La pauvreté fait rage au Maroc. Alors qu'il n'était que de 4,6 millions de personnes en 1985, le nombre de pauvres a sauté en 1998 à 5,3 millions, soit jusqu'un Marocain sur cinq vivant au-dessous du seuil de la pauvreté. La population marocaine est passée de 28,7 millions en 2000 à 29,17 millions d'habitants en 2001. Sur ce total, le nombre des pauvres dépasse les 5,3 millions de personnes, au lieu de seulement 4,6 millions en 1985. Conséquence directe : le taux de pauvreté au Maroc est passé de 13,1 % en 1990 à 19 % en 1999, soit un Marocain sur cinq vivant dans la pauvreté. Effarant ! Ces chiffres, contenus dans le rapport national sur la politique de la population au titre de l'année 2001 du Centre d'études et de recherches démographiques (CERD) relevant du ministère de la Prévision économique et du Plan, nous poussent à nous interroger sur l'efficacité de la politique de lutte contre la pauvreté entamée il y a quelques années. C'est surtout dans le monde rural que la pauvreté est plus criarde. «La pauvreté persiste dans le monde rural à cause du grand fossé qui le sépare encore des villes en termes de développement», indique le rapport, intitulé «La lutte contre la pauvreté... bilan et perspectives». En effet, la population rurale qui constitue 46,60% de la population totale, représente 65,80% du total des pauvres. Si dans les villes, où le taux de chômage s'est aggravé durant les années quatre-vingt-dix, le taux de pauvreté n'est que de 12% (1/10), dans le monde rural, 27,2% de la population sont touchés par la pauvreté, soit 3 personnes sur 10. La succession de plusieurs années de sécheresse semble expliquer en partie ces chiffres alarmants. En termes qualitatifs, le rapport du ministère de la Prévision économique et du Plan souligne que les catégories sociales les plus exposées au fléau de la pauvreté sont notamment les familles prises en charge par des femmes et composées d'un nombre élevé d'enfants et habitant dans des bidonvilles ainsi que des familles ne bénéficiant pas d'un revenu stable. En tout cas la pauvreté demeure disparate selon les régions. À titre d'exemple, la pauvreté urbaine est plus prononcée à Fès-Boulemane, Taza-Al Hoceima-Taounat (24,1%), Meknès-Tafilalt (22,8%), au moment où des régions comme Tadla-Azilal ou Casablanca n'en souffrent que dans les proportions respectives de 4,2% et 5,4%. Pour réussir les programmes de lutte contre la pauvreté, le rapport estime qu'il faut bien cerner la dimension économique de la pauvreté. Comment ? En élaborant des politiques locales en matière d'emploi de la main-d'œuvre pauvre, contribuant au développement de l'agriculture de subsistance dans le monde rural et aux activités génératrices de profit dans le milieu urbain. Pour cerner le phénomène de la pauvreté, le Maroc utilise le concept de pauvreté monétaire absolue et celui de pauvreté alimentaire, c'est-à-dire les dépenses qui permettent de couvrir l'achat des produits et services qui assurent le minimum des protéines et des calories dont a besoin le corps humain et tels que les définissent l'OMS et la FAO. Dans ce sens, un rapport de la Ligue nationale pour la protection du consommateur (lNPC) fait ressortir que la consommation moyenne des Marocains sous toutes ses formes (alimentation, habitat, santé, éducation et autres) ne dépasse guère les 29 dirhams en milieu urbain et 15 dirhams en milieu rural. Ce qui prouve que le Marocain, qui ne consacre que 9 DH par jour pour son alimentation est encore loin des normes de la bonne alimentation. Les dépenses moyennes annuelles par personne en milieu urbain atteignent 10.154 dirhams, soit le double de celles des ruraux. Dans un autre registre, le rapport indique que la majorité des Marocains ne sont pas connectés à l'Internet qui leur coûte très cher, alors que la moyenne nationale des dépenses des prestations médicales ne dépasse pas 536 DH. «Si la pauvreté était un homme, je l'aurais tué», dixit un sage !