Avec l'ouverture d'un nouveau front armé dans l'Ouest, la Côte d'Ivoire a accentué le week-end, la crise qui la paralyse déjà depuis plus de deux mois. Face au risque d'embrasement, la diplomatie régionale se mobilise. Les dirigeants de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'ouest ont pris acte lundi de l'échec de leurs efforts jusque-là fournis pour tenter de sortir la Côte d'Ivoire de l'impasse. Les pourparlers de paix entre les rebelles et la délégation gouvernementale sont au quasi point mort depuis des jours. Aucune des deux parties ne semble en effet vouloir céder d'un pouce sur sa vision de la « paix ». Le président Laurent Gbagbo n'est pas plus disposé à quitter le pouvoir que les mutins ne le sont à déposer les armes. Ni les efforts du président togolais Gnassingbé Eyadéma, médiateur des négociations ouvertes le 30 octobre à Lomé, ni les appels à la modération du chef d'Etat sénégalais Abdoulaye Wade, président en exercice de la CEDEAO, ni ceux de la France, dont le ministre des Affaires étrangères s'est récemment rendu dans la région, n'ont eu la moindre influence sur le cours des discussions. En attendant une quelconque avancée diplomatique, le pays reste donc coupé en deux, entre un nord aux mains des rebelles organisés autour du MPCI, mouvement patriotique de Côte d'Ivoire, et un sud favorable au pouvoir dirigé par Laurent Gbagbo. La « frontière » de fait est toujours surveillée par les troupes françaises qui n'avaient jusque-là (depuis la signature du cessez-le-feu le 17 octobre) signalé aucun incident majeur. Mais voilà que, vendredi dernier, un nouveau front s'est ouvert à l'ouest, dans la région où se concentre la production de cacao, poumon économique du pays. Des rebelles issus de l'ethnie locale Yacouba, soutenus par les mercenaires libériens, se sont alors retrouvés face aux militaires français en tentant de prendre le contrôle des villes de Man et de Danané. Ces derniers, confrontés pour la première fois à de tels accrochages, ont pu reprendre dimanche l'aérodrome et évacué quelque 160 ressortissants étrangers présents dans cette zone. Puis les troupes gouvernementales, les FANCI, ont pris le relais avec le soutien de mercenaires français et sud-africains entre autres. L'état-major ivoirien a même annoncé lundi avoir rétabli l'ordre dans la ville de Man. Le Liberia voisin, tout en démentant une quelconque implication de ses ressortissants, a quant à lui annoncé la fermeture de sa frontière avec la Côte d'Ivoire. Le MPCI a enfin affirmé ne rien avoir de commun avec cette rébellion même si elle «combat pour les mêmes choses et cela légitime nos demandes», a souligné Guillaume Soro, membre de la délégation de Lomé. Ces affrontements constituent en tout cas un nouvel avertissement pour toute la région ouest-africaine. S'ils font sans cesse grimper le cours du cacao – dont la Côte d'Ivoire assure 40 % de la production mondiale –, ils ont surtout jeté un nouveau flot de réfugiés sur les routes et créé de nouvelles tensions. Face à ce risque d'embrasement, la CEDEAO a d'ailleurs décidé lundi de se réunir à nouveau le 7 décembre à Accra, au Ghana. Le projet de déploiement d'une force ouest-africaine d'interposition, l'ECOMOG, doit notamment être réexaminé. Une rencontre devait par ailleurs être organisée mardi à Bamako, au Mali, entre le président burkinabé Blaise Compaoré, dont le pays est accusé d'être derrière le soulèvement du 19 septembre, et son homologue ivoirien Laurent Gbagbo. A Ouagadougou, on précisait déjà lundi que le sort des milliers d'immigrés burkinabés expulsés de Côte d'Ivoire serait particulièrement évoqué.