Colloque national à l'ISIC sur « Le paysage médiatique national : 25 ans de réalisations et de défis » Un débat toujours d'actualité. En effet, les défis, les réalisations, l'histoire des réformes, ainsi que l'état de santé actuel du paysage médiatique national ont été au cœur d'un colloque national qui a eu lieu le 10 juillet dans les locaux de l'Institut supérieur de l'information et de la communication de Rabat (ISIC). Placée sous le thème « Le paysage médiatique national : 25 ans de réalisations et de défis », cette rencontre, animée par le professeur Mohssine Benzakour, a été marquée par la présence de nombreux professionnels, académiciens et spécialistes de la profession ont mis l'accent, tour à tour, sur les réformes, les avancements législatifs, les entraves, mais aussi les enjeux actuels auxquels fait face la presse nationale. Dans un mot de bienvenue, le directeur de l'ISIC, Abdellatif Bensfia a révélé que ce colloque national est une occasion de mettre le point sur l'avancement des médias au Maroc dans le but d'apporter sa pierre à l'édifice et de participer davantage au débat public afin de consacrer les valeurs démocratiques, mais aussi de contribuer aux projets de développement structurants que connaît notre pays. Intervenant à ce colloque national, Mohamed Nabil Benabdallah, secrétaire général du Parti du progrès et du socialisme et ancien ministre de la Communication, a souligné que le chemin de la réforme que le Maroc a connu au niveau médiatique a été caractérisé par des étapes charnières et un large débat entre les différents acteurs politiques, et il a été marqué par des tensions importantes, notamment l'ouverture qu'a connue la presse écrite dans les années 1990, puis les premiers signes liés à la libéralisation du secteur audiovisuel. Benabdallah, qui s'exprimait dans un axe consacré à « la structuration du secteur public et la réforme des radios privées », a révélé que le Maroc a connu un long combat en matière de réforme, notamment en ce qui concerne le chantier de la libéralisation de l'espace audiovisuel, notant que la première de ces réformes s'est manifestée par l'octroi d'une licence à une institution radiophonique sans cadre juridique, en s'appuyant uniquement sur la loi qui existait à savoir la loi de 1924. Par ailleurs, Benabdallah a affirmé que la libéralisation de l'espace audiovisuel et l'organisation du champ public étaient une question soulevée dans divers milieux médiatiques depuis le début des années 90, surtout lors du colloque national de 1993 à partir duquel toutes les initiatives de réformes modernes ont été lancées ; que ce soit par des organismes gouvernementaux officiels ou par des revendications syndicales, professionnelles et universitaires. Le SG du PPS a révélé que la première étape réelle dans le lancement de la réforme est venue avec l'expérience de l'alternance, car la question était fortement posée et était l'une des questions sur lesquelles le premier gouvernement d'Abderrahmane Youssoufi s'est penché avec le défunt ministre Larbi Messari. Puis, plus tard, le chemin de la réforme s'est poursuivi, poursuit-il, avec Mohamed Achaari, ajoutant que la question était : « Comment cette réforme peut-elle se concrétiser sur le terrain ?». Le leader du Parti du Progrès et du Socialisme et ancien ministre de la Communication du gouvernement de Driss Jettou a expliqué que ce qui s'est passé dans le processus de réforme et de libéralisation du paysage audiovisuel n'était pas une question juridique, mais une question politique liée à l'exercice d'un nouvel espace de libertés et à la manière de le réglementer. En outre, Benabdallah a souligné que certains milieux avaient une grande crainte, ce qui freinait l'avancement du chantier de libéralisation du secteur audiovisuel. Dans ce cadre, l'ancien ministre de la Communication a constaté qu'il y avait des résistances et des blocages mis en place afin que la réforme souhaitée ne se concrétise pas, avant que le Maroc ne passe à une nouvelle phase qui verra une plus grande