Faiseur de roi et découvreur de talents, le festival de Cannes s'enorgueillit cette année encore d'une sélection, présentée jeudi, qui accueille des premiers films tout en ménageant des gloires du 7e art déjà reconnues et consacrées. Pedro Almodovar, Nanni Moretti, l'Américain Terrence Malick, le Danois Lars Von Trier ou les frères Dardenne sont ainsi en lice pour la Palme d'Or, bien que la rumeur des derniers jours assurait qu'ils ne seraient pas prêts à temps. Thierry Frémaux, le délégué général du festival chargé de sa programmation, a gardé 49 longs métrages de 33 pays, sur 1.715 qui lui étaient soumis cette année, dont dix-neuf seront présentés en compétition officielle et dix-neuf dans la section un certain Regard. Même s'il en conteste l'idée et plus encore le terme qu'il juge “péjoratif”, il y a donc bien quelques “abonnés” de la Croisette qui ont plaisir à y revenir: c'est le cas de Lars von Trier, en neuvième sélection cette année pour “Melancholia”, avec Kirsten Dunst, Charlotte Gainsbourg et Kiefer Sutherland. Almodovar, reparti bredouille en 2009 avec “Etreintes brisées”, mais deux fois récompensé auparavant en 1999 et 2006, revient avec “La piel que habito”, tiré d'un roman de Thierry Jonquet (“Mygale”). C'est également le retour, très attendu, de Terence Malick avec “The Tree of life” (avec Brad Pitt et Sean Penn) 25 ans après son Prix de la mise en scène pour “Les Moissons du ciel” qui, assure-t-il, lui a sauvé la mise. Ces poids lourds voisineront avec cinq premiers films en sélection officielle dont deux en compétition: “Sleeping Beauty” de Julia Leigh (Australie) et “Michael” de Markus Schleinzer (Autriche), ou “Polisse”, troisième film de la jeune Française Maïwenn (35 ans à peine) qui, avec Alain Cavalier (“Pater”) et Bertrand Bonello (“Apollonide - Souvenirs de la maison close”) représentera le cinéma français. Radu Mihaileanu, cinéaste français d'origine roumaine, viendra présenter “La Source des femmes”, tourné au Maroc avec des comédiennes marocaines ou maghrébines d'origine. Pour Thierry Frémaux, la cuvée 201, qui met quatre femmes réalisatrices à l'honneur, peut se prévaloir d'une “grande diversité géographique, générationnelle, stylistique et également de production”, avec de la 3D en sélection (pour la 2e année), notamment “Hara-kiri: Death of a Samurai” de Takashi Miike et même des films “envoyés pour la première fois par internet”. “Cannes n'a pas vocation à voler au secours de la victoire”, a d'ailleurs rappelé jeudi son président Gilles Jacob, lui qui juge “douloureux de constater comme le cinéma d'auteur se marginalise” dans le monde. Et singulièrement sans doute aux Etats-Unis, puisque cette grande nation du cinéma n'apporte qu'un film en compétition cette année (contre 14 pour l'Europe, ou deux pour le Japon). Le Festival qui continue de faire son marché sur tous les continents aura cette année une “pensée particulière” pour le Japon, durement éprouvé, la Tunisie et l'Egypte, a insisté Gilles Jacob. L'Egypte aura d'ailleurs un statut de “pays invité” avec des manifestations dédiées qui seront annoncées prochainement, tout comme la composition du jury que doit présider Robert De Niro. Hors compétition, les festivaliers découvriront le 18 mai, en même temps que les salles, “La Conquête”, de Xavier Durringer, chronique de l'ascension vers le pouvoir du président Nicolas Sarkozy. L'épouse du président, Carla Bruni, pourrait d'ailleurs monter les marches rouges le premier soir - “c'est en discussion” admet-on à l'Elysée - pour la projection en ouverture, le 11 mai, du dernier Woody Allen, “Midnight in Paris”, traditionnellement hors compétition.