Pratiquant une fuite en avant dangereuse sur des dossiers d'intérêt commun, en matière de sécurité en Méditerranée et de coopération économique, l'Espagne prend le risque de s'enfermer dans un chauvinisme étroit et dans une attitude d'hostilité manifeste à l'égard du Maroc et de ses intérêts vitaux. Le ciel hispano-marocain s'assombrit de jour en jour. Les relations entre Rabat et Madrid, données pour convalescentes un certain temps, quelques semaines après le rappel, il y a plus de six mois, de l'ambassadeur du Maroc à Madrid, Abdeslam Baraka, semblent de nouveau alitées. Les déclarations inamicales de plusieurs responsables espagnols, le Premier ministre José Maria Aznar en tête, ne sont pas étrangères à cette détérioration. Dimanche 12 mai, le chef du gouvernement espagnol continuait sur sa lancée hostile au Maroc en déclarant dans une interview au journal «Razon» que le Maroc avait l'obligation de veiller au contrôle de l'infiltration des mineurs dans les présides occupés de Sebta et Melillia. Une nouvelle incursion de José Maria Aznar dans le dossier épineux de l'immigration, visité régulièrement à chaque fois que la stratégie du gouvernement Aznar nécessite de mettre le Maroc sur la sellette. L'ambassade d'Espagne s'etait empressée jeudi dernier de transmettre une note verbale au ministère des Affaires étrangères marocain exprimant la «préoccupation» des autorités espagnoles face a ce qui a été qualifié de «problèmes humanitaires» consécutifs à l'entrée illégale de mineurs marocains dans les présides occupés de Sebta et Melillia et les difficultés posées par leur réadmission. Sur le même sujet, le ministre espagnol de l'Intérieur, Mariano Rajoy n'avait pas hésité à accuser les autorités marocaines, le 9 mai devant les sénateurs espagnols, de «ne manifester aucune préoccupation pour l'état de leurs mineurs», au moment même où la délégation marocaine à l'assemblée générale extraordinaire de l'ONU consacrée à l'enfance, s'activait à New York. Et d'un. Dans le même entretien, José Maria Aznar, qui avait crié à l'ingérence marocaine ans les affaires intérieures espagnoles lors de la visite effectuée par le chef de l'opposition José Luis Rodriguez Zapatero, y est allé d'une nouvelle analyse concernant la question du Sahara marocain. Pour le chef du gouvernement espagnol, ce serait la décision du Maroc d'accorder des autorisations d'exploitation pétrolières au Sahara à des firmes américaines, qui serait à l'origine du changement de la position des Etats-unis à ce sujet et de sa position en faveur d'un territoire jouissant d'une large autonomie dans le cadre de la souveraineté marocaine. Solution, que José Maria Aznar considère comme étant «discutable du point de vue de la légalité internationale», plaidant pour une «solution qui soit décidée par toutes les parties». Des propos qui ne sont pas sans rappeler la sortie, mardi 7 mai, du secrétaire d'Etat chargé de la politique extérieure, Miquel Nadal, qui n'avait pas hésité à parler devant une commission de députés espagnols d'un Sahara «de plus en plus occupé par des citoyens marocains», se faisant par la même occasion le défenseur du «peuple sahraoui» qui subit une «souffrance physique et morale». Une sollicitude subite des Espagnols à l'égard des séparatistes qui avait aussi marqué l'activisme du Premier ministre José Maria Aznar lors de sa récente visite officielle aux Etats unis, ce dernier s'acharnant auprès du président Georges W. Bush et des sphères dirigeantes américaines, pour altérer l'entente maroco-américaine au sujet de l'intégrité territoriale du Royaume. Des efforts qui, semble-t-il, n'ont pas abouti, donnant lieu à la sortie de M. Aznar au sujet des concessions de prospection pétrolière accordées aux américains. José Maria Aznar pourra toujours évoquer l'entière disposition de son gouvernement à normaliser les relations avec le Maroc. Ce n'est pas à travers de telles hostilités qu'il imposera le retour de l'ambassadeur du Maroc à Madrid.