Le chef de la droite espagnole, Alberto Núñez Feijóo, brigue à partir de mardi le poste de Premier ministre devant le Parlement. Une candidature vouée, sauf surprise majeure, à l'échec pour le conservateur, arrivé en tête des élections fin juillet mais sans majorité. S'il se confirme, cet échec ouvrira la voie à une candidature du Premier ministre socialiste sortant Pedro Sánchez, persuadé pour sa part de pouvoir obtenir le soutien indispensable des indépendantistes catalans qui réclament en échange une mesure d'amnistie divisant l'opinion publique. Justifiant sa déroute à venir, le conservateur a assuré, en ouvrant les débats depuis la tribune de la Chambre des députés, qu' »aucune fin ne justifiait les moyens, pas même la présidence du gouvernement ». Omettant de dire que l'extrême droite, farouchement anti-indépendantiste, ne le soutiendrait plus s'il acceptait les revendications catalanes, il a assuré « avoir les voix nécessaires pour être chef du gouvernement à portée de main » mais ne pas vouloir en « payer le prix ». Conscient d'être face à une équation insoluble, le chef du Parti Populaire (PP), qui a été chargé par le roi Felipe VI de tenter de former un gouvernement, attaque en règle depuis des semaines les discussions en cours entre son rival socialiste et le parti indépendantiste catalan de Carles Puigdemont, leader de la tentative de sécession de 2017. Ce dernier, qui a fui en Belgique pour échapper aux poursuites judiciaires, exige l'amnistie des indépendantistes poursuivis par la justice espagnole en échange de l'appui, crucial dans un Parlement très fragmenté, des sept députés de sa formation. Agitant des drapeaux espagnols, des dizaines de milliers de militants du PP ont dénoncé dimanche dans le centre de Madrid cette exigence des indépendantistes catalans. « Ce que demande le mouvement indépendantiste (…) est une attaque directe aux valeurs démocratiques essentielles de notre pays » et si une telle amnistie se confirmait, elle ne répondrait aux besoins que « d'une seule personne », a poursuivi M. Feijóo devant les députés, dans une attaque directe à M. Sánchez, assis dans l'hémicycle. A l'issue des débats, le chef du PP soumettra mercredi sa candidature au vote des 350 députés. Pour être investi, il devra obtenir une majorité absolue de 176 députés. Or, il ne peut compter que sur 172 voix, essentiellement grâce au soutien de l'extrême droite de Vox qui fait figure d'épouvantail pour d'autres formations. Un deuxième vote, où une majorité simple suffit, aura ensuite lieu vendredi. Mais, sauf coup de théâtre, il ne sera pas non plus en mesure de l'emporter. Le revers annoncé de M. Feijóo lors du premier vote de mercredi lancera un compte à rebours de deux mois avant la convocation de nouvelles législatives. Durant ces deux mois, M. Sánchez – qui a déjoué tous les sondages le donnant largement perdant lors des législatives du 23 juillet – tentera à son tour d'obtenir la confiance du Parlement pour être reconduit au pouvoir. Un exercice également hautement périlleux pour le Premier ministre qui doit trouver une formule d'amnistie contentant les indépendantistes sans déclencher de fronde au sein de son propre parti, opposé par le passé à une telle idée qui suscite une grogne croissante de certains barons. Dans ce contexte, le PP a tenté ces derniers jours d'ouvrir une brèche au sein du Parti socialiste en appelant les députés de cette formation opposés à l'amnistie à reconsidérer leur position vis-à-vis de l'investiture de Feijóo. Un appel à la « défection » dénoncé dimanche par M. Sánchez comme « la pire des corruptions ». Le socialiste, qui a prouvé ces dernières années sa grande capacité à survivre politiquement, affiche son optimisme sur sa capacité à être reconduit au pouvoir avec le soutien de l'extrême gauche et des partis basques et catalans. Le PP « manifeste contre un gouvernement socialiste », a-t-il dit lors d'un meeting, en référence au rassemblement de dimanche à Madrid, « mais je suis désolé, il y aura un gouvernement socialiste » investi prochainement par le Parlement.