C'est la fin de l'enfer pour Fatima, la petite bonne âgée de douze ans, séquestrée et battue par son employeur pendant 1 an. Le tribunal de première instance d'Aïn Sebaâ a enfin rendu son verdict. La mère de famille a été condamnée pour ces faits de violence à 1 an de prison ferme assorti de 500 DH d'amende et 1 DH symbolique pour la partie civile (l'association INSAF, femmes et enfants en détresse). A la suite du jugement, l'avocat de la défense a décidé de faire appel «Ce jugement est sévère, il s'agit d'une poursuite pour coups et blessures. Dans des cas pareils, la période d'incarcération est plus courte et l'inculpé bénéficie de circonstances atténuantes». Un an auparavant, alors âgée d'à peine une dizaine d'années, la petite Fatima a été envoyé d'Imintanout pour travailler comme petite bonne dans une famille casablancaise. En soi, c'est déjà illégal, mais cela tourne au drame lorsque la maîtresse de maison se met à la battre et à la maltraiter, des faits qui ont conduit cette mère de famille devant la justice Fatima s'est efforcée de raconter son cauchemar et décrit au juge la torture exercée par son employeur, une violence qui a laissé de graves séquelles corporelles et psychologiques. Sur son corps, apparaissent des marques de violences physiques répétées, des lésions traumatiques sur tout le corps y compris l'appareil génital, des ecchymoses et des abrasions cutanées provoquées par des morsures, des brûlures et des traces indélébiles de flagellations provoquées par des coups assénés à la petite victime à l'aide d'une ceinture. Le scénario est le même ; un enfant et son gourou. Les affaires de maltraitance des petites bonnes sont devenues désormais légion. Le procès d'aujourd'hui n'est pas isolé, il y'a eu beaucoup d'autres affaires similaires. Le Code du travail, qui interdit l'emploi de mineurs de moins de 15 ans, n'a pas suffi pour mettre fin à cette pratique. Un drame humanitaire en cache un autre, à une époque où l'on se gargarise à satiété de droits de l'enfance et de la nécessaire lutte contre la maltraitance des mineurs. Ces petites filles sont également prisonnières d'un système d'intermédiaires, les «samsarates» (les femmes intermédiaires qui recrutent les petites filles et les placent dans des familles). On n'est pas loin d'un système d'esclavagisme, et très loin de la dérogation prévue par le Code du travail marocain. La police, le ministère public et les juges font rarement appliquer les clauses du Code Pénal sur les abus contre les enfants domestiques (Rapport de 2006 de Human Rights Watch : «A la maison, en marge de la loi : le cas des enfants domestiques maltraités au Maroc»). Ces petites filles se retrouvent ainsi otages d'un système qui ne donne pas de primauté à la législation et aux conventions internationales. Résultat, l'Etat a beau ratifié les textes, ils sont très peu suivis d'effet et restent souvent lettre morte. L'association Insaf, constituée partie civile, condamne fermement ces actes inhumains et appelle le gouvernement à instaurer dans les plus brefs délais un cadre juridique qui pénalise et sanctionne sévèrement le travail domestique des petites filles. Pour cette association, il est temps de briser le silence sur cette problématique et ce à travers des actions de sensibilisation. Au Maroc, on estime aujourd'hui le nombre des «petites bonnes» à 80.000. Cette affaire reflète un fléau social contre lequel tout le pays est mobilisé, à commencer par les acteurs associatifs qui multiplient les actions de sensibilisations. Elles sont épaulées par le gouvernement qui a ouvertement pris position sur ce dossier, même si la loi défendue par le ministère de la solidarité sociale attend depuis longtemps d'être présentée au parlement. Un texte législatif salvateur pour certains et redouté par d'autres. Il s'agit d'une réglementation qui permettra de combler le vide juridique concernant le travail des petites bonnes. Le projet de loi impose un contrat entre l'employé et l'employeur et fixe un salaire minimum de 1000 DH. La loi interdira également et définitivement le travail des fillettes de moins de 15 ans. L'adoption d'un texte de loi, aussi coercitif soit-il, peut-elle éradiquer à tout jamais des pratiques rétrogrades d'un autre âge ? C'est du moins la question que se posent les activistes des associations de défense des droits de l'enfant à une vie équilibrée et saine. Rien n'est moins sûr car il s'agit dans le cas d'espèce d'un changement de mœurs et d'un état de d'esprit hérité.