Abdellatif Jouahri passe au peigne fin les fragilités de l'économie nationale En dépit des réformes engagées et des visions sectorielles tracées, l'économie marocaine n'a pas encore atteint le niveau de résilience escompté. Elle affiche toujours des vulnérabilités. Sa croissance demeure faiblement inclusive. Elle reste à ce jour en quête d'une véritable voie et d'un modèle de développement qui la placeraient durablement sur un sentier de croissance plus élevé. Un constat autour duquel Bank Al-Maghrib articule son rapport annuel. Les fragilités de l'économie nationale ont été passées au peigne fin par Abdellatif Jouahri, wali de Bank Al-Maghrib, lors de son exposé devant Sa Majesté le Roi Mohammed VI, samedi 29 juin, au Palais Royal de Tétouan. Le wali de la banque centrale a fait savoir dans ce sens que 2016 aura globalement été une année difficile. Ceci se traduit par un affaiblissement sensible de la croissance et de l'emploi ainsi que par une évaluation défavorable à la fois du déficit commercial et budgétaire. Le poids persistant des activités informelles, l'offre exportable non développée, la vulnérabilité aux aléas climatiques... autant de défis qui imposent aujourd'hui une nouvelle génération de réformes. Le but étant de renforcer la résilience de l'économie marocaine dans un environnement international incertain. «A cet égard, l'amélioration de la productivité, principal déterminant du sentier de la croissance à long terme, devrait être parmi les objectifs prioritaires de ces réformes. La transformation digitale, souvent perçue comme la quatrième révolution industrielle, constitue dans ce sens un des principaux catalyseurs pour une plus forte compétitivité et un rythme plus rapide de la croissance», précise Abdellatif Jouahri. Le wali de Bank Al-Maghrib insiste dans ce sens sur la mobilisation des autorités à établir une stratégie numérique performante en vue d'accompagner les opérateurs économiques et la population et éviter par conséquent une nouvelle fracture avec les pays les plus avancés en la matière. La transition vers un régime de change flexible a également été évoquée dans le rapport de Bank Al-Maghrib. Cette réforme de nouvelle génération aura pour impact le renforcement de la capacité de l'économie marocaine à absorber les chocs externes et soutenir sa compétitivité. «Cette transition majeure s'annonce dans des conditions relativement favorables, mais elle n'est pas sans comporter de risques. Sa réussite reste tributaire du maintien des prérequis, notamment la discipline budgétaire et un niveau adéquat des réserves de change, ainsi que de la poursuite de la mobilisation de l'ensemble des acteurs concernés», soulève M. Jouahri qui en évoquant la morosité du marché du travail relève l'incapacité de l'économie marocaine à tirer profit du dividende de sa transition démographique pour accélérer son développement économique et social. L'amélioration durable de l'emploi passe par l'amélioration du système d'éducation et de formation. «La réforme du système éducatif s'impose aujourd'hui comme la priorité absolue pour notre pays. Ce système souffre non seulement d'une faiblesse de rendement et de qualité, mais également, comme le montrent certaines évaluations nationales et internationales, d'un niveau d'inégalités parmi les plus élevés au monde. Si une telle situation perdure, elle conduira inévitablement à l'accentuation des disparités sociales déjà importantes comme l'a souligné Sa Majesté le Roi dans son discours du Trône de 2014», apprend-on de Abdellatif Jouahri. Afin de renforcer le caractère inclusif de la croissance, le wali de Bank Al-Maghrib a appelé à la poursuite des efforts consentis pour la mise en place des programmes sociaux sur les rails. Il a insisté dans ce sens sur l'amélioration de la gouvernance de ces programmes ainsi que sur la nécessité de les soumettre à des évaluations régulières. L'urgence étant également à développer un dispositif de ciblage des populations les plus défavorisées, permettant ainsi de parachever la réforme du système de compensation. Les inégalités territoriales s'atténueraient également à travers l'aboutissement du chantier structurel de la régionalisation. Abdellatif Jouahri a par ailleurs mis l'accent sur la nécessité de poursuivre graduellement la décentralisation budgétaire, tout en veillant à ce qu'elle soit accompagnée d'un développement de ressources locales afin de limiter l'impact sur les finances publiques de l'Etat. Quant à l'effort d'investissement, M. Jouahri indique qu'il devrait être beaucoup mieux orienté afin de renforcer son rôle de levier et d'améliorer ses effets d'entraînement sur l'investissement privé et la croissance. Les chantiers visant l'amélioration de l'environnement des affaires devraient être accélérés. Les autorités devraient dans ce sens activer les mécanismes qui garantiraient une concurrence libre et loyale ainsi que de renforcer la lutte contre la corruption et d'accélérer la mise en œuvre de la réforme de la justice.