Le seuil nécessaire à l'entrée en vigueur de l'Accord de Paris a été franchi ; plus de 55 pays représentant plus de 55% des émissions de gaz à effet de serre ont ratifié l'Accord de Paris qui entrera officiellement en vigueur le 4 novembre 2016 prochain, confortant ainsi la tenue de la 22ème Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), prévue à Marrakech du 7 au 18 novembre 2016. A cet effet, et sous le Leadership de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, les Marocains sont déterminés à réussir la COP22. En effet, il est à présent acquis que notre société a pris conscience qu'elle ne peut se développer que si elle est construite sur un pacte cohérent et solidaire entre Science et Politique ! Au-delà des efforts internes nécessaires au succès de l'évènement, l'édification parallèle de coalitions multilatérales demeure la priorité à soumettre à examen d'intérêt souverain, notamment et entre autres avec les traditionnels alliés des pays du Golfe au même titre que ceux du continent africain. Ce socle de coalition serait la condition à la mise en place d'un système ou marché d'échanges de quota d'émission ou de réduction de GES (gaz à effet de serre). Dans ce contexte, la nécessité du Maroc de disposer d'une politique de tarification du carbone s'avère le socle préalable pour le drainage des financements internationaux, les échanges de limitation ou d'émissions de GES, mais surtout la participation et l'appropriation par nos industries et nos entreprises, voire le reste des acteurs non-étatiques des territoires des enjeux de la finance climat. De la Convention cadre des Nations Unies sur le changement climatique Avec 197 Parties signataires, la Convention-cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC) a presque une adhésion universelle. Elle accueille l'Accord de Paris sur les changements climatiques de 2015 sous son égide. L'objectif principal de l'Accord de Paris est de maintenir la hausse de la température moyenne mondiale bien en dessous de 2°C (degrés Celsius) au cours de ce siècle et de mener des efforts visant à limiter encore plus l'augmentation de la température, soit à 1,5°C au-dessus des niveaux préindustriels. La CCNUCC accueille aussi le Protocole de Kyoto de 1997 sous son égide (référentiel). L'objectif ultime de tous les traités qui entrent dans le cadre de la CCNUCC est de stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre dans l'atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique, dans un laps de temps qui permet aux écosystèmes de s'adapter naturellement et facilite le développement durable. Pour rappel, le temps fort des négociations climatiques a été la publication du rapport de synthèse de la CCNUCC sur les contributions nationales le 30 octobre 2015. Les pays avaient jusqu'au 1er octobre pour publier leur feuille de route sur leur politique de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES), afin qu'elles soient comptabilisées dans cette synthèse. Dans ce cadre, la CCNUCC a étudié l'impact de 146 contributions nationales. En l'état, la trajectoire (projection) mondiale des émissions de GES dessinée par les contributions publiées situerait la Terre en 2030 sur une trajectoire menant à environ 3°C à la fin du siècle (comprise entre 2,7 et 3,5°C). Le scénario du pire, avec un réchauffement proche des 4,5, voire 6°C, qui correspond aux trajectoires actuelles d'émissions et jusqu'ici considéré par les scientifiques comme le plus probable, s'éloigne. Grâce à ces contributions, l'objectif des 2°C d'ici 2100 peut être atteint, à condition d'accélérer la dynamique. Un des enjeux de l'accord de Paris sera de mettre en place un mécanisme de révision périodique, idéalement tous les cinq ans, pour relever l'ambition de chacun et d'améliorer progressivement la trajectoire collective. 1- 36 ans de négociation de la CCNUCC jusqu'à l'accord de Paris Il aurait ainsi fallu pas moins de 36 longues années de négociations pour arriver à obtenir des engagements non contraignants des Etats, et pour parvenir à un nouvel accord universel sur le climat, applicable à tous (traité).La difficulté apparait via retour à la mémoire institutionnelle : En 1979, à l'occasion de la première Conférence Mondiale sur le Climat à Genève (Suisse), un Programme de recherche climatologique mondial est lancé, sous la responsabilité de l'Organisation Météorologique Mondiale (OMM), du Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE) et du Conseil international des Unions Scientifiques (CIUS). En 