Les avocats des quatre anciens détenus français de Guantanamo entendent déposer, aujourd'hui, une demande de remise en liberté de leurs clients incarcérés ce week-end en région parisienne après leur mise en examen. Ce référés-liberté, une procédure d'urgence, doit être examiné par le président de la chambre de l'instruction dans les trois jours suivant leur dépôt. Les quatre Français, rapatriés mardi, ont été détenus pendant plus de deux ans dans les cellules de la base américaine à Cuba où sont incarcérés arbitrairement, sans statut, 590 prisonniers d'une quarantaine de nationalités. Depuis samedi, Nizar Sassi, 25 ans, Mourad Benchellali, 23 ans, Brahim Yadel, 33 ans, et Imad Kanouni, 27 ans, connaissent les charges retenues à leur encontre par les juges français. Ils ont été mis en examen par les juges d'instruction Jean-Louis Bruguière et Jean-François Ricard pour "association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste". Les deux premiers sont également poursuivis pour "usage de faux documents administratif". Placés en détention provisoire dans différentes maisons d'arrêt de la région parisienne, ils ont quitté dans la nuit le palais de Justice de Paris vêtus de tee-shirts blancs, de jeans larges de couleur bleue et de paires de tennis blanches fournis par les autorités américaines avant leur départ pour la France. Tous portaient de longues barbes qu'ils n'ont pu tailler à Guantanamo, ont précisé leurs avocats. La justice leur reproche leur participation en Afghanistan à un groupement en vue de préparer des actes terroristes en Europe. Les quatre hommes n'ont pas caché devant les enquêteurs français leurs convictions religieuses radicales, souligne-t-on de source judiciaire. "Il n'y a pas dans le dossier d'éléments qui montrent que Brahim Yadel se formait pour préparer des actions terroristes en Europe", a indiqué à l'Associated Press son avocat, Me Jean-Baptiste Rozès. Il se formait pour combattre les ennemis du régime des Talibans, laisse-t-il entendre. Certains des anciens détenus sont passés par les camps d'entraînement militaire, dont celui d'al-Farouk, où ils ont appris le maniement des armes et des explosifs, précise-t-on de sources judiciaires. Selon le récit qu'ils ont livré aux enquêteurs, les talibans auraient demandé aux volontaires étrangers de quitter Kaboul après les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis. C'est en tentant de repasser au Pakistan qu'ils ont été arrêtés entre fin décembre 2001 et début janvier 2002. Brahim Yadel s'est rendu en Afghanistan pour "renforcer et nourrir sa foi", selon son avocat. Il tentait de regagner avec d'autres djihadistes le Pakistan lorsqu'il a été blessé à proximité de la frontière puis livré -"vendu", assure-t-il- par des Afghans aux soldats américains. Imad Kanouni présente, selon son avocat, Me Felix de Belloy, un profil de religieux. "Il soutient moralement et intellectuellement le combat des Talibans", assure une source. Selon son avocat, il n'aurait jamais mis les pieds dans les camps et serait resté à Kaboul de mars 2000 à septembre 2001. Il y a croisé, lorsqu'il résidait à la maison des Algériens, des combattants qu'il a identifiés sur les planches photographiques présentées les enquêteurs de la Direction de la surveillance du territoire (DST). Certains de ces hommes appartiendraient au Groupement islamique combattant marocain (GICM), soupçonné d'être à l'origine des attentats de Casablanca en mai 2003 et de Madrid le 11 mars 2004, explique-t-on de sources judiciaires. Nizar Sassi et Mourad Benchellali ont affirmé avoir été menacés avec des chiens sur la base américaine à Cuba, évoqué des mauvais traitements, décrit des scènes de nudité de détenus et des prises forcées de médicaments, ont rapporté samedi leurs avocats à l'Associated Press. Brahim Yadel et Imad Kanouni ne font pas état de tels sévices mais assurent de la difficulté de leur détention dans cette prison américaine. Trois Français sont encore détenus à Guantanamo, dont le Franco-Indien Mustaq Ali Patel. Sa famille a contacté Me Jacques Debray et Me William Bourdon pour s'occuper de ses intérêts, a-t-on appris auprès des avocats.