La formation journalistique au Maroc est un pilier fort dans l'édifice médiatique national. Entre privé et public, les offres restent toutefois en deçà des besoins du marché. Tour d'horizon. Le décor est constitué d'un matériel de pointe : des studios clinquants de lumières, des caméras, des magnétophones, des bloc-notes et des ordinateurs dernier cri. Nous sommes au cœur du fabuleux monde du journalisme. Devenir journaliste est un rêve qui peut caresser beaucoup de personnes. Ce métier recèle effectivement de nombreux attraits. Les journalistes relayent les informations et sont les acteurs de mutations sociales dans le pays. Cependant, ils viennent d'horizons différents. Certains ont été « prédestinés » à la tâche, car ayant suivi une formation conséquente. D'autres sont devenus journalistes par coïncidence ou par passion. La formation dans ce domaine représente des avantages considérables, car elle permet à des bacheliers ou à des licenciés de s'initier aux techniques journalistiques les plus diverses. De la presse écrite à l'audiovisuel, en passant par la communication institutionnelle, les étudiants de ces écoles se préparent à intégrer dans un futur proche le monde de la presse. «La question de la formation des journalistes est cruciale. La carence dans ce domaine, si elle perdure, et si elle s'aggrave, freinera à terme le développement de ce secteur. Elle créera des tensions entre les entreprises de presse et favorisera des pratiques professionnelles qui ne sont pas souhaitables», déclare Khalil Hachimi Idrissi, président de la Fédération marocaine des éditeurs de journaux (FMEJ). La formation au journalisme au Maroc est assurée par une unique école publique ainsi que par d'autres privées. Première destination : Madinate Al Irfane de Rabat où se trouve le siège de l'Institut supérieur de l'information et de la communication, plus connu sous le sigle «ISIC». La plus ancienne école publique de journalisme forme depuis bientôt quarante ans aux métiers de l'information et de la communication. L'ISIC a contribué à la formation de centaines de journalistes travaillant aussi bien au plan local qu'à l'international. Pour accéder à cet établissement, les bacheliers sont présélectionnés sur étude de dossier, puis doivent passer des épreuves écrites et orales. En totalité, l'ISIC retient une cinquantaine de candidats répartis entre les deux classes francophone et arabophone. Ce choix contribue à la sauvegarde du bon niveau de l'institut et sa réputation de leader en matière de formation journalistique. Le succès de l'ISIC chez les bacheliers désireux de l'intégrer s'explique par «l'engouement des jeunes marocains pour les métiers du journalisme et de la communication et aussi par la dynamique que ce secteur connaît», selon Abderrahim Sami, directeur des études à l'ISIC (voir l'interview). L'Institut comporte des salles de cours, de rédaction, des studios de radio et de télévision de même que des salles de conférences et un grand amphithéâtre. La formation s'étale sur quatre ans et offre trois spécialités, en presse écrite, en presse audiovisuelle et en communication d'entreprise. Qu'en est-il des étudiants ? Omar, étudiant journaliste, considère que «la formation dispensée à l'ISIC est excellente. Elle propose une base académique nécessaire à l'exercice du métier, ce qui est visible dans les stages par rapport aux gens issus d'autres cursus». Tout en se félicitant du studio de radio flambant neuf, Omar déclare qu'il reste encore des efforts à faire pour l'amélioration du studio de télévision encore analogique et des ouvrages de la bibliothèque. La question est également de savoir si le passage par une école de journalisme est indispensable pour l'exercice du métier. «Au départ, les journalistes formés ne constituaient qu'une minorité. Ce n'est que progressivement que leur nombre a augmenté. Les professeurs leur transmettent les connaissances et les techniques de base, mais il reste à affiner ces aptitudes sur le terrain, où la qualité du journaliste peut se révéler réellement», déclare Larbi Messari, ancien ministre de la Communication