1988, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) est créé par l'OMM et le PNUE pour procéder, à intervalles réguliers, à une évaluation de l'état des connaissances sur les changements climatiques. Son premier rapport en 1990 reconnaît la responsabilité humaine dans le dérèglement climatique. Il sert de base à l'élaboration de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC). En 1989, la Seconde conférence mondiale sur le climat réunit à La Haye 137 États plus la Communauté européenne, dont les 12 membres se sont alors engagés à stabiliser leurs émissions de CO2 au niveau de 1990 en l'an 2000. La déclaration finale préconise l'instauration d'une convention internationale sur les changements climatiques. En 1990, l'assemblée générale des Nations Unies crée un Comité intergouvernemental de négociations chargé d'élaborer une Convention - Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC, en anglais UNFCCC). En 1991, fut créé le Fonds pour l'Environnement Mondial (FEM). Ce mécanisme financier est alimenté par des contributions volontaires des pays développés et a pour objet d'aider les pays en développement à s'attaquer aux grands problèmes d'environnement mondiaux, dont le réchauffement climatique et la biodiversité. En 1992, le Sommet de la Terre à Rio de Janeiro (Brésil) est une étape cruciale dans les négociations climatiques internationale par la signature de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques. Elle reconnaît officiellement l'existence du dérèglement climatique et la responsabilité humaine dans ce phénomène. Son objectif est de stabiliser les concentrations atmosphériques de gaz à effet de serre à un niveau qui empêche toute perturbation humaine dangereuse du système climatique. La Convention-cadre, entrée en vigueur le 21 mars 1994, a été ratifiée par 195 pays, appelés « Parties », plus l'Union européenne. En 1997, l'adoption du Protocole de Kyoto (Japon) fixe pour la première fois aux pays développés des engagements chiffrés de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES). Entré en vigueur en 2005, le protocole devait couvrir la période 2008-2012. En 2007, avec le Plan de Bali, une vision à plus long terme a établi un calendrier de négociations pour parvenir à un nouvel accord devant prendre le relais du Protocole de Kyoto dont l'échéance a été fixée à 2012, mais dont la conclusion devait se réaliser au plus tard en décembre 2009. En 2009, si la Conférence de Copenhague (Danemark) n'a pas permis l'adoption d'un nouvel accord, la COP15/CMP5 a validé l'objectif commun visant à contenir le réchauffement climatique en-deçà de 2°C. Les pays développés se sont également engagés à mobiliser 100 milliards de dollars par an jusqu'à 2020 en faveur des pays en développement pour faire face au dérèglement climatique. En 2010, Cancun(Mexique) a permis la concrétisation de l'objectif des 2°C par la création d'institutions dédiées sur des points clés comme le Fonds vert pour le climat. En 2011, la volonté d'agir collectivement s'est traduite par la création de la Plate-forme de Durban pour une action renforcée (ADP), ayant pour mandat de rassembler tous les pays, développés et en développement, afin de travailler à un «protocole, à un instrument juridique ou à un résultat ayant force de loi » applicable à toutes les parties à la Convention climat de l'ONU. Cet accord devait être adopté en 2015 et mis en œuvre à partir de 2020. En 2012, afin de pallier ce vide juridique, la Conférence de Doha (Qatar) a entériné l'engagement de plusieurs pays industrialisés dans une seconde période d'engagement du Protocole de Kyoto (2013/2020) et a mis fin au mandat de Bali. En 2013, la Conférence de Varsovie (Pologne), et en 2014 la Conférence de Lima (COP20 de Lima, Pérou) ont permis de franchir des étapes indispensables pour préparer la COP21 de Paris en 2015. C'est ainsi, que tous les États ont été invités à communiquer leur contribution (INDC) en matière de réduction de gaz à effet de serre en amont de la COP21. En 2015 (12 décembre), le texte final de l'Accord de Paris a été validé par les 195 pays réunis en plénière (COP21) après 13 jours de négociation. En 2016, est attendue la Conférence de Marrakech (COP22) du 7 au 18 novembre au 2016. 