Bouchra est à son quatorzième printemps. Et pourtant, elle est à son troisième mois de grossesse. Cette adolescente n'est pas mariée à ce bas âge. Mais, elle a été violée par un père de trois enfants. Sans nul doute, Bouchra souhaitait être dans la Lune. Certes, comme tous les enfants de son âge, elle avait le droit de rêver. Le rêve de poursuivre ses études jusqu'au bout, de décrocher un diplôme, de quitter son douar noyé dans l'indigence et d'avoir un emploi lui permettant de gagner dignement sa vie et de subvenir aux besoins de ses parents encore jeunes et de ses deux sœurs et son frère. Malheureusement, avant d'avoir ses quatorze ans, elle a été convaincue que tous ses rêves ne se réaliseront jamais. C'est en 1996 que Bouchra avait vu le jour au douar Lahmamisse, commune rurale de Ouled Salama, caïdat de Âmer, province de Kénitra. Elle est l'aînée de la famille, elle a été inscrite dans une école publique, située non loin du douar, quand elle était à son sixième printemps. En fait, les charges devenaient, au fil des mois, de plus en plus lourdes surtout que seul le père se débrouillait pour subvenir aux besoins de sa famille. Celle-ci s'agrandissait au fil des années. Quand Bouchra avait dix ans, ses deux parents ont déjà mis au monde deux jumeaux et une sœur pour qu'ils deviennent une fratrie de quatre enfants. À cet âge, elle était à la quatrième année d'enseignement primaire. Elle a réussi. Malheureusement, son père ne pouvait plus prendre en charge les fournitures scolaires et il avait besoin de quelqu'un pour l'aider à nourrir les quatre autres bouches, celles de son épouse et de ses trois autres enfants. Et il a sacrifié Bouchra pour avoir plus d'argent. Comment ? Il l'a mise entre les mains des agriculteurs. Dès l'âge de onze ans, Bouchra a commencé à aller aux champs agricoles pour récolter les citrons contre une somme quotidienne de cinquante dirhams qu'elle remettait à son père. En compagnie d'une voisine, encore mineure, Bouchra est transportée quotidiennement, dès 6h du matin, à bord d'un pick-up aux champs agricoles et ne retournait chez elle que vers 19 h. Nous sommes le lundi 25 janvier. Vers 6 h du matin, le pick-up s'est arrêté. Bouchra l'attendait en compagnie de sa voisine. À son bord, il y avait le chauffeur, Allal et l'agriculteur pour lequel Bouchra récoltait le citron, Mustapha, quadragénaire, père de trois enfants. Tout le monde l'appelait «Oncle Mustapha». Celui-ci a fait la bise à Bouchra quand elle est montée en voiture. Surprise, elle l'a fixé avec ses regards innocents surtout qu'il n'a pas étreint sa voisine. En arrivant à la ferme, il a permis à la voisine de descendre et rejoindre ses collègues aux champs, alors qu'il a demandé à Bouchra de l'accompagner à une autre ferme située à Al Fawarate. Une demi-heure de chemin, Allal a arrêté le pikc-up. «La voiture est en panne… On doit attendre Allal ici le temps qu'il conduise la voiture chez le mécanicien», a expliqué Mustapha à Bouchra. Il l'a conduite à l'intérieur d'une demeure du douar Al Fawarate. Dans une chambre, seul avec elle, il a saisi un cran d'arrêt. Il l'a mis sur son cou, l'a obligée à se dévêtir, lui a ligoté les mains derrière le dos avec une corde en plastique, a déboutonné son pantalon et a abusé d'elle comme s'il couchait avec une femme. Il l'a dépucelée sans vergogne et lui a lavé le sang avant de lui remettre les cinquante dirhams et l'a emmenée chez elle à bord du pick-up conduit par Allal. Quand elle a dévoilé son secret à sa mère, une plainte a été déposée. Allal a été interrogé par les gendarmes. Il a affirmé que la voiture n'était pas en panne et a nié avoir la moindre idée du viol de Bouchra par son employeur. Quant à celui-ci, il est en fuite. Quand Bouchra a été examinée par un gynécologue, c'était la surprise : elle est enceinte.