Hier, environ 200 personnes se sont réunies devant le parlement marocain. En ligne de mire, l'abrogation de l'article 475 du code pénal marocain, qui a poussé Amina Filali au suicide le 10 mars dernier, déclenchant une vague d'émotions et d'indignation à travers tout le Maroc. «Sadique», «moyenâgeux» ou «aberrant», les manifestants n'ont pas lésiné sur les qualificatifs pour qualifier ce texte de loi. Le suicide de l'adolescente Amina Filali, forcée d'épouser son violeur, a littéralement défrayé la chronique. Même les médias internationaux s'en sont fait l'écho. De ce fait, l'appel au sit-in organisé à sa mémoire a pu réunir près de 200 personnes devant le parlement marocain, hier à midi. Le but en est, effectivement, d'inciter ce dernier à réviser, voire à abroger l'article 475 qui stipule clairement que «lorsqu'une mineure nubile ainsi enlevée ou détournée a épousé son ravisseur, celui-ci ne peut être poursuivi que sur la plainte des personnes ayant qualité pour demander l'annulation du mariage et ne peut être condamné qu'après que cette annulation du mariage a été prononcée». Les Marocaines s'insurgent… «Malheureusement, au Maroc nous attendons toujours qu'il y ait un drame pour se rendre compte de l'aberration de la loi qui en est responsable», entrevoit Ibtissame Lachgar, psychanalyste et activiste politique. «La société civile vient de s'apercevoir du sadisme de l'article 475 du code pénal marocain parce que les médias marocains et internationaux viennent de se pencher dessus. D'ailleurs, cet article moyenâgeux et archaïque symbolise le statut actuel de la femme marocaine», poursuit-elle. Pour Fouzia Assouli, présidente de la Ligue démocratique des droits des femmes (LDDF), figure de proue de la lutte contre le viol et la violence à l'égard des femmes, le système juridique défaillant est le premier accusé dans cette affaire. «Nous avons longuement milité pour interdire le mariage des mineures toléré par l'article 20 de la Moudawana, incriminer l'article 475 du code pénal et organiser des marches de solidarité contre l'enfance violée. Le système juridique, lui, s'entête comme un enfant gâté et ne veut pas donner suite à nos revendications», témoigne-t-elle, avant d'additionner : «Il faut rappeler que la société civile se doit seulement de faire le plaidoyer de cette cause. Ce sont les partis politiques, médias et ministères qui doivent réagir face à ce constat». Majdouline Lyazidi, elle, reste optimiste. Présidente de «Woman Choufouch», mouvement féministe qui lutte contre le harcèlement sexuel, elle entrevoit que le tout est de pouvoir protester : «Je suis heureuse de voir toute cette foule manifester à la mémoire d'Amina. Je pense que nous nous sommes finalement réveillées et que le citoyen marocain ne va pas s'arrêter sur un si bon chemin qui promet de mettre un terme aux violences et injustices sociales». Des slogans qui en disent long ! «Amina n'est pas la première, mais elle doit être la dernière», «l'article 475 m'a tuer», «halte au mariage précoce, qu'il soit forcé au consenti», «bonjour Bassima, es-tu vraiment là ?». Les pancartes hissées par les manifestants en disent long sur le branle-bas de combat qu'a suscité le suicide d'Amina Filali. «Amina et les autres, victimes de l'article 475 du code pénal», pouvait-on lire sur une pancarte du centre Anaruz d'écoute des victimes d'agressions sexuelles. Anaruz (espoir en amazigh) travaille en collaboration avec l'Association démocratique des femmes du Maroc (ADFM). «Mon père ne voulait pas marier ma sœur. C'est ma mère qui a insisté à la marier à son violeur pour sauver son honneur», témoigne Hamida, la sœur d'Amina, présente lors du sit-in, avant d'enchaîner avec une voix brisée : «ce qui m'attriste le plus, c'est que ma sœur est morte aujourd'hui, mais son bourreau est en liberté, car protégé par la loi marocaine». Et de conclure : «cette dernière donne plus de droits au violeur qu'à la violée».