2- Du « Mandat de Berlin, 1995 » au succès des « Accords de Marrakech, 2001 » Lorsqu'ils adoptèrent la CCNUCC en 1992, les gouvernements savaient que leurs engagements ne seraient pas suffisants pour sérieusement faire face aux changements climatiques. A COP 1 (Berlin, mars/avril 1995), dans une décision connue sous le nom de Mandat de Berlin, les Parties entamèrent un cycle de négociations en vue de décider d'engagements plus solides et plus détaillés pour les pays industrialisés. Après deux années et demie d'intenses négociations, le Protocole de Kyoto fut adopté à COP3 à Kyoto (Japon) le 11 décembre 1997. A ce stade, le Protocole a certes défini les lignes principales des mécanismes de respect des engagements ; mais, il n'a, par exemple, pas étayé les importantes règles pour les rendre opérationnels. La conférence de Marrakech (COP7, novembre 2001), 7ème Conférence des Parties à la Convention Cadre sur les Changements Climatiques (CCNUCC), devait être le point de départ pour une ratification large du Protocole de Kyoto (entrée en vigueur attendue avant la Conférence de Johannesburg en 2002). La COP7 débouchera finalement à l'adoption des « Accords de Marrakech », et comme succès, les Accords de Marrakech prirent des décisions importantes au regard de la mise en œuvre de la Convention, en mettant en place les règles détaillées de la mise en œuvre du Protocole de Kyoto. Cependant, seules les Parties à la Convention qui sont devenues Parties au Protocole (par ratification, acceptation, approbation ou accession), sont tenues par les engagements du Protocole. Les principaux enjeux des négociations de la COP7 à Marrakech (novembre 2001) furent de permettre l'entrée en vigueur du Protocole de Kyoto malgré le retrait en mars 2001 des Etats-Unis, de ne pas renégocier l'accord de Bonn comme étaient suspectés de vouloir le faire la Russie, le Canada, le Japon et l'Australie et d'établir un système contraignant. L'accord conclu à Marrakech finalise donc le plan d'Action de Buenos Aires (PABA) établi en 1998 en résolvant plusieurs problèmes techniques sensibles. Pour mémoire, en novembre 1998, les Parties se sont accordées sur un ensemble de décisions connu sous le nom du « Plan d'action de Buenos Aires ». Celui-ci élabore les principes, modalités, règles et lignes de force des trois mécanismes de flexibilité avec une priorité donnée au MDP. Cependant, la prise de décision a été reportée à la Conférence de La Haye en novembre 2000 ; rencontre qui a par ailleurs échoué, pour une grande part en raison des désaccords portant sur la reconnaissance des « puits de carbone », une exigence clé tant du Canada que des États-Unis. Pratiquement, le Protocole de Kyoto partage le même objectif que la CCNUCC, mais la renforce de manière significative en engageant les Parties dits « Annexe I » à des objectifs individuels, légalement contraignants, de réduction ou de limitation de leurs émissions de gaz à effet de serre. 3- Dispositions du protocole de Kyoto et son règlement Lors de la signature du protocole de Kyoto en 1997, les Parties de l'Annexe I se sont engagées à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre ; la réduction globale devant atteindre 5,2 % dans la période 2008-2012 par rapport au niveau de 1990. L'Union européenne (UE) s'est, elle, engagée à réduire ses émissions des 8% et a obtenu le droit de redistribuer son objectif entre ses 15 États membres. Le protocole de Kyoto établit trois « mécanismes » de flexibilité : L'application conjointe (AC) ou « Joint Implementation », Le marché de droits d'émissions ou « Emission trading » et, Le mécanisme pour un développement propre (MDP) ou «Clean Development Mechanism». Ces deux derniers mécanismes ont pour objectif d'aider les Parties Annexe I à atteindre leurs objectifs d'émissions au moindre coût en accomplissant ou en acquérant des réductions meilleur- marché dans d'autres pays. Le MDP vise à assister les pays en développement à atteindre un développement durable par l'implantation de projets plus « sains » du point de vue environnemental. 3.1 Les mécanismes de flexibilité Le protocole de Kyoto définit des engagements de réductions d'émissions pour les Parties de l'Annexe I pour une période d'engagement de 5 ans soit de 2008 à 2012. Les accords de Marrakech prévoient un traitement égal des unités de réductions d'émissions issues des mécanismes de flexibilités, permettant ainsi une plus grande liquidité de ces unités. La quantité attribuée à une Partie (QA), ou « AssignAmount », est la « quantité maximale qu'une Partie est autorisée à émettre pendant cette période d'engagements » (elle est égale à 5 fois l'émission annuelle de base moins l'objectif de réduction). La quantité attribuée d'une partie (QA) est divisé en unités de la quantité attribuée (UQA) « AssignAmount