Adnan Debbagh, chef d'entreprise et militant USFP, n'a de cesse de répéter que la conjonction optimale entre équilibres macro-économiques et équilibres sociaux se fait sur les sentiers d'une croissance forte, créatrice d'emplois, dont tout gouvernement doit assurer les conditions objectives. Entretien. ALM : Quelles sont, selon vous, les priorités pour la rentrée politique ? Adnan Debbagh : La rentrée politique a été déjà marquée par les deux derniers discours importants de S.M le Roi Mohammed VI, qui ont permis de préciser les chantiers futurs pour le Maroc et les attentes du Souverain quant à la contribution de chacun : acteurs politiques, associatifs, culturels quant au devenir de notre pays. Le Maroc a incontestablement marqué des points sur le dossier de son intégrité territoriale, en ralliant des acteurs importants de la région, si ce n'est à son point de vue du moins à une position moins manichéiste sur le dossier, il s'agit de poursuivre sans relâche. Ces positions, faut-il le rappeler sont le fruit d'une crédibilité plus affirmée de notre pays sur la scène internationale qui elle-même est faite de l'engagement ferme du Maroc dans la modernisation. Si le Maroc a avancé dans son processus de démocratisation, chose qui aujourd'hui est connue et reconnue, il doit faire un effort substantiel pour protéger ce projet de société à travers la mise en place d'une politique économique susceptible d'assurer un trend de croissance autrement plus ambitieux que celui réalisé jusqu'à présent. Il est temps pour l'ensemble des élites impliquées dans le processus de modernisation de ce pays de reconnaître franchement que le travail fait jusqu'à présent au niveau de la croissance (autour de 3 % de moyenne sur dix ans), et que je reconnais comme important, demeure insuffisant pour rassurer nos concitoyens quant à notre capacité à créer les emplois en nombre suffisant et à assurer globalement les conditions d'une vie décente. Aujourd'hui, les gouvernements dans les Etats démocratiques sont jugés à l'aune de leur capacité à assurer une croissance susceptible d'améliorer le quotidien du citoyen. Même chose pour les partis politiques qui sont appelés, dans leur positionnement respectif : participation ou opposition, à faire connaître leurs idées et propositions sur le sujet. D'autres chantiers nous attendent pour consolider notre ancrage à notre choix de modernité et de démocratie : les droits de l'Homme, l'amélioration du statut de la femme en l'intégrant davantage dans le champs économique et culturel pour mieux consolider les acquis du code de la famille et mieux expliquer avec la sérénité qui sied à notre identité marocaine les multiples richesses de la culture amazighe. Pour terminer, il y a le dossier central de la régionalisation qui doit faire l'objet d'un débat sérieux et approfondi. Une des priorités, conformément aux directives royales, est la nouvelle charte pour la paix sociale. Comment vivez-vous l'activation de ce dossier sur le terrain ? Il important et sain pour une démocratie de montrer que c'est certes un système efficace économiquement, mais aussi susceptible de permettre un partage équitable des fruits de la croissance. Les partenaires sociaux, qui doivent véritablement jouer ce rôle en toute indépendance, sont appelés à embrasser une approche dénuée de corporatisme qui fait place à tous, non pas seulement à certains métiers ou certains secteurs économiques qui ont été médiatisés de manière exagérée. Le gouvernement, en fonction de son programme économique et social, doit veiller à cet équilibre entre les différentes catégories socioprofessionnelles. Ces dernières années, malheureusement, il y a eu quelques écarts. Le déficit budgétaire pour 2004 risque d'être un record, suite à la facture pétrolière et la non-réalisation des privatisations. Quel est votre commentaire ? Une approche déséquilibrée de la politique sociale a rendu inévitable ce déficit qui était prévisible vu la croissance de la masse salariale publique, à cela s'ajoute un taux de croissance certes bon, grâce aux bonnes récoltes successives, mais nettement insuffisant pour permettre certaines largesses. Le gouvernement devra sérieusement s'appliquer sur le champ économique pour ne pas aggraver la situation. Quant à la facture pétrolière, on peut légitimement se poser la question du pourquoi ce retard pris à répercuter les augmentations ? Les partis politiques sont appelés à plus d'initiatives. Pensez-vous que le travail est amorcé ? S'il n'est pas amorcé par certains partis, il devrait l'être pour répondre aux interpellations des discours de S.M. En ce qui concerne l'USFP, un travail de fond est en train d'être réalisé depuis le début de l'année, impliquant une large base de militants pour mettre à jour et améliorer ses propositions dans les domaines politiques, économiques, sociaux et culturels. C'est un travail sérieux et qui, telle est ma conviction, sera novateur. Le Premier ministre vient d'adresser sa lettre de cadrage pour la loi de Finances 2005. Quelle lecture en faites-vous ? Les efforts entrepris par l'actuel gouvernement sont louables. Toutefois, il est appelé , je l'ai déjà dit, à redoubler d'efforts pour gérer les déséquilibres qu'il a contribué à créer. Ceci n'est possible qu'en atteignant des paliers de croissance hors agricultures non encore réalisés. Je n'aurai jamais de cesse de répéter que la conjonction optimale entre équilibres macro-économique et équilibres sociaux se fait sur les sentiers d'une croissance forte, créatrice d'emplois, dont tout gouvernement doit assurer les conditions objectives.