L'opposition n'a pas manqué de retenir dans le discours royal adressé à l'ouverture de la première session de la deuxième année législative l'évocation à deux reprises de son rôle. «L'opposition parlementaire a vu se renforcer son rôle de contre-pouvoir doté de nouveaux moyens d'action lui permettant une implication plus forte et plus responsable dans le travail parlementaire», a souligné le Souverain, vendredi dernier, devant les membres des deux Chambres du Parlement. Engageant le Parlement à élaborer un code d'éthique, SM le Roi a précisé que ce code doit reposer, entre autres, «sur l'engagement pour une participation pleine et efficace à tous les travaux du Parlement, et le respect du statut juridique de l'opposition parlementaire et de ses droits constitutionnels». Dans quel contexte interviennent les recommandations du Souverain et comment donc l'opposition les a-t-elle déchiffrées? Pour Anis Birou, membre du bureau politique du RNI, «il s'agit là d'un message fort que nous avons capté en tant que parti de l'opposition». Même attitude du côté de l'USFP. Habib El Malki, membre du bureau politique, estime qu'il s'agit d'un rappel à l'ordre du gouvernement. «Ce discours rappelle de manière claire et précise le nouveau statut de l'opposition», a déclaré M. Malki. Et d'ajouter: «Nous avons constaté, depuis le début de l'année, que le gouvernement pratique le monologue, il n'y a eu aucune consultation de l'opposition sur les grands projets qui présentent une sensibilité particulière, non seulement dans le domaine législatif à travers des projets de lois organiques, mais aussi dans le domaine social concernant en particulier la réforme de la Caisse de compensation et la réforme de la retraite». Pourquoi donc une telle marginalisation de l'opposition et quel en serait l'impact? Pour Manar Slimi, politologue, on ne peut pas parler de véritable Parlement, avec une majorité gouvernementale hégémonique et une opposition absente. «Le fait qu'il y ait une opposition faible et déstabilisée crée un déséquilibre politique et constitutionnel au niveau de l'Etat», explique M. Slimi. Selon lui, Et justement le bilan du travail de l'opposition parlementaire durant la précédente année législative révèle un certain nombre de failles. Selon M. Slimi, lors de la première année législative, l'opposition a travaillé sans exploiter ses droits garantis dans l'article 10 de la Constitution. Ce dernier stipule que les modalités d'exercice par les groupes de l'opposition de leurs droits constitutionnels (voir encadré page 5) sont fixées par des lois organiques ou des lois ou encore par le règlement intérieur de chaque Chambre du Parlement. «L'opposition n'a pas accordé suffisamment d'importance à ces lois, ceci s'est traduit, entre autres, par le conflit autour du temps de parole lors des séances mensuelles d'interpellation du chef de gouvernement au Parlement», explique M. Slimi. Par ailleurs, il faut aussi souligner que le gouvernement n'a pas facilité la tâche à l'opposition. «L'opposition a été opprimée par un gouvernement dont le discours s'est focalisé sur la culpabilisation des partis aujourd'hui à l'opposition mais qui avaient pour la plupart participé aux anciens Exécutifs», souligne M. Slimi. Et de poursuivre : «Faible et sans atout au niveau de la gestion publique, le gouvernement a préféré dévier le débat au niveau politicien, et malheureusement l'opposition s'est laissée mener dans cette dérive au lieu de débattre des problèmes de gestion». Le bilan ne s'arrête pas là. Pour M. Slimi, «pris en otage, les partis de l'opposition n'ont pas réussi à produire de nouvelles élites affranchies des expériences gouvernementales passées». Aussi l'opposition n'a pas pu s'institutionnaliser, ses partis étant hétérogènes et non solidaires. Ajoutons à cela que le fait que le PAM ait mené l'opposition a aussi facilité la tâche au PJD pour décrédibiliser l'opposition, estime M. Slimi. Et pour finir, le problème le plus grave, selon le politologue, est que l'opposition et plus généralement le Parlement manque d'experts, du coup il est incapable de travailler et d'examiner des décisions et des textes qui ont un impact sur le destin tout entier de l'Etat. A ce titre, Manar Slimi cite l'agenda législatif du gouvernement qui comporte plus de 300 textes de loi et «qui peut avoir une portée politicienne que les partis ne peuvent détecter sans expertise».