José Luis Rodriguez Zapatero, secrétaire général du Parti Socialiste Ouvrier espagnol (PSOE: au pouvoir) et président du gouvernement espagnol, a annoncé, samedi, sa décision de ne pas se présenter aux élections législatives de 2012. Il a proposé ainsi une nouvelle feuille de route pour ses « camarades » qui seront appelés à des élections primaires au sein du parti en vue de choisir son successeur dans un processus démocratique, libre et responsable. Il restera aux commandes du gouvernement jusqu'à la fin de la législature et à la tête du PSOE comme secrétaire général, afin d'éviter des élections anticipées et que son parti tombe dans le chaos. Une page du socialisme réformateur est tournée. Désormais, le PSOE doit donner la preuve qu'il est une organisation forte, au - dessus du tribalisme politique et fidèle aux idéaux du socialisme. La décision de Zapatero invite à une réflexion multiple. D'abord, son geste va corroborer la conception qui se fait du pouvoir selon laquelle les chefs de gouvernement prennent jeunes la retraite. Felipe Gonzalez s'est retiré volontairement de la présidence du PSOE à l'âge de 54 ans et José Maria Aznar l'a fait à 51 ans. Zapatero fait de même. Il prend sa retraite anticipée à 51 ans après huit ans au palais de la Moncloa, siège de la présidence du gouvernement, et cède le témoin du PSOE à un autre militant du parti sans cataclysme ni provoquer de guerre civile. Ensuite, Zapatero est conscient qu'il est devenu un « cadavre politique » à cause de la prise d'un train de réformes impopulaires, qui l'ont converti en une cible préférée de l'opposition de droite, le Parti Populaire. Cette situation risque de porter préjudice à son parti aux prochaines élections locales et régionales, le mois prochain. Les sondages d'opinion, qui ne lui sont plus favorables depuis plusieurs mois, le situent à une modeste place dans l'échelle des valeurs. De même, des voix se lèvent au sein du PSOE réclamant la régénération et un sang nouveau pour gagner les élections municipales et régionales, principal test avant les élections générales de 2012. Enfin, Zapatero a épuisé son programme électoral dans une conjoncture totalement défavorable à cause d'une profonde crise économique qui dure encore. Dans ce scénario, Zapatero est acculé à sauver le reste de crédibilité qui lui reste encore en tant qu'homme politique et reconnaître, dans un exercice d'humilité et d'honnêteté, qu'il n'est plus l'homme des grands défis. L'opinion publique a la mémoire courte et juge toujours les hommes à la lumière des acquis les plus actuels. Le deuxième mandat de Zapatero à la Moncloa (2008-2012) s'est converti en un calvaire aussi bien pour le PSOE que pour la société dans son ensemble. Le PP s'est finalement réjoui de la décomposition du programme socialiste, non grâce à ses propres mérites, mais à cause des facteurs exogènes qui ont torpillé les fondements de la politique sociale du gouvernement. Ceux-ci sont la résultante d'une conjoncture internationale adverse, la banqueroute d'un modèle économique obsolète, la faillite de certains secteurs moteurs de l'économie (bâtiment, industrie manufacturière, système bancaire vorace) et l'exigence d'adoption des réformes économiques et sociales impopulaires à l'instigation de l'Union Européenne. D'autant plus, les socialistes doivent faire face à une opposition farouche de la part d'une droite archaïque qui parie sur le pourrissement de la situation économique pour qu'augmente la colère des syndicats et des travailleurs. Au sein du PSOE, certaines voix de dissonance et de disharmonie revendiquent dans les coulisses un changement de discours et de personne. Zapatero, en tant que responsable des destinées de plus de 45 millions de citoyens, a dû opter à des mesures drastiques qui ont affecté durement l'ensemble des couches sociales, particulièrement les plus vulnérables. Le recours à des programmes de restructuration rigides et à l'austérité était inéluctable. Au plan politique, cette démarche se paie très cher en termes de popularité, de crédibilité et de votes. Pour «prendre le taureau par les cornes», il était indispensable pour Zapatero de sacrifier son futur politique au nom du pragmatisme et de l'intérêt national. Aucun leader politique ne souhaite être dans une pareille circonstance. Avec plus de quatre millions de chômeurs, un déficit de la balance de paiements galopant, une haute facture énergétique, une réduction des recettes, l'Espagne était sur le point de connaître le même sort que la Grèce, l'Irlande ou le Portugal. Zapatero ne sera pas la tête de liste aux élections législatives de 2012, mais le PSOE reste. Les socialistes sont donc appelés à choisir un successeur après les élections municipales et régionales du 22 mai. Les élections primaires rompent avec le pouvoir discrétionnaire du dirigeant sortant de désigner son dauphin comme successeur, comme c'est le cas au Parti Populaire ou aux partis régionalistes. Deux noms sont cités avec insistance dans les paris. Il s'agit de l'actuel premier vice-président du gouvernement et ministre de l'intérieur, Alfredo Perez Rubalcaba, et le ministre de la Défense, Carme Chacon. Ce sont deux éventuels candidats aux profils diamétralement opposés. Rubalcaba (1951), docteur en chimie, est le dernier des dinosaures qui provient du parc jurassique de Felipe Gonzalez. Politiquement actif depuis l'arrivée au pouvoir des socialistes en 1982 comme député ou comme ministre, il est appuyé par la majorité des barons du parti qui dirigent les gouvernements régionaux. Chacon (1971), docteur en droit, est la figure emblématique de la jeunesse socialiste, la première dame qui a été nommée à la tête du ministère de la Défense. Elle représente les valeurs modernes de la société espagnole et bénéficie du soutien d'au moins de deux barons du PSOE. Depuis sa défaite aux élections générales de 2008, le PP a axé sa campagne de dénigrement sur la personne de Zapatero en vue d'affaiblir son leadership. L'objectif est de précipiter son départ et provoquer des élections anticipées alors que le PSOE, sans leader, sera incapable de colmater les fissures dans son édifice. Fidèle à son parti et à ses engagements nationaux, Zapatero est arrivé, finalement à une conclusion selon laquelle son étape est close et qu'il ne doit pas porter préjudice aux attentes électorales des socialistes. Ainsi personne ne peut lui reprocher, après les échéances des élections locales et régionales du 22 mai prochain, la responsable des résultats. Du coup, il a enlevé à ses adversaires au Parti Populaire, tout argument dans leur campagne électorale pour bâtir sa thématique. «Je ne vais pas être candidat aux prochaines élections générales. Merci pour votre respect et votre affection» : Ce sont les derniers mots avec lesquels Zapatero a mis un terme à son projet politique devant le comité fédéral du PSOE. La transition sera tranquille, sereine et démocratique.