L'Alliance marocaine pour le climat et le développement durable déplore que le secteur des transports et de l'industrie ne fasse pas l'objet d'une révision pour parvenir à une baisse des émissions des gaz à effet de serre. Les experts onusiens sont unanimes : malgré l'accord de Paris sur le climat par lequel 195 pays s'étaient engagés en 2015 à maintenir le réchauffement planétaire largement en dessous de 2°C, les émissions de gaz à effet de serre (GES) ne cessent d'augmenter. «Il n'y a aucun signe de ralentissement, et encore moins de diminution, de la concentration des gaz à effet de serre dans l'atmosphère malgré tous les engagements pris au titre de l'Accord de Paris sur le climat», a déclaré Petteri Taalas, secrétaire général de l'Organisation météorologique mondiale (OMM) dans un communiqué publié lundi 25 novembre. L'OMM s'inquiète des niveaux record des concentrations de GES dans l'atmosphère recensés en 2018, cumulant désormais à 407,8 parties par million (ppm), soit 147% du niveau préindustriel de 1750. «L'augmentation des concentrations de CO2 de 2017 à 2018 a été supérieure au taux d'accroissement moyen des 10 dernières années», indique l'OMM. L'institution onusienne précise que le taux d'accroissement moyen du CO2 sur trois décennies consécutives (1985-1995, 1995-2005 et 2005-2015) est passé de 1,42 ppm/an à 1,86 ppm/an puis à 2,06 ppm/an. Le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE) fait état quant à lui d'une hausse des émissions de 1,5 % en moyenne par an sur la dernière décennie. A quelques semaines de la 25e conférence mondiale pour le climat (COP25), du 2 au 13 décembre à Madrid, ces données sonnent comme un avertissement pour les 196 pays qui doivent se réunir dans la capitale espagnole. Seule condition pour que les Etats respectent l'objectif de l'accord de Paris : réduire de 7,6% leurs rejets carbonés chaque année entre 2020 et 2030, d'après les calculs des Nations unies. Une approche régionale qui n'est pas écoresponsable Signataire de l'Accord de Paris sur le climat en 2015, puis hôte de la COP22 en 2016, le Maroc s'est quant à lui engagé à réduire de 42% ses émissions de GES d'ici 2030. Au rythme de l'inertie mondiale constatée par l'OMM et le PNUE, le royaume parviendra-t-il à tenir cet engagement ? «Si aucun pays n'a pu tenir ses engagements, c'est parce que tous maintiennent le même modèle de développement, qui encourage l'utilisation des transports individuels et la consommation d'énergie, et n'accompagnent pas suffisamment les secteurs industriels pour diriger la transition vers un modèle moins polluant», tranche Abderrahim Ksiri, coordinateur national de l'Alliance marocaine pour le climat et le développement durable (AMCDD), contacté par Yabiladi. Si ce militant souligne volontiers les «efforts» du Maroc menés sur le front des énergies renouvelables avec la concrétisation de projets éoliens et solaires, notamment la centrale solaire Noor et le parc éolien Khalladi, il estime que des actions doivent encore être menées pour réduire la pollution émanant du BTP et de l'industrie. A titre d'exemple, l'analyse des plans de développement de deux régions, Fès-Meknès et Tanger-Tétouan-Al Hoceima, effectuée par l'AMCDD, démontre que leur approche de développement continue de privilégier le transport individuel. «Leur démarche ne s'inscrit pas dans le respect de l'environnement et du développement durable», déplore le coordinateur de l'AMCDD. Dans ce sens, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) avait appelé, dans son rapport annuel de 2017, à «renforcer la gouvernance durable par le développement des modes de transports à énergie propre et la mise en place d'une politique nationale pour la mobilité verte», recommandant d'«établir une politique nationale dédiée à la mobilité verte sur tout le territoire, intégrant des actions de sensibilisation, la rationalisation de la demande en transport, ainsi qu'une adaptation du système productif, du cadre réglementaire et de l'infrastructure nécessaires pour développer aussi bien l'offre que la demande de modes de transport plus propres». Il faut toutefois rappeler que le Maroc est un faible émetteur de GES : seulement 0,2% du total des émissions. Une lutte environnementale, mais aussi sociale Autre volet : la Loi de finances 2020, dont Abderrahim Ksiri regrette l'absence d'une dimension climato-sensible. «Il est urgent d'élaborer des méthodologies claires pour évaluer les vulnérabilités climatiques de chaque politique publique et budget sectoriel, avant de procéder à l'estimation des coûts associés au changement climatique des investissements publics et des budgets sectoriels», soutient ainsi l'AMCDD dans un Mémorandum sur la budgétisation climato-sensible. Une approche méthodologique qui, selon l'AMCDD, doit aussi concerner l'élaboration des budgets des régions et des communes. «Ceci entrainera une cohérence optimale entre l'action des pouvoirs publics et des collectivités territoriales en matière d'adaptation et d'atténuation des effets extrêmes du dérèglement climatique et les objectifs économiques et sociaux de la politique budgétaire de l'Etat et des élus territoriaux», estime l'Alliance. «Il faut que cette trajectoire environnementale soit prise de manière beaucoup plus concrète dans notre pays. Il ne s'agit pas d'un choix uniquement climatique, mais aussi social : c'est le seul choix qui permettra de ne pas laisser à la marge les populations les plus vulnérables», soutient Abderrahim Ksiri. «Ces changements ne pourront se faire dans un système capitalistique qui concentre les richesses entre les mains d'une minorité. Si cette lutte ne s'inscrit pas à l'échelle locale du pays, et pour toutes les franges de la population, on ne pourra assurer les engagements du Maroc.» Abderrahim Ksiri Une position qui n'est pas sans rappeler celle ardemment défendue par le député français François Ruffin, partisan d'un «Front populaire écologique», et pour qui lutte sociale et lutte environnementale ne forment qu'un seul et même combat.