Dimanche, le gouvernement a appelé les jeunes Ivoiriens à se mobiliser au moment où les combats se sont intensifiés dans l'Ouest et où la découverte d'un charnier a ravivé les tensions entre les communautés du pays. S'ils étaient jusque-là restés concentrés dans l'Ouest, les affrontements entre l'armée ivoirienne et les groupes rebelles risquent désormais de prendre une ampleur nationale. Le gouvernement du président Laurent Gbagbo l'a clairement signifié dimanche en demandant aux Ivoiriens de prendre les armes. «Nous appelons à la mobilisation en raison de la multiplication des fronts», a déclaré le ministre de la Défense, Kadet Bertin, expliquant qu'il «nous faut aussi augmenter les effectifs des forces de sécurité et de défense». Alors pour « répondre aux vœux» de ceux qui « font preuve (selon lui) de volonté d'aller se battre au front», le gouvernement a invité tous les jeunes de 22 à 26 ans à se présenter dès mardi à l'état-major des Forces armées nationales ivoiriennes, basé à Abidjan. Cette décision, qui intervient alors que les affrontements se sont multipliés ces dix derniers jours dans l'ouest du pays, va sans nul doute accentuer les tensions déjà vives en Côte d'Ivoire où apparaissent de nombreux groupes rebelles pas forcément affiliés à l'auteur du soulèvement du 19 septembre, le MPCI. Depuis fin novembre, deux nouveaux mouvements se sont ainsi manifestés dans l'Ouest : le Mouvement populaire ivoirien du grand ouest (MPIGO) et le Mouvement pour la Justice et la Paix (MJP). Ces deux groupes sont à l'origine des combats de Man, reprise la semaine dernière par les forces gouvernementales, mais aussi Danané et de Toulépleu, deux villes situées près de la frontière libérienne. D'autres rebelles du MPIGO ont annoncé samedi avoir attaqué la localité de Blolekin, à 120 km à l'est de Toulépleu, où les combats se poursuivaient dimanche. Cette multitude de fronts a également entraîné le déploiement de soldats loyalistes et de plusieurs dizaines de mercenaires étrangers vers ces zones productrices de cacao. L'armée française a aussi annoncé samedi que des rebelles se dirigeaient vers Guiglo, une localité toujours contrôlée par les FANCI. Ce sont ces mêmes troupes envoyées par Paris en septembre qui ont par ailleurs mis à jour jeudi un charnier à Monoko-Zohon toujours dans l'Ouest. Découverte macabre qui fait désormais l'objet d'une enquête, ordonnée samedi par le gouvernement. Le pouvoir a aussi assuré qu'il était prêt à accueillir une enquête internationale «dans le but de clarifier la situation». Cette dernière est en effet particulièrement confuse, chacun des deux camps accusant l'autre d'être l'auteur de ces nouvelles exactions. Selon des témoignages recueillis dans le village, une fosse commune renfermerait entre 100 et 120 cadavres, surtout des immigrés de la région ouest-africaine, apparemment tués lors d'un raid des FANCI. Une version qui rejoint celle donnée samedi par les mutins du MPCI sur le point de rompre les pourparlers de Lomé, au Togo, même si les Français ont assuré ne pas pouvoir établir l'identité des victimes, ni de leurs tueurs. Plus d'une centaine de personnes ont pourtant bel et bien été tuées le 29 novembre dans ce village situé à quelque 300 km au nord-ouest d'Abidjan. Après l'annonce de l'existence de ce charnier, les autorités ivoiriennes avaient rejeté toute responsabilité arguant que la zone était sous contrôle rebelle. Le MPCI lui avait répondu samedi que ses troupes n'étaient revenues à Monoko-Zohi que le 30 novembre, après le départ des FANCI. Reste que cette crise ivoirienne a largement été entachée d'expulsions, d'exécutions sommaires et autres exactions à l'encontre des opposants au pouvoir, mais aussi des populations immigrées, surtout burkinabés. Plus de 30.000 personnes, pour la plupart des réfugiés libériens, ont encore fui les combats de l'ouest la semaine dernière, à destination du Liberia et de la Guinée voisins, selon le HCR.