ouverture. Cette nouvelle phase a été définie par Benabdallah, notamment avec l'accession au Trône du Roi Mohammed VI et le début d'une nouvelle étape avec un nouveau ton réformateur qui a touché divers domaines, dont celui des médias, et ce à la fin du gouvernement d'Abderrahmane Youssoufi avec le Décret-loi de libéralisation de l'audiovisuel du 31 août 2002, puis la création de la Haute Autorité de la communication audiovisuelle. Benabdallah a expliqué que la création du HACA est venue avant la libération du secteur, ajoutant qu'après cette période, viendra le gouvernement de Driss Jettou qui a travaillé sur la réforme et la libéralisation du secteur. Dans son intervention, Benabdallah s'est arrêté sur la période de son mandat ministériel à la tête du ministère de la Communication du gouvernement Jettou, et qui a été marquée par un grand débat entre les acteurs et les professionnels, représenté principalement par l'événement marquant : le colloque de Skhirat en 2005. «Il y a eu un développement dans le paysage médiatique national, notamment après la promulgation de la loi en janvier 2005.», a t-il affirmé. D'autre part, le SG du PPS a souligné qu'après à-peu-près de 20 ans depuis la réforme du secteur audiovisuel, aucune nouvelle mesure n'a été prise à ce niveau, soulignant que ce point a eu un impact direct sur le paysage audiovisuel public qui n'a pas pu se développer en raison de l'absence de concurrence. Benabdallah a rappelé qu'il était nécessaire d'avoir une industrie audiovisuelle qui fait partie de l'industrie nationale et qui met en valeur de nouvelles compétences. Au niveau politique, poursuit-il, le secteur public aurait pu jouer un rôle pionnier dans l'élargissement de l'accès à l'espace public et le développement du champ des libertés sous toutes ses diverses formes, tout en insistant sur l'importance de réformer les médias, qui, selon lui, est essentiellement lié à la réforme de l'espace politique et juridique. Par ailleurs Benabdallah a appelé à surmonter l'état de stagnation au niveau des médias, notamment celui du secteur audiovisuel et du secteur public, tout en soulignant que le Maroc ne dispose pas actuellement d'un secteur public structuré de la manière requise, à l'instar des autres expériences, entre autres, en Angleterre ou en France. Mehdi Bensaïd: «Le paysage médiatique marocain a connu de profondes transformations» Mehdi Bensaïd, ministre de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication, a souligné dans son mot inaugural qu'il n'est pas possible de parler d'un quart de siècle de pratique journalistique et médiatique dans notre pays sans parler de personnalités qui ont contribué d'une manière ou d'une autre à ce que nous vivons aujourd'hui, en termes de liberté d'expression, de journalisme pluraliste et de présence d'opinions différentes. Ces opinions, a-t-il révélé, aident le gouvernement et les hommes politiques à mieux accomplir leurs tâches et à mieux assumer leurs responsabilités. «Pendant un quart de siècle, la sage vision royale a établi un modèle sociétal moderne, et a fait du chantier de réforme du système médiatique l'un de ses piliers et de ses titres phares.», a-t-il affirmé. Et d'ajouter : «Toutes les réformes structurantes ont également jeté les jalons d'un projet de société réconciliée avec elle-même, dont l'objectif est de réaliser la démocratie et de garantir les droits de l'homme, de soutenir l'égalité, l'égalité des chances et la justice sociale, d'encourager le pluralisme politique et la diversité culturelle, d'adopter une économie de marché, la liberté d'initiative et de dynamisme des régions, tout en aspirant à la modernité dans toutes ses expressions (ouverture, modération, tolérance..). » Il mise également, a-t-il rappelé, sur le rôle décisif des médias pour accompagner et soutenir ce projet.» Au cours des 25 années de la nouvelle ère, poursuit-il, le paysage médiatique marocain a connu de profondes transformations structurelles accompagnant les orientations du Royaume au niveau politique, économique, social