Côte d'Ivoire. Lundi, les mutins ivoiriens ont renforcé leur contrôle sur la ville stratégique de Daloa, à l'ouest tandis qu'une reprise des pourparlers de paix entre les deux camps n'était plus exclue, selon un médiateur sénégalais. «Les mutins ont pris Daloa», a annoncé dimanche le lieutenant-colonel Ange-Antoine Leccia, porte-parole du contingent français présent en Côte d'Ivoire, confirmant ainsi la prise de cette ville de l'ouest par les rebelles. Quelques heures plus tard, la télévision officielle continuait pourtant d'affirmer que les forces loyalistes «résistaient vaillamment» à Daloa et avaient repoussé une autre offensive sur Bondoukou dans l'est du pays. Reste que cette prise de contrôle de Daloa, située en plein cœur de la zone productrice de cacao, a bel et bien porté un nouveau coup dur au régime du président Gbagbo. Et elle ne semblait être que le début d'une nouvelle série d'offensives annoncées samedi par les rebelles lors d'un meeting organisé à Korhogo, au nord. Les mutins avaient alors répété vouloir marcher sur Abidjan, la capitale économique du pays. Cette progression n'a cependant pas empêché les diplomates sénégalais de poursuivre leurs efforts de médiation. Ils sont encore retournés dimanche à Bouaké, dans le centre, pour y rencontrer les responsables de l'insurrection. Les envoyés spéciaux de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) ont même annoncé des progrès vers l'obtention d'un cessez-le-feu qui pourrait déboucher sur des pourparlers de paix d'ici trois semaines. Selon le ministre sénégalais des Affaires étrangères, Tidiane Gadio, les rebelles ont donné «leur accord de principe à une cessation des hostilités et tout le reste». Il a ajouté espérer obtenir ce lundi l'accord définitif des rebelles, qui devaient d'abord se consulter entre eux. La CEDEAO a aussi précisé qu'elle était prête à envoyer sa force militaire, l'ECOMOG, si les rebelles décidaient de chasser le président Gbagbo du pouvoir. «Nous leur avons dit que s'ils renversent le gouvernement, c'est fini. Nous avons le devoir d'utiliser la force», a souligné Tidiane Gadio. Une autre équipe d'émissaires ouest-africains s'était dans le même temps rendue auprès de la présidence ivoirienne qui a dénoncé dimanche «de graves violations des droits humains» (exécutions sommaires, tortures, viols) de la part des forces rebelles. La crise humanitaire semblait d'ailleurs avoir pris de l'ampleur depuis le début des combats. Les ONG ont estimé que quelque 150.000 personnes avaient récemment fui Bouaké. Pas moins de 13.000 autres ont aussi quitté à la hâte la petite ville de Didievi. Plusieurs centaines de personnes ont été tuées depuis le début du soulèvement qui a exacerbé les tensions entre le Nord, musulman, et le Sud majoritairement chrétien. Ces rivalités ethniques, mêlées aux affrontements armés depuis près d'un mois, ont été aggravées par les déclarations de différents responsables ivoiriens, dont le chef d'Etat, relayés par les médias officiels. La télévision avait notamment appelé à l'expulsion des immigrés, surtout les Burkinabés, leur pays ayant été accusé d'être à l'origine de l'insurrection. Cette situation fait aujourd'hui craindre un embrasement de toute la région ouest-africaine, fragilisée par des décennies de guerres civiles et leur lot de réfugiés. Cette éventualité a poussé la CEDEAO à maintenir son rôle de médiateur malgré l'échec d'une première mission il y a deux semaines.