Unit ». Pour atteindre ses objectifs de réduction d'émission de GES, un pays pourra recourir à 3 types d'actions : Réduire ses émissions domestiques ; Augmenter l'absorption des GES par des puits, il obtiendra ainsi des unités d'absorption (UA) ou «Removal Unit » ; Acquérir des unités d'autres Parties par l'intermédiaire de projets basés sur les mécanismes et le marché des crédits d'émission, sous forme d'UQA, de UA, d'unités de réduction certifiées des émissions (URCE) ou « Certified Emission Reduction » acquises par la mise en œuvre des projets MDP ou d'unités de réduction d'émissions (URE) ou «Emissions Reduction Unit », obtenues par les projets d'Application Conjointe (AC). Les accords de Marrakech ont défini différents types d'unités de réduction d'émissions selon le type de projet dont elles proviennent. Un vaste marché international de droits d'émissions, dans lequel s'intégreront les droits d'émissions résultants de projets MDP, a pu être mis progressivement en place pour la première période d'engagements. UNITES DE REDUCTION UA – Unité d'absorption RMU – Removal Unit URCE - Unité de réduction certifiée des émissions CER – Certified Emission Reduction URCE-LD- URCE de longue durée lCER – Long-term CER URCE-T – URCE temporaire tCER –Temporary CER URE - Unité de réduction des émissions ERU - Emission Reduction Unit Le lien entre le respect des engagements et les critères d'éligibilité aux mécanismes de flexibilité était une des questions principales de Marrakech. La décision prise maintient le respect de toutes les dispositions relatives à la surveillance et au devoir de rapportage avant l'utilisation des mécanismes de flexibilité. Nonobstant les dispositions des accords de Marrakech relatives aux aspects relatifs aux UTCF (utilisation des terres, changement d'affectation et foresterie), en pratique, une Partie devra remplir 5 exigences principales pour être éligible aux mécanismes de flexibilité : Être Partie au protocole de Kyoto ; Avoir établi sa QA ; Avoir en place un système national pour le suivi des émissions et des absorptions de GES ; Avoir en place un registre national pour la comptabilisation de la délivrance, le transfert et/ou la suppression des UQA, UA et URCE Avoir soumis annuellement à la CCNUCC son inventaire et les autres informations requises. 3.2 L'Application Conjointe (AC) Le mécanisme d'application conjointe, consiste en l'investissement d'une Partie de l'Annexe I dans des projets mis en œuvre dans d'autres pays de l'Annexe I, et dans le but soit de réduire les émissions de GES dans le pays hôte, soit d'augmenter les absorptions par des puits. Pour chaque tonne de CO2 réduite ou absorbée dans le pays hôte, ce pays hôte convertira une UQA ou une UA en une URE. Cette URE sera transféré dans le pays investisseur. 3.3 Le mécanisme pour un développement propre (MDP) Le MDP consiste en l' « investissement d'un pays de l'Annexe I dans un pays non Annexe I dans le but d'inciter les investissements de réduction d'émissions de GES et allant dans le sens d'un développement durable dans les pays en voie de développement ». Pour chaque tonne de CO2 réduite ou absorbée, le pays investisseur recevra du Conseil Exécutif (CE) des MDP une URCE. Les Accords de Marrakech définissent le fonctionnement de projets MDP et prévoient la création d'un Conseil Exécutif composé de 10 membres. Celui-ci est chargé d'approuver les méthodologies pour les projections de référence, les plans de surveillance et les limites aux projets, d'accréditer des entités opérationnelles; de développer et maintenir un registre des projets MDP. Les entités opérationnelles accréditées seront chargées de la validation, la vérification et la certification des projets MDP. Pour mémoire, malgré l'absence des Etats-Unis, les Accords de Marrakech conclu le 10 novembre 2001 ont permis de finaliser son seulement le Plan d'Action de Buenos-Aires par la mise en place d'un système de respect des engagements de réduction d'émissions, mais aussi de permettre un départ rapide des projets MDP, créer un marché international de droits d'émissions et définir des modalités pour la mise en œuvre de projets d'AC. 3.4 Le commerce de permis d'émissions & le marché du carbone Pour atteindre l'objectif mondial de manière économiquement rentable, le Protocole a introduit l'utilisation d'un système d'échanges de quotas d'émissions entre les Parties développées. En développant une unité internationale pour le transfert entre les Parties de l'annexe I (unités de quantité attribuée), le