et culturel. «Pendant 25 ans, alors que l'on parle du bilan d'une première phase de développement du paysage audiovisuel, il faut parler du marché médiatique et de la multiplicité des institutions journalistiques. Cependant, si cette multiplicité est positive en termes de pratique démocratique, ces aspects négatifs restent présents, et nous les considérons comme des défis à savoir la qualité du contenu, des ressources humaines, du modèle économique de l'entreprise journalistique.», a-t-il expliqué. Et d'ajouter : «Nous avons travaillé pour relever ces défis dans le cadre d'une deuxième phase du développement du paysage audiovisuel, d'abord en promulguant un nouveau décret de soutien public, qui contribue à adopter un nouveau modèle d'entreprise médiatique et à mettre fin au « chaos » actuel que vivent les médias.» Mohamed Drissi Alami Machichi : «Les dangers de l'autre journalisme...» L'ancien directeur de l'ISIC, Mohamed Drissi Alami Machichi, a mis l'accent sur "L'évolution de la législation médiatique au Maroc", tout en indiquant que cette législation a connu, selon lui, un développement important dans la mesure où elle est liée à l'évolution de la société, à sa dynamique et à sa vitalité. Dans cette optique, Alami Machichi est revenu dans son intervention sur les différentes étapes de l'élaboration des lois sur les médias au Maroc, depuis la période du protectorat, puis après l'indépendance, tout en révélant que la législation au Maroc couvre les libertés publiques dans leur ensemble. Par ailleurs, l'intervenant a pointé du doigt le rôle de la presse qui s'est affaibli face à ce qu'il a appelé le «journalisme des individus», rappelant que cette question représente un grand danger pour les pays. Le seul problème, dit-il, est que le rôle de la presse est devenu relatif et faible devant l'autre journalisme, précisons que «L'autre journalisme» désigne «le journalisme des individus, le journalisme du peuple et le journalisme des réseaux sociaux». « Les aspects négatifs et les grands risques présentés par l'autre presse effraient même les grands pays industrialisés qui dominent les nouvelles technologies », soulignons que « ces pays, à leur tour, ont commencé à avoir peur du nouveau monstre qu'est l'intelligence artificielle ». Younes Moujahid : «De la fragilité de la structure de l'entreprise » Younes Moujahid, le président de la Commission provisoire pour la gestion des affaires du secteur de la presse et de l'édition, a révélé, quant à lui, qu'il existe un décalage entre la législation et les conceptions scientifiques et sociales, qui ont conduit, selon ses dires, à la transformation du papier en électronique. Par ailleurs, l'intervenant a précisé que ''la structure de l'entreprise de presse est fragile, tout en rappelant le lien existant entre la formation et les entreprises, chose qui mène, selon lui, à la crise.» Mohamed Abdelwahab Allali : «La communication politique, un intermédiaire clé dans les crises politiques» Dans son intervention «Médias de crises au Maroc, expériences d'un quart de siècle », Mohamed Abdelwahab Allali, professeur anniversaire, expert en communication, a mis l'accent sur l'aspect des couvertures médiatiques des crises qu'a connues le Maroc pendant un quart de siècle. «Les questions législatives et organisationnelles, ainsi que les problématiques politiques révèlent l'avancement de nombreux aspects dans le champ médiatique national.», a-t-il indiqué. Selon lui, le sujet des crises dévoile également de nombreuses spécificités et des éléments sur la gestion des crises par les médias, entre autres, la question de la mémoire, les événements d'Al Hoceïma, la crise identitaire et linguistique, les soulèvements du « Printemps arabe» de 2011, les protestations sociales, la crise sanitaire de la Covid-19 (2019), ainsi que le séisme d'Al Haouz. Dans cette optique, l'intervenant a pointé du doigt les éléments de force et de faiblesse, tout en rappelant le rôle clé de la communication politique comme intermédiaire dans les crises politiques.