Le cambriolage est souvent, au moins au Maroc, une idée d'hommes. Seulement l'indigence a incité une femme de Fès, mère de trois enfants, à se baigner dans cette marée noire. La vie n'était jamais belle pour Abdellah et sa sœur Nadia. Il est né en 1958, neuf ans plus tôt qu'elle. Certes, leurs parents rêvaient d'avoir deux enfants bien éduqués, bien élevés. Des rêves qui pourraient être réalisés? Sûrement, mais dans une atmosphère familiale saine. Malheureusement, l'indigence a brouillé cette atmosphère au point qu'elle est devenue un grand écueil dans le parcours de leurs enfants. Aucun d'entre eux n'a pu dépasser la phase primaire, n'a pu avoir un diplôme aussi bien d'enseignement secondaire ou universitaire que professionnel. Abdellah et Nadia ont tenté à maintes reprises de changer leur vie en essayant de travailler. Mais en vain, surtout pour Abdellah. Quant à Nadia, elle concevait que le mariage lui permettrait d'avoir une belle vie avec son mari, que les trois enfants qu'elle avait de son mariage égaieraient son foyer et lui permettraient d'oublier les années sombres de sa vie et que la vie ne la trahirait jamais plus. Mais le rêve est une chose et la réalité en est une autre. Du jour au lendemain, elle est répudiée et par conséquent elle doit assumer la charge de ses trois enfants. «Comment vais-je les élever, les nourrir et les habiller ?», pense-t-elle. Son ex-mari leur a tourné le dos. Il ne leur verse plus le moindre sou de la pension alimentaire. Au fil des jours, Nadia n'a plus de quoi répondre aux besoins de ses enfants. L'état de ses trois enfants lui hante l'esprit, elle ne supporte plus leur état de misère; elle doit trouver à une solution convenable. Laquelle ? «Je l'ai trouvée enfin», se dit-elle. Nadia s'adresse à son frère, Abdellah, toujours au chômage, et lui propose son idée : «Nous devons avoir une solution pour notre situation…J'ai pensé au cambriolage…». Il a écarquillé les yeux d'étonnement. Il n'a jamais imaginé, lui qui est l'aîné, que sa sœur arriverait à ce stade. «Tu as bien pensé ou c'est juste une idée qui te passe par la tête?», lui demande-t-il. Nadia semble être convaincue de son idée. Elle arrive à convaincre également son frère. Elle commence à lui expliquer sa proposition : «Je me chargerai du repérage de la maison ciblée, de savoir si ses propriétaires sont absents ou pas et tu te chargeras du cambriolage…». « Comment dois-je y entrer ?», lui demande-t-il. «C'est très simple, en utilisant des fausses clés», lui répond-elle. Nadia et son frère passent à l'action: Elle repère le lieu cible. Un domicile d'une famille plus ou moins aisée dans l'un des quartiers de Fès et sonne à la porte. Une fois assurée de l'absence des habitants, elle téléphone à son frère qui arrive sans perdre de temps. Il utilise l'une des fausses clés pour ouvrir la porte, entre au domicile pour mettre la main sur les objets légers et précieux. Il retourne chez sa sœur qui se charge de la liquidation du butin. Il fallait attendre la dix-septième opération, perpétrée au cours de la dernière semaine de décembre, pour que Abdellah fût surpris par les habitants d'un domicile du quartier Bab Al Khokha. Il a été arrêté en flagrant délit pour être mis entre les mains de la police judiciaire de Fès. Il leur a dévoilé la vérité : « C'est ma sœur qui est derrière cette idée ». Le duo a été déféré par la suite devant la chambre criminelle près la cour d'appel de Fès pour vol qualifié.