Tarik Talbi nommé directeur général de l'aviation civile    IFFHS Awards : Bouchra Karboubi cinquième meilleure arbitre féminine au monde    À Tanger, création de la Fédération régionale des coopératives féminines    Maroc : La production licite de cannabis dépasse les 4 tonnes en 2024 (ANRAC)    Le Conseil de gouvernement adopte un projet de décret fixant la liste des congés exceptionnels accordés aux magistrats    L'Association marocaine des droits des victimes dénonce une exploitation éhontée de la grâce royale et évoque le cas du violeur Soulaiman Raissouni    Espagne : Le port de Tarifa fermé en raison de vents violents    Gaza, Ukraine… le pape François appelle à la paix et à l'arrêt des souffrances    Sécurité : la DGSN dresse un bilan prometteur    Belgique : Un début d'épidémie de grippe « relativement précoce »    Secteur de la santé : la coordination syndicale annonce une reprise des actions    France: plus de 100 migrants secourus dans la Manche    En 2024, Abdellatif Hammouchi a consacré la souveraineté sécuritaire du Maroc et le rôle de Rabat dans la lutte antiterroriste    Drones militaires : informations confuses et illusoires autour de l'usine israélienne de BlueBird Aero Systems au Maroc    Les Années de la Culture Qatar-Maroc 2024 : Célébration d'une année d'échanges culturels sans précédent    ICESCO : Lancement de "Montre-moi ton sourire", une bande dessinée pour lutter contre le harcèlement scolaire    Brahim Diaz: Madrid avant Paris !    Le MAS se sépare de son entraîneur italien Guillermo Arena    "Sur le point de partir" : Le coach de Galatasaray s'exprime sur la situation de Ziyech    Gigantesque marche populaire à La Havane contre le blocus américain    Hamas accuse l'entité sioniste de poser de nouveaux obstacles dans les négociations    Syrie : Les femmes défient le nouveau pouvoir    Donald Trump menace le Canada, le Panama et le Groenland    Le code de la famille passé au crible    Le PAM salue les réformes du code de la famille    La sélection marocaine prend part aux championnats arabes en Jordanie    Des initiatives renouvelées au service du rayonnement culturel du Royaume    Premier League : La série noire de Manchester City va-t-elle s'arrêter là ?    BRICS : Les enjeux d'une hypothétique adhésion marocaine [INTEGRAL]    Ligue 1 : Hakimi et Ben Seghir dans l'équipe type de la phase aller    Managem accélère son expansion en Guinée    GPBM. Ouverture exceptionnelle des banques ce week-end    Résilience de l'économie malgré les incertitudes    Régularisation fiscale : les guichets de la DGI resteront ouverts en fin de semaine    Chutes de neige de samedi à lundi dans plusieurs provinces marocaines, selon un bulletin d'alerte    Abdeljabbar Rachidi expose à Manama les grandes lignes du chantier de l'Etat social, porté par S.M. le Roi    Manama: Le Maroc participe à la 44e session du conseil des ministres arabes des affaires sociales    Lesieur Cristal et Nareva Services. Une alliance pour un avenir durable    L'adoption de la taxe carbone, une étape cruciale pour l'évolution écologique du Maroc    Maroc : Le poète Mohamed Aniba Al Hamri tire sa révérence    L'OPM célèbre le nouvel an avec un programme festif de musique latine    1-54 Contemporary African Art Fair revient pour sa 6e édition en Afrique    Maroc : Après 62 ans d'attente, les députés adoptent le projet de loi relatif à la grève    Polisario fails to relaunch its friendship group within the European Parliament    Tourisme : près de 97 MMDH de recettes à fin octobre    AMMC : Othman Benjelloun renforce sa participation dans le capital de CTM    Un pont de création, de dialogue et d'échanges entre artistes, étudiants et critiques    L'artisanat, une passerelle vertueuse rassemblant dans son savoir-faire toute la diversité du Royaume    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Abdelkebir Khatibi : Les signes et la trace
Publié dans Albayane le 21 - 10 - 2010

Vendredi dernier, une sympathique table-ronde a été organisée à la Bibliothèque Nationale de Rabat, à l'occasion de la parution d'un livre- hommage dédié à la mémoire du sociologue, écrivain et intellectuel Abdelkébir Khatibi (1938-2009)**. De bonnes choses ont été écrites dans cette poly épitaphe, tantôt amicales, tantôt fraternelles ; tantôt nostalgiques, tantôt admiratives ; tantôt respectueuses tantôt érudites ; bien sûr parfois égocentriques, emphatiques ou réductrices, mais c'est humain…
De bonnes choses ont été dites durant cette rencontre, mais comme c'est souvent –comme c'est nécessairement – le cas, bien des facettes de la personnalité évoquée n'ont été suffisamment mises en lumière, surtout qu'avec Abdelkébir Khatibi, on se trouve face à une personnalité multidimensionnelle, foisonnante, compliquée, pour ne pas dire sibylline…
Il y a eu le sociologue (sa formation de base), qui officiait dans l'éphémère Institut de Sociologie de Rabat, cet admirable petit centre universitaire tellement dynamique, tellement en avance sur son temps qu'il fut hâtivement et froidement démantelé durant l'été 1968 par les politicards de l'époque, qui craignaient une « contagion » des évènements parisiens de Mai 68, dont ils estimaient coupable …la corporation subversive des sociologues !... Bref, « casser le thermomètre pour faire tomber la fièvre », telle était la lumineuse stratégie politique en cours…
Et qui a fait ses preuves…
….mais à quel prix !