Protocole de Kyoto a créé un cadre pour la reconnaissance des réductions d'émissions au-delà des frontières, grâce au mécanisme de flexibilité de projet, la Mise en Œuvre Conjointe (MOC) et le Mécanisme de Développement Propre (MDP). Les décisions prises à Marrakech établissent un cadre international de régulation rendant les mécanismes de flexibilité opérationnels et devant fournir les certitudes aux Parties et secteur privé pour s'engager dans le marché international de crédits d'émissions et dans les projets d'application conjointe et de MDP. Les règles du marché international de droits d'émissions sont destinées à garantir l'intégrité environnementale du Protocole de Kyoto. Les limites sur les émissions de gaz à effet de serre (GES) posées par le Protocole de Kyoto représentent finalement « un moyen d'assigner une valeur monétaire à l'atmosphère terrestre partagée ». Les pays obtiennent des crédits (appelées unités d'absorption) en réduisant leurs émissions de gaz à effet de serre. Ils peuvent réaliser des projets d'application conjointe avec d'autres pays développés, en général avec les pays à économies en transition. Ils impliquent le financement d'activités de réduction d'émissions dans les pays en voie de développement et ainsi développent des projets au titre du Mécanisme de Développement Propre. Les crédits obtenus de cette manière peuvent être achetés et vendus sur le marché des émissions ou épargnés pour une utilisation future. Le Protocole permet aux pays ayant épargné des unités d'émissions de vendre cet excès aux pays ayant dépassé leurs objectifs d'émissions. Le marché du carbone, appelé ainsi car le dioxyde de carbone (CO2) est le gaz à effet de serre le plus largement produit et aussi parce que les émissions des autres GES sont enregistrés et comptabilisés en termes d'équivalent carbone, est un marché flexible mais réaliste. Les pays ne remplissant pas leurs engagements ont la possibilité d'acheter le respect des engagements. Mais le prix peut en être prohibitif. Le protocole de Kyoto a conduit à l'élaboration de règles de comptabilisation internationales et à un cadre de surveillance, de notification et de vérification (MRV) qui ont contribué à renforcer les capacités institutionnelles. En établissant ce cadre de MRV, les pays ont été en mesure de mieux identifier les secteurs fortement émetteurs, de définir et de développer des politiques efficaces, dont l'une est la tarification du carbone ; mais le protocoleà travers le système d'échange, s'est avéré insuffisant pour soutenir l'émergence d'un prix du carbone à l'échelle internationale. 4- Enjeux stratégiques en marge de la COP22 de Marrakech A l'occasion de l'allocution pour le président-entrant lors de la Déclaration d'ouverture des Consultations informelles à composition non limitée sur la Conférence de Marrakech (25 mai à Bonn, Allemagne), ont été identifiées cinq (5) principales priorités pour examen à la Conférence de Marrakech, en l'occurrence : Renforcement de l'action sur l'atténuation et l'adaptation par toutes les Parties avant 2020; Soutenir l'action nationale pour donner effet aux contributions déterminées au niveau national; Poursuivre les initiatives de collaboration dans le cadre d'un programme d'action intensifiée; Mobiliser la finance, la technologie et le soutien au renforcement des capacités avant et après 2020. Actions Concrètes ! Ces priorités ayant valeur de mandat, deux évènements des plus importants ont été programmés à cette même occasion ; il s'agit notamment de : La consultation informelle pour les chefs des délégations et des experts prévue les 10 et 11 Septembre 2016en préparation de la COP22 à Marrakech, dont le but est d'examiner en profondeur toutes les questions que les parties jugent important et urgent, et particulièrement ce qu'ils considèrent comme priorités à discuter lors de cet événement. La traditionnelle réunion de pré-COP au niveau ministériel, prévue du 17 au 18 Octobre 2016, à laquelle les organisateurs espèrent voir une présence ministérielle importante. Par la suite, dans une déclaration en marge de la conférence sur le climat de Bonn (16–26 mai), le Président du Comité de pilotage COP22, a décliné trois initiatives portées par le Maroc pour poursuivre la mise en œuvre l'Accord de Paris, en l'occurrence : L'initiative AAA (Adaptation de l'Agriculture Africaine aux changements climatiques); La résilience des zones oasiennes dans le monde ; La stimulation de la finance climatique. Sur ce dernier volet, le Président