Choquée par le résultat du premier tour de l'élection présidentielle française, l'Europe a tout au long de cette semaine multiplié indignations et appels au rejet. Mercredi, Jean-Marie Le Pen était à Bruxelles. Si M. Le Pen ne veut pas entendre parler de l'Europe, celle-ci lui a aussi plusieurs fois fait savoir qu'il était « persona non grata » dans le paysage politique du vieux continent. Mercredi, à Bruxelles, le chef du Front national a d'ailleurs eu droit à un nouvel aperçu de l'aversion que les députés européens lui vouent. «Non», «Merde à Le Pen» ou encore « Le Pen dehors » ont également brandi de nombreux manifestants réunis à proximité du Parlement bruxellois. Au moment de l'arrivée du député frontiste, vers 16 heures, ses congénères étaient d'ailleurs en train de discuter de la situation au Proche-Orient. En pleine intervention, le commissaire européen Chris Patten a été obligé d'interrompre son discours face au brouhaha grandissant. « J'ai l'impression que l'un des aspects les moins agréables de la civilisation européenne est en train de se manifester à la porte » a-t-il lancé. Et quand le chef de l'extrême droite française s'est assis dans l'hémicycle, il s'est retrouvé face à des affichettes blanches avec un simple «Non» inscrit. «C'est non à la connerie ? », s'est alors énervé l'intéressé. «Non : c'est non au fascisme». Durant son temps de parole, le député FN a ensuite tenté d'expliciter sa thèse sur la France et l'Europe «mises aux ordres des Etats-Unis» sur le conflit israélo-palestinien. Huées, nouvelles pancartes «non». M. Le Pen, sorti de l'humiliation que lui ont infligé les euro-députés, s'est même vu obligé d'annuler l'exposé de sa politique européenne devant les journalistes. «Nous ferons une conférence de presse dans des conditions de sécurité », a déclaré son second, lui aussi député européen, Jean-Claude Martinez, excellant dans le rôle de victime que son parti et son leader ont toujours pratiqué. Il faut dire que ce camouflet politique n'était pas le premier de la semaine à l'encontre du mouvement d'extrême droite. Il a tout d'abord été tourné en ridicule concernant son projet de sortir, une fois élu, la France de l'UE. «Impossible, en pratique» ont assuré des experts, arguant qu'il n'existe pas de clause de sortie dans les traités européens. La présence du leader extrémiste au second tour de la présidentielle a d'ailleurs suffi à irriter les voisins de la France. Mercredi, le premier ministre britannique Tony Blair n'a pas manqué de condamner le «racisme répugnant» de M. Le Pen, dans les colonnes du quotidien anglais The Guardian. «Je ne connais pas Le Pen , mais je trouve sa politique répugnante», a-t-il insisté. Indigné, Tony Blair l'était autant que d'autres responsables européens, notamment le chef de la diplomatie belge, Louis Michel « abasourdi», et la responsable du Parti socialiste espagnol (PSOE), Trinidad Jimenez, «horrifiée». Une vague de protestation qui marque à quel point la stabilité politique française, tout comme l'image et les valeurs qu'elle a toujours véhiculées, font partie des principes fondateurs de l'Union européenne elle-même. D'où ces jugements d'autant plus sévères. La réaction européenne la plus inattendue est cependant venue du chef de la Ligue du nord italienne, Umbert Bossi, pourtant connu pour ses thèses anti-immigrés. « Nous ne sommes pas Le Pen (...). Le Pen est un fasciste ultra-nationaliste et anti-européen», a lancé M. Bossi mercredi, dénonçant tout amalgame entre son mouvement et le FN. «Il veut jeter les immigrés à la mer. Nous, au contraire, nous voulons une loi claire : les immigrés en règle, les immigrés qui veulent travailler, les immigrés honnêtes, nous les aidons». Si même les xénophobes ne sont pas d'accord entre eux, alors…