Exactions contre les immigrés, fuite des combats, négociations échouées puis reprises et interventions militaires de l'étranger ont émaillé la crise ivoirienne entamée le 19 septembre dernier. Et qui se trouve dans l'impasse. Depuis le soulèvement lancé à Abidjan et dans plusieurs autres grandes villes ivoiriennes le 19 septembre, toute solution à la crise semble aujourd'hui incertaine. Les rebelles s'étaient dès les premiers jours replié vers le centre, notamment Bouaké, et le nord, Korogho et ses alentours. Depuis ils ont gardé le contrôle de toute la région, allant même jusqu'à lorgner sur les terres de l'ouest où se concentre la production cacaotière. C'est là où les affrontements se sont multipliés cette semaine, notamment à Daloa, reprise par les forces loyalistes mardi. Ces FANCI ont par contre tenté en vain de reprendre le contrôle de ce nord majoritairement musulman -le sud étant surtout chrétien- où une partie de la population a apporté son soutien aux rebelles. Ni l'envoi de contingents français, américains, ni celui plus récent de troupes angolaises ne semblent avoir fait évoluer la situation. Au contraire. Accusées d'ingérence par les mutins qui parlent d'un conflit «ivoiro-ivoirien», ces forces étrangères ont selon eux outrepassé leur rôle de soutien logistique et matériel, et celui de la protection et l'évacuation de leurs ressortissants. Entre offensives et contre-offensives de la part de chaque camp, les civils se sont pour leur part retrouvés jetés sur les routes, exode annonciateur d'une crise humanitaire redoutée par les ONG. Ils sont environ 150.000 à avoir fui la seconde ville du pays Bouaké, ballottée entre journées calmes et annonces d'un assaut «imminent» par les FANCI, déployées aux abords de la ville. A ceux-là, se sont ajoutés les minorités immigrées, la plupart chassées par les autres populations. Car dans ce pays où le concept identitaire d'«ivoirité» domine depuis des années tous les débats d'opinion, la suspicion d'un complot étranger pour déstabiliser la nation est devenue monnaie courante. Au point que dès le lendemain du soulèvement, le président Gbagbo lui-même avait accusé un «Etat voyou», en l'occurrence le Burkina Faso voisin, d'être à l'origine du putsch manqué. Si ce dernier l'a vivement nié, les multiples appels par voie de presse et de télévision au «nettoyage» des villes ont été largement entendus : les saccages, incendies de maisons et expulsions de familles Burkinabé des taudis d'Abidjan ou des villes cacaotières de l'ouest ont été nombreux. Et alors que la crise menaçait de dépasser les frontières ivoiriennes -des mercenaires burkinabé, mais aussi libériens et sierra-léonais étant soupçonnés d'avoir pris part au conflit- la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'ouest (CEDEAO) a décidé le 29 septembre de créer un «groupe de contact» avant d'envoyer une éventuelle force de paix régionale. Une semaine plus tard, les médiateurs ont annoncé un cessez-le-feu imminent, mais le 6 octobre, le président Gbagbo a fait volte-face prétextant que la CEDEAO avait outrepassé son rôle. Cette semaine, alors que de nouveaux responsables africains sont arrivés sur place, le chef d'Etat a lancé un ultimatum aux mutins regroupés au sein du Mouvement patriotique de Côte d'Ivoire : avant dimanche, ils devaient soit faire la paix -et déposer les armes- soit la guerre. Message auquel le représentant du MPCI, Guillaume Soro Kigbafori, a répondu mardi soir : «Gbagbo a choisi la voie de la guerre. Nous avons des armes, du ravitaillement, des munitions pour combattre pendant deux ans. Nous allons livrer la guerre jusqu'au bout». Quel «bout»? Le MPCI a encore réclamé la démission de Gbagbo et dit vouloir créer un «gouvernement de transition pour organiser des élections libres auxquelles tous pourraient participer» alors que selon lui, l'actuel président «exploite les divisions ethniques et religieuses de Côte d'Ivoire pour renforcer l'emprise sur le pouvoir de sa tribu Bete».