Pour en revenir à Khatibi-professeur, ses cours étaient en même temps lumineux et obscurs…
Lumineux parce que sa parfaite maîtrise des sujets traités et sa vaste culture donnaient à ses cours une charpente et un déroulement impeccables ; obscurs parce qu'à l'instar de nombreux surdoués dont les pensées devancent les mots, son élocution était émaillée de mots avalés et ses phrases se terminaient parfois en murmures, comme s'il se parlait à lui-même…
Il y a eu l'observateur politique (il n'est jamais, semble-t-il, allé bien au-delà) qui exerça son esprit libre et son acuité d'analyse pour jeter un regard sans concession, mais toujours avec une certaine mesure, sur les évènements marocains et étrangers, en particulier sur la question palestinienne, véritable cas d'école pour la vérification du concept de « l'altérité », ou, a-contrario, celui du refus de l'altérité, car le sionisme, maintenant poussé dans ses derniers retranchements par l'arrivée au pouvoir à Tel-Aviv de Netanyahou et Liebermann, est devenu, par delà l'exaltation de soi, essentiellement le rejet de l'autre, comme le furent jadis le nazisme, le fascisme, l'apartheid et autres stalinisme, comme l'est aujourd'hui le « Ben-Ladenisme » et comme risquent de le devenir, subrepticement, tous ces mouvements euro-centristes et xénophobes planqués derrière « l'identité nationale »…
l y a eu l'homme de lettres, romancier, essayiste et poète, qui trouva dans le texte écrit, bien plus que dans l'exposé oral, son domaine de prédilection pour manier les idées et les concepts…et qui s'abandonna avec délectation à la magie des mots, les siens et ceux qu'il s'appropriait, puisant avec gourmandise dans la besace du bilinguisme et ratissant le vaste champ du multiculturalisme, accomplissant la prouesse de tirer profit de l'acculturation sans subir la castration de la déculturation.
C'est d'abord à cet égard qu'il peut être considéré comme un passeur et un maître à penser.
Il y a eu, plus que l'expert ou le critique d'art, l'ami des artistes, esthète éclairé s'intéressant autant à la calligraphie qu'au tapis, à Kandinsky qu'à Klee, à Cherkaoui qu'à Ikken, à la peinture du Moyen Orient qu'à celle du Japon.
Le maître mot étant le signe, qui fait la jonction avec l'écriture, avec la parole proférée ou silencieuse
Dépassant l'esthétisme étroit et la quête du « beau », quelque sens que l'on donne à ce terme, l'art est une signature : celle de l'artiste, celle de l'artiste en rapport avec son œuvre, celle de l'œuvre en rapport avec la société, celle de la société en rapport avec sa culture, celle de la culture en rapport avec le monde.
Pour Khatibi, l'artiste, et le créateur en général, ne peut être ni un électron libre ni un marginal, au contraire, il doit s'impliquer et s'investir, donner à voir et à sentir…Vaste programme !
Et puis il y a eu « l'homme- miroir », celui qui cherchait son propre reflet en lui-même, en s'aidant à l'occasion de la psychanalyse, mais en cheminant surtout, avec patience et ténacité, le long de son « parcours initiatique », fait d'expériences et de rencontres, de lectures et de contemplations, de conversations et de silences, de colères et d'étonnements…
Avec Khatibi, l'initiation, processus sans fin, n'est pas à prendre au sens d'une quête d'érudition , ni même de sagesse ou de bonheur, elle est à prendre au sens que l'initiation possède chez les peuplades dites « primitives », au sens de ce passage du stade de l'enfance, de la dépendance, de l'ignorance et de l'impuissance, au stade , non seulement de l'autosuffisance et de l'autonomie vitales, mais aussi et surtout de l'harmonie communautaire et de la symbiose avec la nature. Pour s'aider dans cette quête, il a créé de toutes pièces un certain nombre de schémas et de clés, comme les concepts de « l'entre deux », de « la pensée autre », de « l'aimance » et tutti quanti… C'est là qu'on pénètre de plain-pied dans la maïeutique khatibienne, et n'y entre pas qui veut…
Moi, je préfère me rabattre prudemment sur sa fameuse boutade de veille d'Aïd el-Kébir : «je suis né demain», que je trouve éminemment khatibienne parce qu'elle a forcément comme pendant : «je suis mort hier»,et ainsi la boucle sera bouclée, car comme aujourd'hui c'est en même temps hier de demain et demain d'hier, l'absence de Abdelkébir Khatibi s'inscrira toujours dans la présence, une présence qui ne prétend pas nous donner des réponses, mais qui s'évertue à nous poser, et à nous faire poser les bonnes questions …. Tels sont ses signes. Telle est sa trace ? Voire !
*Artiste peintre
** «Le jour d'après, Dédicaces à Abdelkébir Khatibi»
Sous la direction d'Assia Belhabib
Ed. Afrique-Orient, Casablanca. 2010, 208 p.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.