88 milliards de DH d'investissement depuis 2003, création de nouveaux parcs industriels, lancement d'une étude pour le développement industriel... Rabat aspire aujourd'hui à devenir un véritable pôle économique. Longtemps cantonnée dans son rôle de capitale administrative, Rabat est en train de se transformer en un véritable hub d'investissements et en une destination d'affaires. En témoigne le montant d'investissements agréés par le Centre régional d'investissement (CRI) durant la période 2003-2014, qui a dépassé les 88 milliards de DH. Les investissements y affluent de toutes parts. Les Emiratis semblent être les premiers à vouloir pénétrer en force le marché. Leur consortium «EagleHills» a d'ailleurs acquis fin 2015 pas moins de 41% des parts de l'Agence pour l'aménagement de la vallée du Bouregreg dans la société Bab Al Bahr. C'est un signe visible de l'attractivité de ce projet, qui avait connu des difficultés lors de son lancement en raison de la crise économique. Le coup d'envoi en mai 2014 de Wessal Bouregreg, un mégaprojet urbain portant sur l'aménagement de la même vallée, confirme également l'appétit des investisseurs étrangers, en l'occurrence émiratis pour la ville de Rabat. Ce site, qui doit être prêt en 2020, comprend un grand théâtre, un musée de l'archéologie et des sciences de la terre, des maisons de la culture, des espaces ludiques, commerce et jardins publics ainsi que des résidences et des hôtels. Il est attendu de ce projet gigantesque, financé à hauteur de 775 millions d'euros, de contribuer au rayonnement touristique de la région, qui ambitionne de recevoir à l'horizon 2020, 4 millions de touristes. En attentant, le chantier du centre commercial Arribat Center, situé au quartier Agdal à Rabat, avance pour rattraper le retard enregistré puisque l'ouverture officielle était prévue pour 2015. Il devra être entièrement livré en 2016, avec la réception d'un hôtel qui sera géré par l'enseigne Marriott. Côté industrie, Rabat met les bouchées doubles pour attirer les grands industriels. D'ailleurs, le Centre régional d'investissement (CRI) planche actuellement sur une étude de positionnement stratégique pour le développement industriel de la région de Rabat. L'objectif est de doter la région d'une vision industrielle en définissant les zones à requalifier, en proposant des modes de gestion idoines tout en créant un cadre de vie favorable au développement et à la redynamisation de celles-ci. En attendant, la région de Rabat peut se targuer d'avoir boosté son tissu industriel. Avec 559 entreprises opérant dans ce secteur, l'industrie de la région représente 7,2% de l'ensemble du tissu industriel. La région contribue pour 6% à la production industrielle globale du Maroc. Ces chiffres, qui remontent à 2013, sont à prendre avec précaution puisqu'ils ne tiennent pas compte du nouveau découpage territorial qui a joint Kénitra à la région de Rabat. En effet, en absorbant la zone franche de Kénitra, Rabat devrait voir sa contribution à la production industrielle nationale augmenter. Surtout que ce site abrite des géants des métiers mondiaux comme l'équipementier américain, Lear Corporation, qui a implanté une usine de câblage automobile. Lear n'est pas le premier équipementier à opter pour de nouvelles installations dans cette zone franche. C'est le cas aussi de Yazaki et de Fujikora, autres grands du secteur automobile, qui rejoignent des noms illustres comme Faurecia. Ces derniers, à la recherche d'espace, ont préféré franchir le pas et opter pour cette zone lancée en 2010. Ce site dispose d'une extension de près de 344 hectares et devra assurer à terme, la création d'environ 30.000 emplois. Il dispose aussi d'une importante réserve foncière de près de 530 hectares à même de satisfaire le développement de la filière automobile. D'autant plus que cette franche bénéficie d'une position géographique stratégique avec une connexion par voie routière et portuaire tout en étant à moins de trois heures de route de Tanger Med et à une heure et demie de l'aéroport Mohammed V de Casablanca. Autant d'atouts qui ont poussé le constructeur automobile français PSA Peugeot Citroën à signer en juin 2015 un accord d'implantation d'une unité d'assemblage dans cette zone franche. La production devrait démarrer en 2020 avec une capacité de 200.000 véhicules par an. C'est un projet en deux étapes : une première avec la production de 15 véhicules par heure, puis le passage à 30 véhicules. La zone industrielle d'Ain Johra, située à 40 km de Rabat, confirme également la vocation économique de la capitale. Ce parc peut accueillir jusqu'à 1.500 entreprises spécialisées dans les industries de transformation de plusieurs secteurs d'activité, notamment l'agro-alimentaire, le textile, l'électrique et l'aéronautique. Mais ce projet initié par le conseil régional a enregistré un retard. Sur les 200 hectares réservées à ce site, à peine 30 ont été achevées pour dégager 89 lots dont 60 sont à vocation commerciale. Le taux de commercialisation de la zone a atteint presque 80%, selon Omar Daraji, ex-président de la société de gestion de ce parc, qui a cédé le flambeau à Abdelhak El Arabi, membre du Conseil de la région. Parmi les locataires, le groupe français Zodiac Aerospace, leader mondial dans l'aéronautique. Il est attendu de ces sites industriels un fort impact positif sur les habitants de la région, notamment en matière d'emplois. Le Technopolis, parc intégré incluant des composantes offshoring et industrie, des services, de