Il a fui son magnifique palais à Marrakech et a passé des mois à la campagne pour éviter la contagion. Au XVIe siècle, le sultan saadien Ahmed Al Mansour a fini par mourir de la peste, malgré les mesures préventives. A la fin du XVIe siècle, le sultan Ahmed Al Mansour a vu son empire frappé par une peste mortelle. La première vague de l'épidémie touchera ainsi le Maroc entre 1597 et 1598, perturbant la domination du puissant sultan saadien. Les récits historiques rapportent comment le Maroc traversait «une série de famines et de peste dévastatrice qui ont perturbé les dernières années du règne d'Al Mansour». En effet, alors que les chiffres évoquent au moins 450 000 décès au Maroc, en 1598, à cause de la peste, le commerce avait été interrompu et les ports les plus importants du pays fermés en raison de la crise sanitaire. Selon le professeur d'histoire islamique Stephen Cory, la ville de Fès était parmi «les endroits les plus touchés de l'époque». Dans son livre «Reviving the Islamic Califhate in Early Modern Morocco» (Editions Routledge, 2016), l'historien ajoute que la peste avait fini par atteindre Marrakech, alors capitale d'Ahmed Al Mansour. Les mesures préventives entreprises par Al Mansour Un rapport anglais datant de juin 1598 rappelle que 230 000 personnes étaient mortes dans la capitale saadienne à cause de la peste. La situation était mortelle pour le sultan qui a dû quitter Marrakech pour éviter d'être infecté. Selon le même rapport, Al Mansour «a abandonné son magnifique palais et a régné depuis des tentes à la campagne pendant les mois d'été lorsque la peste était à son pic». Alors qu'Al Mansour vivait dans des tentes, loin de la peste, le pays vivait dans une incertitude totale. Citant des observateurs anglais, Cory a écrit que «les marchands voyageant au Maroc trouvaient les ports désertés» et les autorités «étaient souvent inaccessibles en raison de la mort ou de la maladie». L'insécurité a ouvert la voie à la violence et aux rumeurs. «Les conditions étaient si mauvaises qu'il a été dit qu'Al Mansour lui-même était mort», a écrit l'historien. «Un affaiblissement aussi important du gouvernement central a soulevé la question de la vulnérabilité du Maroc aux attaques extérieures et, par conséquent, des rumeurs ont circulé selon lesquelles l'Espagne ou les Ottomans prévoyaient d'envahir le pays pendant sa période de faiblesse.» Stephen Cory Entre 1599 et 1601, la peste et ses décès ont diminué mais ont repris l'année suivante. En 1602, Al Mansour, qui a quitté Marrakech, a envoyé une correspondance à son fils Abou Faris, gouverneur de la ville ocre. «Dans sa lettre du 1er septembre 1602, Al Mansour a donné à Abou Faris des instructions sur ce qu'il devait faire si la peste atteint (à nouveau) les portes de Marrakech», écrit Cory. Comme prévu, la peste a envahi la ville, forçant Abou Faris à faire comme son père pour «minimiser le risque d'être infecté par la peste». Battre son fils et mourir de la peste Pendant ce temps, le père d'Abou Faris menait une bataille différente contre son autre fils aîné. Contraint de quitter ses tentes à la campagne, Al Mansour s'est rendu à Fès avec son armée pour combattre Mohammed ech-Cheikh el-Mamoun qui «s'est rebellé contre lui avec l'intention de prendre son trône», écrit Mercedes García-Arenal dans «Ahmad al-Mansur : The Beginnings of Modern Morocco» (Editions Oneworld Publications, 2012). Après qu'Al Mansour ait envoyé ses oulémas à son fils pour «le convaincre d'abandonner le chemin de la rébellion et d'offrir le gouvernement de Sijilmassa», il a décidé de le combattre après son refus. En octobre 1602, Al Mansour et son fils s'affronteront, avant que le père ne remporte cette bataille. Mais bien que le sultan soit sorti victorieux, la guerre contre la peste n'était pas encore terminée. En effet, Al Mansour n'est jamais revenu dans son palais de Marrakech après avoir voyagé à Fès. Dans la périphérie de la ville, qui a été la plus touchée par la pandémie, Al Mansour a fini par contracter le virus. «Il est mort de la peste alors qu'il se trouvait à la périphérie de Fès avec son armée en août 1603», écrit Mercedes García-Arenal. L'histoire maudite d'un Maroc victime de peste, de choléra et de famine Le grand souverain qui a envahi l'empire des Songhaïs et vaincu un roi européen, s'est vu offrir une «cérémonie très simple» à sa mort. Il a été enterré à Fès puis transporté, des années plus tard, à Marrakech, où il est actuellement enterré avec ses ancêtres, dans les tombeaux saadiens. Et comme l'incertitude, la famine et la maladie ayant marqué la fin de son règne, la confusion et la division ont marqué la période suivant sa mort avec ses deux fils puissants formant leurs propres entités, armées et alliances. Mohammed ech-Cheikh el-Mamom régna ainsi sur le nord du Maroc de 1603 à 1608 depuis Fès, tandis que son frère, Abou Faris Abdallah, régna sur le sud du Maroc depuis Marrakech.