ALM : Dans quel contexte s'inscrit le clash qui a opposé Ghellab et Benkirane jeudi ? Manar Slimi : Le conflit entre l'Istiqlal et le PJD a trop duré parce qu'il y a eu une mauvaise interprétation politique de la situation. Et ce, depuis l'annonce de l'Istiqlal de sa décision de se retirer du gouvernement. Ainsi, il s'est avéré qu'il n'était pas judicieux de lier cette décision et la résolution des divergences entre les composantes de la majorité gouvernementale à l'article 42 de la Constitution qui stipule l'arbitrage royal. Parce que la guerre entre le PJD et le PI, deux acteurs politiques, ne remplit pas les conditions d'un tel arbitrage. La posture des deux partis qui s'étaient complu dans l'attentisme n'était donc pas la plus adéquate. Après que les belligérants de ce conflit ont compris cela, les choses ont pris une autre tournure. Tantôt, ils affichent leurs prédispositions aux concessions, tantôt ils attaquent. Mais aujourd'hui l'agenda des débats politiques sans fin est révolu et doit laisser place à une prise en main des choses, une véritable gestion et à de vraies décisions. Tout un agenda. Que risque l'Istiqlal et son patron si ce dernier n'arrive pas à imposer ses conditions à Benkirane ? Aujourd'hui l'Istiqlal ne dispose plus d'une large marge de manœuvre. Plus de place aux tergiversations, il doit choisir son camp de manière ferme et dans un avenir très proche : soit il se retire réellement du gouvernement, soit il le réintègre sans hésitation. L'Istiqlal se trouve donc sur le pont de tous les dangers. Soit il réalise des acquis si le chef de gouvernement cède sur certains points ou s'il passe en opposition, soit il continue dans le gouvernement de manière inconditionnelle. Dans les deux derniers cas la structure interne de l'Istiqlal risque d'en pâtir et la guerre des courants de reprendre de plus belle aux dépens de la position de Hamid Chabat, secrétaire général du parti. Peut-on dire que le PJD se trouve dans une position plus confortable ? Le PJD n'est aucunement dans une position de force. Mais il profite de cette situation marquée par la saturation du débat politique et la polémique pour cacher la faiblesse de sa gestion. Aujourd'hui les opposants politiques du PJD tombent dans son piège en jouant dans son terrain, celui de la surenchère politique. Parce que le calme sur la scène politique attirera tous les regards vers la gestation désastreuse du PJD aux niveaux économique, social et législatif. Entre-temps, le PJD essaie de trouver ses marques pour se roder à la gestion du gouvernement.