l'éducation ainsi que des pôles Recherche et Développement, a déjà généré plus de 40.000 emplois dont la moitié est réservée à l'activité offshoring. Ce projet est une réussite pour la capitale, surtout que le parc a décroché le 1er trophée de la meilleure destination offshoring 2012 décernée par l'Association européenne de l'Outsourcing. Depuis sa mise en service il y a près de 6 ans, le nombre d'entreprises installées dépasse 40 unités. Dans la phase de démarrage, la priorité a été donnée au secteur de l'offshoring qui a connu un franc succès avec un taux de remplissage des bureaux de 87%. Après ce succès, MedZ entame la deuxième phase de développement de la zone pour faire du site un véritable pôle d'excellence multisectoriel, comprenant notamment les industries spécialisées en nouvelles technologies. En attendant, il faut signaler que 28.000 m2 de plateforme industrielle ont été développés par Technopolis SA. Parmi les locataires du site, Novec et CID, deux grandes enseignes d'engineering qui sont en exploitation, respectivement depuis début 2013 et fin 2014. Le site abrite aussi le leader mondial de la prestation de services en management de l'entreprise, Genpact. En 2014, 3.795 demandes de création d'entreprises ont été validées par le guichet d'aide aux investisseurs contre 1.045 en 2003. Ces investissements, qui devraient générer 6.786 postes d'emplois, concernent essentiellement le BTP. Celui-ci est suivi du tourisme, des services, de l'industrie, de l'énergie et des mines. Un an auparavant, les capitaux marocains représentaient 83% des investissements dans la région, suivis des Emirats Arabes Unis. Après avoir finalisé la première phase de réaménagement de la vallée du Bouregreg (2006-2011) incluant les infrastructures de transport comme le pont Hassan II, le tramway Rabat-Salé et le tunnel des Oudayas, l'Agence pour l'aménagement de la vallée du Bouregreg devrait livrer la deuxième séquence en 2017. Cette phase, qui a démarré en 2014, s'inscrit dans le cadre du renforcement de la vocation culturelle de la capitale avec la construction du Grand théâtre et du Musée de l'Archéologie et des Sciences de la Terre. Ces deux équipements structurants s'insèrent dans le cadre du plan «Rabat ville lumière, capitale culturelle du Maroc» qui vise à hisser Rabat au rang des capitales culturelles du pourtour méditerranéen. Quant à la troisième phase du projet, qui a été labellisée Up M, elle vise, entre autres, à améliorer les connectivités entre Rabat et Salé. Abdallah Abbad, président de la Chambre de commerce, d'industrie et de services de Rabat, revient dans cette interview sur la métamorphose de Rabat qui ambitionne de s'ériger en pôle économique. Un objectif qui reste, selon lui, conditionné par la mise en place d'une offre foncière répondant aux besoins des investisseurs. Al Bayane : Peut-on dire aujourd'hui que Rabat a réussi à se défaire de son étiquette de ville administrative? Abdallah Abbad : Effectivement, la ville a vécu pendant longtemps au rythme de la fonction publique. Le vent de changement a commencé à souffler depuis le lancement de l'aménagement de la vallée Bouregreg, il y a une dizaine d'années. Cela a abouti à l'émergence de nouvelles activités économiques et s'est accentué avec la mise en œuvre du programme «Rabat ville lumière, capitale culturelle». Aujourd'hui, on peut affirmer que la région de Rabat abrite tant d'activités qui font d'elle un pôle économique en mesure d'attirer les investisseurs étrangers. Quels sont les secteurs d'activité les plus prisés à Rabat? La région Rabat-Salé-Kénitra développe depuis quelques années des pôles de services, de l'offshoring et de l'industrie High-Tech (parc Technopolis à Salé), l'Automobile (Atlantic Free Zone), l'Agroalimentaire et la transformation des produits de la mer (Agropole du Gharb). Le problème foncier auquel étaient confrontés les investisseurs se pose-t-il toujours? Depuis 2009, le Pacte Emergence a créé un réseau de zones industrielles. Il s'agit des P2i menés, notamment par MedZ. Cette politique a donné un réel élan en matière de foncier. Malheureusement, le taux d'occupation n'est pas satisfaisant, car l'offre concerne des industriels désirant opérer en propriété, or beaucoup préfèrent louer. Il y a une surcapacité en mode vente et une indisponibilité en mode location. Malgré les efforts entrepris par l'Etat et certaines collectivités locales dans le développement des zones industrielles, force est de constater que le prix du foncier reste un des principaux obstacles à l'investissement, particulièrement pour les petites et moyennes entreprises (PME). Celles-ci se plaignent, soit de l'inadaptation de l'offre en terrain, soit des prix excessifs pour l'acquisition ou pour la location. La région de Rabat se transforme en véritable pôle de l'industrie automobile. Comment accompagner le développement de cet écosystème? L'industrie automobile est l'un des principaux fers de lance de la dynamique économique marocaine. Le secteur a généré pour l'année 2014 un chiffre d'affaires record de quatre milliards d'euros. Il se positionne ainsi comme le premier secteur exportateur du Royaume et hisse le Maroc au 1er rang des pays exportateurs de véhicules dans la zone MENA. La mise en place de cet écosystème intégré, allant des compétences techniques et commerciales aux compétences de technologie, de production et de services devrait être accompagnée par le développement de compétences industrielles et de services spécifiques dans des créneaux donnés.