave sur les populations ivoiriennes frontalières et leurs exactions sont à même de remettre en cause le statu quo » actuel. Les responsables de l'opération Licorne ont même autorisé les FANCI à réutiliser des « hélicoptères Mi-24» - cloués au sol depuis début janvier - contre ces Libériens, en donnant « des ordres dénués de toute ambiguïté afin d'éviter tout dérapage ». Ces dernières violences peuvent-elles faire capoter les efforts diplomatiques entrepris par la France ? Ceux-ci devaient être bouclés jeudi soir avant l'ouverture, le lendemain, du sommet des chefs d'Etat ouest-africains. Un projet d'accord circulait déjà mercredi entre les délégués présents à Marcoussis. Issu d'un compromis entre le pouvoir, les opposants politiques et les rebelles, il prévoit le maintien de Laurent Gbagbo dans ses fonctions à condition de déléguer nombre de ses prérogatives un « super-Premier ministre » issu d'une autre formation que la sienne.