COP22 a précisé la réflexion du Maroc autour de la nécessité d'accélérer l'octroi des financements pour des projets d'atténuation et d'adaptation, notamment pour les pays les plus vulnérables ; et a invité les institutions financières, publiques et privées, à s'engager dans la création d'un mécanisme d'optimisation de l'accès aux financements dit selon lui « FastTrack Finance Facility ». Par ailleurs et comme cela fut rapporté par l'Ambassade de France à Rabat (note de Conjoncture N° 982 - 15 juin - 15 juillet 2016), lePrésident du Comité de pilotage COP22 a annoncé la tenue -En amont de la COP22- de deux événements qui seront dédiés aux questions de « finance climat », en l'occurrence : Le « Forum 360° sur le Carbone » qui s'est déroulé à Marrakech les 15 et 16 juillet 2016. Le « Climate Finance Day » attendu pour le 4 novembre 2016 à Casablanca, et sera suivi d'un « Forum Finance Climat » organisé par l'IDFC (club de 22 banques publiques de développement internationales, régionales et nationales, dont l'Agence Française de Développement AFD). Agir aujourd'hui pour le climat n'apparaît plus comme un fardeau économique mais comme une formidable opportunité d'investissements et de création de richesses. Pour autant, les efforts nécessaires pour enclencher la transition vers des économies moins émettrices de GES ne doivent pas être sous-estimés. Cette transition implique une redirection massive des investissements dans les moyens de transport propres, la production d'énergies renouvelables, l'isolation des bâtiments et le développement de l'agro-écologie, et ce dans un contexte budgétaire et financier très contraint. Les instruments économiques et financiers qui conduisent à donner un prix au carbone, explicitement ou implicitement, permettent d'émettre des signaux clairs sur les bénéfices à émettre moins de carbone ou, de façon symétrique, sur le coût que les émissions de GES font porter à la société. En cela, ils concourent à accélérer la transition énergétique. Toutefois, il est clair que cette transition va s'effectuer dans un contexte budgétaire et financier très contraint. C'est sous cette contrainte qu'une lutte efficace contre le changement climatique passera par le développement de mécanismes et d'instruments financiers innovants et adaptés à chaque contexte en premier l'édification et la mise en œuvre d'une politique et un marché de tarification du carbone (prix du carbone & commerce) afin d'orienter les décisions d'investissement des entreprises, de démultiplier l'innovation et de diffuser le recours aux solutions bas carbone. La collaboration entre les entreprises et le gouvernement, les entreprises et les investisseurs, est essentielle au succès. Les industries pour leur part doivent réfléchir sur comment mettre le changement climatique au cœur de leurs stratégies commerciales. Les efforts nécessaires pour enclencher la transition vers des économies moins émettrices de GES ne doivent pas être sous-estimés. 5- Enjeux autour de la finance Climat & du Fonds vert Les politiques climatiques peuvent être considérées comme une assurance pour nos sociétés contre les coûts inacceptables des risques de catastrophes climatiques de plus en plus fréquentes, des dégradations irréversibles des écosystèmes et des déplacements massifs de population. Du point de vue des pays en développement, l'obligation des pays développés de leur fournir des financements découle de leur responsabilité historique sur la problématique climatique. De plus, les pays en développement sont souvent les plus vulnérables et souffrent le plus des conséquences économiques, sociales et environnementales du changement climatique. La considération de ces éléments reste un point essentiel pour la construction de la confiance nécessaire entre les différents pays. 5.1 Financer la transition vers une économie sobre en carbone Financer la transition vers une économie « bas carbone » et résiliente au changement climatique est un défi sans précédent dans l'histoire. Atteindre cet objectif nécessite d'investir des milliers de milliards de dollars par an. Le montant paraît élevé, mais ne représente en réalité que quelques pourcents des investissements actuels dans le monde, et quelques centaines de milliards de dollars par an en plus par rapport au scénario « business as usual » dit « cours normal des affaires». L'enjeu est de réorienter la finance pour répondre aux besoins d'une économie sobre en carbone plutôt qu'à la pérennisation du modèle économique actuel, fortement carboné. Certes