et journaliste de longue date. M. Messari ajoute que «le nombre total des journalistes est insuffisant, à plus forte raison dans de nouvelles spécialités». La libéralisation du paysage médiatique a aussi posé le problème de la formation. «La libéralisation de ce secteur avec la multiplication des supports aurait dû être accompagnée par un effort de formation substantiel. Or, cela n'a pas été le cas. Il est extrêmement difficile de penser à la mise à niveau sans disposer de ressources humaines qualifiées professionnellement et déontologiquement. C'est un vrai défi pour une presse écrite de qualité», d'après Khalil Hachimi Idrissi. Pour ce qui est de la formation privée, l'offre commence à se diversifier. A l'image de cette école de journalisme casablancaise qui existe depuis plus d'une décennie. Ici, la formation s'étale sur trois ans. Comme pour l'institut de Rabat, les spécialités dispensées couvrent les différents domaines de la presse. En outre, cette école forme aux technologies de l'audiovisuel, pour la branche de techniciens de montage, de réalisation et de l'infographie. Le côté financier est bien sûr présent dans ce genre d'écoles. Pour les spécialités du journalisme, comme celle de la technologie de l'audiovisuel et le multimédia, les tarifs vont crescendo à mesure que l'on progresse dans les années d'études. La spécialité journalisme coûte entre 1800 et 2000 dirhams par mois. La spécialité de technicien coûte quant à elle 2000 à 2500 Dh par mois. En plus, les étudiants doivent s'acquitter au début de l'année de 3500 Dh comme frais d'inscription et d'assurance. Côté équipement, l'école est visiblement bien équipée que ce soit pour ses studios, ses salles de cours et ses stands de montage. Mais c'est plus le business et la qualité de l'enseignement qui peuvent poser problème. Des étudiants déplorent que les tarifs soient négociables dans certains cas. Cet étudiant technicien déclare : «Certains ont pu bénéficier de réductions de tarifs parce qu'il les ont négociées. Cela n'a pas été mon cas, car je me suis tenu au règlement». D'autres journalistes affirment que la formation reçue dans cette école privée ne représente que 25% de l'ensemble des aptitudes requises pour l'exercice du métier. «Ici, on achète en quelque sorte le diplôme pour pouvoir accéder au marché de l'emploi», soutient une autre élève journaliste. La question de la sélection des étudiants ne se pose pas dans cette école. Il suffit pour l'intégrer de disposer du diplôme du Bac et de payer les charges inhérentes. Par ailleurs, même si dans le cas de cette école privée, le staff pédagogique est constitué de professionnels des médias et de professeurs universitaires, des étudiants avouent que pour avoir une place dans un média, «cela dépend de la compétence de chaque étudiant mais aussi de ses contacts personnels». Si les formations privées de journalisme permettent de compenser en partie le problème de la sélectivité et de proposer également des formules propres pour ce domaine, la cherté des prix et le souci du gain peuvent déformer leur but. En plus des écoles privées, une nouvelle licence professionnelle «journalisme et communication» a été inaugurée au début de l'année universitaire 2007 à la faculté polydisciplinaire de l'Université Abdelmalek Essaâdi de Tétouan. Cette filière cible les correspondants et les chargés de presse dans le public ou le privé. La durée de la formation est d'une année et l'admission des candidats se fait sur étude de dossier et par paiement des frais de formation fixés à 5000 Dh. Le total des cartes de presse octroyées au titre de l'année 2006 au Maroc a atteint 2548. Ce chiffre englobe les journalistes de tous les supports confondus : presse écrite, audiovisuel et multimédia. Le nombre des journalistes marocains reste cependant inférieur par comparaison à d'autres pays. En France par exemple, on en dénombre 31.000. C'est dire que le pays a encore du chemin à faire pour le recrutement de nouveaux profils. Surtout avec la demande croissante alimentée par la libéralisation de l'audiovisuel et la création de nouveaux organes de presse.