ALM : Vous venez de rencontrer une délégation ministérielle de haut niveau. C'est aussi grave que ça la crise dans l'immobilier ? Youssef Iben Mansour: D'abord ce n'est pas la première fois que la Fédération nationale des promoteurs immobiliers tient des réunions de haut niveau avec les membres du gouvernement. Nous nous rencontrons aussi souvent que nécessaire pour dresser le bilan du secteur et examiner ensemble les mesures adéquates à mettre en place pour poursuivre l'accompagnement des pouvoirs publics dans la politique de l'habitat au Maroc. La réunion du 20 février s'inscrit dans ce cadre. Nous avons été reçus par le ministre de l'habitat et de la politique de la ville, le ministre de l'intérieur, le ministre de l'économie et des finances et le ministre de l'urbanisme et de l'aménagement du territoire national. Cette rencontre a été consacrée à l'étude des mesures à prendre pour donner une dynamique nouvelle au secteur de l'immobilier, et aux modalités permettant aux pouvoirs publics d'accompagner les professionnels et d'appuyer leurs actions en matière d'investissement immobilier. Il a été question de réfléchir aux mesures à même d'améliorer la solvabilité des acquéreurs, de dynamiser le produit de logement dédié à la classe moyenne ainsi que le locatif. Qu'est-ce que le gouvernement vous a promis lors de la dernière réunion ? Y aura-t-il d'autres rencontres ? Il y a lieu de préciser que cette réunion a été marquée par un climat positif et de confiance mutuelle. Aussi bien messieurs les ministres que les membres de la Fédération nationale des promoteurs immobiliers ont affiché une volonté partagée de renforcer l'esprit de collaboration et de partenariat entre les départements gouvernementaux concernés et les professionnels de l'immobilier. Plusieurs questions ont été abordées dans la perspective d'apporter les réponses et les mesures adéquates et de nature à permettre à ce secteur vital de continuer à jouer pleinement son rôle de locomotive de l'économie nationale tant en matière d'investissement que de création d'emploi et d'amélioration des conditions de vie des citoyens. L'ensemble des propositions soulevées sera examiné rapidement par messieurs les ministres, d'autres questions seront discutées dans le cadre de la commission instituée à cet effet. Si l'on vous demande de nous décrire la situation en données chiffrées pour le secteur, notamment pour ce début de 2015 ? De manière générale, l'année 2014 était moins bonne que 2013 et ce à plusieurs niveaux: production de logements avec moins 3,3% avec une diminution de 1,1% en nombre d'unités sociales et économiques, baisse de 8% des mises en chantier par rapport à 2013. La consommation du ciment a également enregistré un recul de 5,4%, par rapport à 2013, passant d'environ 15 millions de tonnes à 14 millions de tonnes en 2014. Concernant l'encours des crédits à l'immobilier, il a enregistré un accroissement de 2,7% par rapport à fin 2013. Ainsi le montant du crédit à l'immobilier a représenté 237 MMDH et celui du concours à l'économie a avoisiné les 895 MMDH, soit un taux de contribution de 26,5%. Pour ce qui est de 2015, cette année s'annoncerait mieux que la précédente. La consommation du ciment en janvier 2015 a augmenté de 5,61% en comparaison avec celle du mois de janvier 2014. Si on continue sur ce trend haussier et que l'ensemble des indicateurs suit, l'année 2015 pourrait être celle de la reprise. Si l'immobilier rencontre des difficultés aujourd'hui, c'est la faute à qui selon vous ? I l ne s'agit pas de définir qui est le responsable ou qui ne l'est pas. Comme tous les secteurs, l'immobilier passe par des cycles. Depuis 2013 le secteur a manifesté des signes d'essoufflement après une phase d'euphorie que nous avons connue principalement entre 2008 et 2012. Aujourd'hui, les difficultés résident principalement dans le financement du secteur et particulièrement celui des acquéreurs. Dans ce sens, le gouvernement est appelé à mettre en place les mécanismes adéquats pour améliorer la solvabilité des acquéreurs aussi bien pour le segment du logement social que pour celui de la classe moyenne. Ne pensez-vous pas que la spéculation a également concouru à cette situation ? La spéculation a certes contribué à la flambée des prix du foncier par exemple, d'où la nécessité de distinguer entre les investisseurs et promoteurs immobiliers professionnels et les marchands de biens à l'affût de la moindre occasion pour réaliser des plus-values. Dans ce sens, l'Etat doit poursuivre ses efforts en matière de régulation du marché compte tenu des enjeux et des défis du secteur. Cependant d'autres facteurs sont derrière les difficultés que connaît le secteur : la rareté du foncier et la multitude des régimes fonciers, les retards sur la production des documents d'urbanisme, l'absence d'outils d'informations et d'observatoires qui donnent des données fiables sur les besoins en logements par ville, la lourdeur des procédures administratives, l'insuffisance du financement dédié aux acquéreurs et la faiblesse de l'arsenal juridique lié à la profession... Quel est votre avis par rapport à l'argus des prix au mètre carré à Casablanca de la DGI ? Depuis toujours, la Fédération nationale des promoteurs immobiliers réclamait la mise en place d'un tel outil, qui apporterait plus de transparence au marché et améliorerait la relation de confiance entre l'administration et le contribuable à travers la mise à la disposition du citoyen d'une base d'appréciation des biens à un temps. Aujourd'hui ce référentiel auquel la Fédération nationale des promoteurs immobiliers a apporté sa pleine contribution a été réalisé et publié en janvier 2015 par la DGI. Il contient un prix de référence moyen pour déterminer la base de calcul des droits et taxes appliqués par l'administration. Il permet l'appréciation d'un bien par l'administration en toute objectivité grâce à un système centralisé de données et d'une géolocalisation du bien dans le zoning objet de l'appréciation. Il y a lieu de préciser que nous attendons à ce qu'il couvre l'ensemble des zones et rues de Casablanca, soit 5.000 rues environ au lieu de 2.000 actuellement. Il faudrait également que cet outil régulièrement soit mis à jour compte tenu des évolutions des prix. C'est un moyen de renforcer la relation de confiance entre la DGI et le contribuable et éviterait à terme les redressements systématiques sur les prix. Au sein de la Fédération nationale des promoteurs immobiliers, est-ce que vous avez réfléchi à une stratégie, une feuille de route ou au moins des mesures pour rétablir la situation ? Ceci a fait l'objet de notre réunion du 20 février avec le ministre de l'habitat et de la politique de la ville, le ministre de l'intérieur, le ministre de l'économie et des finances et le ministre de l'urbanisme et de l'aménagement du territoire national. A l'issue de cette rencontre, il a été décidé de former une commission de suivi constituée des secrétaires généraux des quatre ministères ainsi que de représentants de la Fédération nationale des promoteurs immobiliers. Cette commission sera chargée d'étudier les différents dossiers abordés et proposer les mesures à prendre permettant de donner une impulsion forte à l'investissement et de contribuer à la mise en œuvre de la politique gouvernementale dans le domaine de l'habitat et qui vise principalement le renforcement et la diversification de l'offre de logement et l'amélioration des conditions d'habitat des citoyens.