les États peuvent orienter l'économie vers ce nouveau modèle, mais ils n'ont ni la vocation ni la capacité de le financer dans sa totalité. Par son apport en capitaux et sa capacité à investir, le secteur privé est à ce titre essentiel. Toutefois sans signaux clairs fournis par un contexte réglementaire, social et économique cohérent ; en l'occurrence l'Accord de paris, le secteur privé ne s'impliquera pas spontanément dans la « finance climat » pour stabiliser le réchauffement climatique en deçà de 2 °C. Or, et cela reste compréhensible, le changement climatique fait naitre une nouvelle gamme de risques pour les entreprises et les institutions financières. Outre les risques directement liés à l'exposition de l'activité aux effets du climat (événements extrêmes, conditions de température, risque côtier, etc.), l'incertitude régulatoire est passée au premier plan des préoccupations. Ce facteur prépondérant de risque financier a été soulevé par le Conseil de stabilité financière, organe mondial de régulation du système financier (Pays membres du G20). Ce Conseil étudie en silence la prise en compte par les acteurs financiers des contraintes climatiques, qui sont des risques extrêmes et de long terme, mal appréhendés par les acteurs du monde financier. 5.2 Attentes et complexité de la Finance Climat Les pays développés se sont engagés, à Copenhague en 2009 et à Cancun en 2010, à mobiliser conjointement 100 milliards de dollars par an d'ici 2020 pour aider les pays en développement à faire face au dérèglement climatique. Cet engagement a aussi été repris par la décision de la COP21 en tant que seuil minimal, à revoir à la hausse à l'échéance 2025. Cette somme peut provenir de sources bilatérales ou multilatérales, publiques et privées, y compris innovantes. C'est ainsi qu'au titre de l'article 9 de l'Accord de Paris (paragraphe 1 et 2) : « Les pays développés Parties fournissent des ressources financières pour venir en aide aux pays en développement Parties aux fins tant de l'atténuation que de l'adaptation dans la continuité de leurs obligations au titre de la Convention », et « Les autres Parties sont invitées à fournir ou à continuer de fournir ce type d'appui à titre volontaire ». Toutefois, il reste que l'article 9 demeure lié aux dispositions de l'article 7 de l'accord qui stipule que « Les pays développés Parties, communiquent tous les deux ans des informations transparentes et cohérentes sur l'appui fourni aux pays en développement Parties et mobilisé par des interventions publiques, conformément aux modalités, procédures et lignes directrices que la Conférence des Parties agissant comme réunion des Parties au présent Accord adoptera à sa première session, comme il est prévu au paragraphe 13 de l'article 13. Les autres Parties sont invitées à faire de même. En termes de financement, plusieurs fonds concourent à l'application de l'Accord, dont principalement le Fonds vert pour le climat et le Fonds pour l'environnement mondial, entités chargées d'assurer le fonctionnement du Mécanisme financier, ainsi que le Fonds pour les pays les moins avancés et le Fonds spécial pour les changements climatiques, administrés par le Fonds pour l'environnement mondial. Deux aspects sont à préciser à ce niveau : Le Fonds pour l'adaptation ne peut concourir à l'application de l'Accord, que sous réserve des décisions pertinentes de la Conférence des Parties agissant comme réunion des Parties au Protocole de Kyoto et de la Conférence des Parties agissant comme réunion des Parties à l'Accord de Paris. Les 100 milliards de dollars ne sont pas à confondre avec le Fonds vert, une partie seulement de cette somme a vocation à transiter par le Fonds vert. Les financements publics peuvent prendre plusieurs formes : Les fonds multilatéraux comme le Fonds vert ; Des institutions multilatérales ou régionales comme la Banque mondiale ; Les contributions des gouvernements ; Les contributions des institutions bilatérales comme l'AFD. Mais c'est finalement au paragraphe 13 de l'article 13 qu'apparait l'un des enjeux fondamentaux de l'appui financier des pays développés aux pays en développement par les dispositions : « À sa première session, en s'appuyant sur l'expérience tirée des dispositifs relatifs à la transparence prévus en vertu de la Convention, et en précisant les dispositions du présent article, la Conférence des Parties agissant comme réunion des Parties au présent Accord adopte des modalités, des procédures et des lignes directrices communes, selon