Les problèmes d'ordre économique que connaît l'Espagne depuis l'effondrement du secteur du bâtiment en 2007 ont eu des conséquences sociales immédiates sur une large frange de la population. Désormais, avec la publication des rapports sur la population vulnérable, il paraît clair qu'aussi bien les immigrés que les autochtones paient la facture de la crise. Ce sont des jeunes, des femmes divorcées, mères célibataires ou personnes âgées qui sollicitent une assistance urgente auprès des organismes caritatifs. Au total, ce sont 500.000 ménages espagnols qui vivent exclusivement de l'aide sociale. Plusieurs facteurs sont à l'origine de l'aggravation de la situation sociale en Espagne mais deux principaux d'entre eux sont à retenir. D'abord la persistance depuis plusieurs années des mêmes causes qui sont à l'origine de l'érosion du pouvoir d'achat de la population et la paralysie de l'activité dans des secteurs employant une nombreuse main d'œuvre. Ce sont des causes macro-économiques qui cachent d'autres beaucoup plus complexes, tels le financement de la dette publique, l'équilibre budgétaire des administrations publiques ou le sauvetage du système bancaire. La solution de ces problèmes passe généralement par la révision des rubriques budgétaires destinées aux services sociaux. En Espagne, ce sont les gouvernements régionaux qui gèrent les centaines de milliards d'euros accordés par le gouvernement central pour couvrir les dépenses de la santé publique, l'éducation et l'ensemble des services sociaux. Les mobilisations du Mouvement 15 Mai qui groupe les «indignés» de l'Espagne s'inscrivent dans la protestation contre l'appauvrissement des jeunes à cause de leur marginalisation et d'autres couches sociales vulnérables à cause de la crise économique. Nombreux sont aujourd'hui les manifestations dans les villes espagnoles contre les réductions par les gouvernements régionaux des budgets et du personnel de l'éducation et de la santé publique. Il s'agit de la défense de la qualité des services sociaux et de l'emploi aussi dans le secteur public. Ces réductions affectent les fondements du bien-être et risquent d'agrandir davantage les inégalités entre les différentes couches sociales. Pour les animateurs du néo-libéralisme, la crise représente une grande opportunité pour entamer le démantèlement de l'Etat du bien-être. C'est la situation que vit depuis septembre dernier plusieurs communautés autonomes de l'Espagne et c'est la raison pour laquelle la qualité de l'assistance publique a baissé devant la diminution des recettes publiques et le refus des grandes fortunes de contribuer dans l'amélioration de la trésorerie de l'Etat en acceptant de verser un impôt supplémentaire. Les grands partis politiques évitent d'entrer dans le débat sur la pauvreté au même titre que les chaînes de télévision qui préfèrent meubler leurs grilles avec des Reality-shows. Dans sa dernière mémoire annuelle, Caritas, un méga ONG proche de l'église, tire la sonnette d'alarme sur l'augmentation du nombre de pauvres en dépit des prestations sociales qu'elles reçoivent des administrations publiques et des différents types de pensions non contributives. En 2010, lit-on dans son dernier rapport parvenu cette semaine à Al Bayane sur l'augmentation de la pauvreté en Espagne, 6,5 millions de demandeurs d'aides ont été recensés par Caritas (4,3% de plus par rapport à 2009), dont deux millions ont sollicité une attention d'urgence de base en matière d'aliments, d'habitat ou d'attention sanitaire. Le nombre d'autochtones bénéficiaires de cette assistance a augmenté de 50% (40% en 2009). Ce sont en détail 95.000 personnes qui ont sollicité une aide alimentaire, une situation extrême de la pauvreté dans un Etat industrialisé qui était sur le point d'intégrer le G-8. Près de 75% de ce collectif sont des familles jeunes (dont les parents ont entre 20 et 40 ans), des femmes vivant seules avec des enfants ou ayant une charge familiale. Dans un autre rapport, publié en juillet dernier, Caritas parle de 500.000 ménages espagnols qui vivent exclusivement de l'aide sociale après avoir épuisé toute sorte de prestation ou subvention d'assistance sociale. De même, l'Espagne compte 1,4 million de ménages dont tous les membres sont en chômage. Il existe actuellement dix millions de personnes en situation de «relative pauvreté» et huit autres millions en situation d'«exclusion» dont des chômeurs chroniques. La publication de ces rapports a coïncidé avec celle d'un rapport élaboré par des instituts d'études économiques allemands et présenté jeudi dernier. Selon ce document, le Produit Intérieur Brut (PIB) d'Espagne pourrait augmenter de 0,7% en 2011 et de 0,1% en 2012. Ceci serait dû à l'augmentation de l'insécurité économique et au renforcement de la pression fiscale comme conséquence de la crise de la dette. L'emploi se maintiendrait aux niveaux actuels alors que la consommation des ménages se situerait à des niveaux encore plus bas à cause du chômage et l'endettement, observe l'étude. C'est le panorama de l'Espagne qui invite les partis politiques à une profonde réflexion en prévision des élections générales du 20 novembre. L'héritage est lourd mais les besoins des classes vulnérables sont plus pressants. L'Espagne de la meilleure ligue du monde est appelée aussi à éradiquer toutes les formes de disparités sociales et éliminer les aspects de la pauvreté.