Mardi, comme prévu, des milliers de jeunes ivoiriens ont afflué pour s'enrôler dans l'armée gouvernementale au moment où les rebelles menacent de reprendre les armes pour chasser le président Gbagbo. Trois jours après que le pouvoir ait lancé l'appel à la mobilisation des Ivoiriens pour «libérer le pays», des milliers de jeunes se sont rendus mardi à l'endroit prévu, l'état-major des FANCI, basé à Abidjan. «Tout Ivoirien âgé de 20 à 26 ans décidé à aller au front pour défendre la Côte d'Ivoire», avait lancé samedi le ministre délégué à la défense, Bertin Kadet. Selon des témoins, des milliers de «jeunes gens excités» ont donc commencé à affluer, encore plus motivés – s'il le fallait – par les derniers propos tenus par le président de la «Coordination des jeunes patriotes». Charles Blé Goudé avait martelé lundi : «nous sommes prêts à mourir pour le pays, mais ce sont les assaillants qui doivent mourir. Nous allons mettre un terme à la rébellion. Nous ne négocierons pas avec les rebelles, nous allons marcher sur eux». Ecraser l'ennemi, c'est aussi ce que les mutins du MPCI semblaient déterminés à faire lundi après avoir signifié le même jour qu'ils étaient «en état d'alerte maximum». «Les troupes du MPCI sont prêtes à reprendre l'offensive au cas où rien ne serait clarifié sur le charnier. Nos forces sont prêtes sur tous les fronts» avait alors déclaré Guillaume Soro, chef de la délégation des négociateurs rebelles dans la capitale togolaise. «Notre combat devient un combat pour chasser les génocidaires en Côte d'Ivoire. J'espère que la France ne jouera pas un mauvais jeu», avait-il ajouté, estimant que la communauté internationale n'a que deux choix, « soutenir le régime génocidaire Gbagbo ou encourager un nouvel ordre politique en Côte d'Ivoire». Depuis la découverte du charnier, le 5 décembre par les troupes françaises, dans le village de Monoko-Zohi (ouest), les rumeurs de massacres d'immigrés ouest-africains se sont largement multipliées. Quelque 120 d'entre eux ont été ensevelis ou jetés dans les puits de cette localité, selon des témoins. Les autorités du pays comme les rebelles se sont depuis rejetés la responsabilité de cette tuerie. Le MPCI a, quant à lui, reconnu lundi l'existence d'une autre «fosse commune» renfermant les corps de 86 soldats loyalistes à Bouaké, ville du centre qu'ils détiennent depuis le soulèvement du 19 septembre. Ce qui n'a cependant, selon eux, rien de commun avec un «charnier de civils». «Il y a eu des combats à Bouaké, malheureusement des soldats sont tombés, beaucoup de gendarmes avaient été tués, nous le reconnaissons», a déclaré M. Soro, affirmant que les corps de ces soldats avaient été «rassemblés» avec ceux des rebelles également tués. La Côte d'Ivoire est-elle réellement sur le point de rompre tout effort de paix et de replonger dans un conflit qui menace toute la région ouest-africaine ? La venue lundi à Yamoussoukro du président togolais Gnassingbé Eyadéma, en dit long sur cette menace latente depuis des jours. Désigné médiateur par la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'ouest (CEDEAO), le général s'est entretenu avec le président Laurent Gbagbo pour éviter une imminente reprise des combats. Le chef d'Etat ivoirien a par la suite déclaré qu'il signerait mercredi à Abidjan «avec tous les partis politiques représentés au Parlement» un document politique censé relancer sa politique d'union nationale et la résolution pacifique de la crise. Trop tard? Le MPCI avait donné au pouvoir et à la communauté internationale jusqu'à lundi minuit pour qu'ils ouvrent une enquête sur le charnier de Monoko-Zohi et en poursuivent les auteurs.