Abdelali Bentohami est allé au bout de ses rêves. Son ambition d'enfant était de devenir médecin pour aider les plus nécessiteux. En 2010, il a créé aux Pays-Bas la Fondation Santé pour tous, qui propose des soins gratuits au Maroc pour celles et ceux qui n'en ont pas les moyens. Grâce à cette ONG, il a récemment pu organiser le transfert de Yahya, mordu par une meute de chiens à Goulmima. Il vit aux Pays-Bas, mais c'est au Maroc qu'il a nourri le rêve de devenir médecin. Aujourd'hui, Abdelali Bentohami est à la tête de Bento Clinics, un groupe de cliniques aux Pays-Bas spécialisées dans tous les types de chirurgie. Né en 1978 à Amsterdam, deuxième enfant parmi cinq frères et trois sœurs, ce Marocain d'origine a passé toutes les vacances de son enfance dans le Rif, région d'origine de ses parents nés à Askram. Un jour d'été, en sortie avec son père ouvrier, il a eu le déclic. «Nous passions devant l'hôpital Mohammed V à Al Hoceïma. Il y avait une longue fil d'attente. Les gens avaient l'air souffrants, précaires et incapables d'accéder à des soins adéquats. J'ai été profondément affecté par cette image qui m'est restée à l'esprit et j'ai dit à mon père : un jour, je serai médecin et je reviendrai aider ces gens à se faire soigner.» Abdelali Bentohami, chirurgien traumatologue Son baccalauréat en poche, Abdelali Bentohami rejoint l'Université d'Amsterdam pour des études en médecine. Passionné par le travail manuel, il s'intéresse rapidement à la traumatologie. «Cela me rappelle beaucoup le travail méticuleux de quelqu'un qui s'applique énormément à réparer des objets de valeurs cassés ou abîmés ; c'est comme cela que j'ai choisi ma spécialité après les études de médecine générale», décrit le praticien en se souvenant fièrement d'«un parcours sans fautes». La médecine comme action de solidarité En se spécialisant en chirurgie osseuse, Abdelali Bentohami rencontre deux médecins qui organisent des caravanes de santé dans les pays d'Afrique. C'est alors que l'idée lui vient de leur proposer une campagne pour le Maroc. Les médecins l'accompagnent à titre bénévole et c'est ainsi qu'il crée la Fondation Santé pour tous, en avril 2010, bien avant d'obtenir son diplôme de spécialité, trois ans plus tard. «Contrairement à certains programmes d'aide internationale que j'ai vues au Maroc, notre fondation ne fait pas que poser ses bagages, opérer les plus pauvres et s'en aller», nous explique Abdelali Bentohami. «A chaque initiative, nous nous tournons vers un hôpital public, principalement les CHU, pour organiser des opérations chirurgicales tout en faisant participer les médecins sur place, les médecins internes et les étudiants, ce qui est très important pour nous», souligne-t-il en évoquant les formations médicales que propose l'ONG aux jeunes praticiens marocains. «Nous nous concertons avec les médecins marocains sur le contenu des formations qui portent souvent sur de nouvelles techniques, avec lesquelles nous travaillons aux Pays-Bas et peu répandues au Maroc. Cela passe aussi par l'utilisation de matériel de pointe et la transmission du savoir-faire, tout en faisant bénéficier les plus nécessiteux d'opérations gratuites.» Abdelali Bentohami Grâce à cette association, Abdelali Bentohami a pu faire ce travail de transmission à Nador, Al Hoceïma, M'diq, Tanger, Rabat, Casablanca, Azemmour et Agadir. Cela lui a permis de tisser des liens avec les médecins du Maroc, mais aussi avec les familles bénéficiaires, malgré les obstacles au début de son action. «Le plus grand défi qui se posait à nous, c'était de pouvoir ramener notre matériel médical depuis les Pays-Bas. Il a été difficile de le faire passer par la douane, mais maintenant que l'association s'est fait plus largement connaître au Maroc, nous rencontrons moins de soucis logistiques», indique-t-il. De ce travail bénévole, Abdelali Bentohami garde également des histoires de réussite, qui le motivent à aller de l'avant. Travaillant beaucoup avec les enfants, il raconte avoir été marqué par le cas de Youssef, un petit garçon transféré aux Pays-Bas depuis le Maroc pour subir une chirurgie cardio-vasculaire complexe. «Je l'ai rencontré au CHU de Casablanca alors qu'il avait un an. Il souffrait d'une anomalie congénitale dont l'opération ne pouvait se faire sur place. Finalement, il a subi trois chirurgies ici et il a passé trois mois en réanimation. Deux ans plus tard, je suis parti rendre visite à sa famille au Maroc. Il avait trois ans mais il s'est tout de suite rappelé de moi et nos retrouvailles ont été émouvantes.» Une opération de soutien au jeune Yahya Aujourd'hui, le groupe de cliniques d'Abdelali Bentohami compte quatre structures : une à Amsterdam, une à Rotterdam, une à Veenendaal et une à Den Bosch. Elles sont spécialisées dans la chirurgie générale, plastique, esthétique, osseuse et traumatologique. A travers son réseau de médecins et via la Fondation Santé pour tous, le praticien a réussi à changer le cours d'un drame, survenu il y a plus d'une semaine à Goulmima. Emission spéciale MRE : Mobilisation sans frontières pour le jeune Yahya Dans cette petite ville de la province d'Errachidia, Yahya, 12 ans, a été attaqué par une vingtaine de chiens errants. Gravement blessé au niveau des membres inférieurs, de la tête et au visage, il a été transporté à l'hôpital de Fès, puis au CHU de Casablanca, mais sans que son cas ne puisse s'améliorer. C'est alors que sa fondation a été alertée à travers un autre Marocain résidant à l'étranger (MRE) vivant également aux Pays-Bas. «En séjour à Rabat, Ahmed Larouz m'a signalé le cas de Yahya. Je suis chirurgien depuis plusieurs années, j'ai l'habitude de voir des blessures graves, du sang et des opérations délicates, mais en voyant les photos de Yahya, j'ai été profondément affecté et je me suis dit que je devais faire quelque chose pour lui.» Abdelali Bentohami Le médecin mobilise à son tour ses équipes médicales et ses connaissances au CHU, qui se sont préparées en quelques heures à accueillir l'enfant, lettre d'invitation à l'appui. Mardi dernier, Yahya a été accueilli au CHU d'Amsterdam, où il a été pris en charge par une équipe médicale, dont Abdelali Bentohami, qui suit son cas au quotidien. Celui-ci nous apprend que jeudi prochain, le jeune devra subir une opération importante, après les phases d'exploration clinique et une première chirurgie. Pour le médecin, tous les espoirs sont portés sur l'élan de solidarité dont a bénéficié le garçon pour le tirer de son état critique.