qu'il convient, aux fins de la transparence des mesures et de l'appui ». Il apparait clairement que l'une des priorités des pays en développement consisterait à combler le vide et assurer aussi bien les institutions que les mécanismes opérationnelles de transparence et de lutte contre les dérives de divers ordres. Le paragraphe 15 de l'article 13 vient nettement soutenir cette réflexion : « Un appui est également fourni pour renforcer en permanence les capacités des pays en développement Parties en matière de transparence ». Mise en œuvre du Fonds Vert Climat & projets financés Le « Fonds vert pour le climat » est un organisme financier de l'Organisation des Nations unies, rattaché à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques qui a pour objectif de réaliser le transfert de fonds des pays les plus avancés à destination des pays les plus vulnérables (www.greenclimate.fund/home).Il a été créé en 2010 lors de la COP16 à Cancun afin d'aider les pays en développement à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, à s'adapter aux changements climatiques et pour soutenir leur transition vers un développement à faibles émissions de gaz à effet de serre. Le Fonds vert pour le climat est composé d'un conseil d'administration de 24 membres nommés, à égalité entre les pays développés et les pays en développement, pour un mandat de trois ans renouvelable. À la tête du conseil, deux coprésidents élus parmi les membres pour une période d'un an. Le siège du Conseil d'administration se trouve à Songdo, en Corée du Sud. Son budget, alimenté par les pays développés, est doté de 10,2 milliards de dollars jusqu'en 2018. Réuni en Zambie (2-5 novembre 2015), le Conseil d'administration du Fonds vert a retenu 8 projets pour financement (sur 37 dossiers reçus), dont 3 en Afrique, 3 dans la région Asie-Pacifique et 2 en Amérique latine, à savoir : Renforcer la résilience des zones humides dans la province de Datemdel Marañón au Pérou (6,2 millions de dollars). Accroître l'utilisation des informations climatiques récentes et des systèmes d'alerte précoce au Malawi (12,3 millions de dollars). Renforcer la résilience des écosystèmes et des communautés en restaurant les bases productives des terres salinisées au Sénégal (7,6 millions de dollars). Pour lutter contre cette insécurité alimentaire, le Fonds vert dote le « Centre de suivi écologique », structure étatique, qui aura pour mission de « développer les connaissances et la diffusion de technologies adaptées » auprès des agriculteurs et à « réduire la salinité » des terres arables. Vulgarisation des infrastructures résilientes au climat au Bangladesh (40 millions de dollars). Le fonds KawiSafi Ventures en Afrique de l'est (25 millions de dollars) qui a pour vocation d'investir dans des PME dédiées à l'énergie verte, principalement des systèmes solaires. Obligation verte d'efficacité énergétique en Amérique latine et dans les Caraïbes (217 millions de dollars). Soutenir les communautés vulnérables dans la gestion des sécheresses causées par le changement climatique aux Maldives (23,6 millions de dollars). Approvisionnement en eau et gestion des eaux usées en milieu urbain à Fiji (31 millions de dollars). La somme s'élève à 168 millions de dollars. Les entités partenaires des projets incluent des organismes nationaux, régionaux et internationaux accrédités au Fonds, tant du secteur public que du secteur privé. De cette première expérience du Fonds Vert Climat, il semble que la priorité du Conseil est dirigée vers le soutien aux pays qui subissent déjà les impacts dévastateurs du changement climatique, dont les Parties ayant déposé leurs instruments de ratification à l'Accord de Paris. La question du financement Nord/Sud va demeurer l'un des sujets brûlants des négociations qui, sans surprise, a tardé à trouver un consensus lors de la COP21, et qui va à ne pas douter s'imposer à la COP22 pour des considérations de transparence et de mise en confiance. La question des 100 milliards de dollars annuellement reste un enjeu important des négociations pour la COP22 : l'assurance des pays en développement que les pays développés respecteront cet engagement reste essentielle pour créer la confiance nécessaire à la ratification de l'accord de Paris. Pour avertir les « esprits », les détails sur le périmètre et les règles de comptabilisation ainsi que les conditions pour comptabiliser les flux de financements privés ne seront décidés que sur la base des recommandations de l'Organe subsidiaire de conseil scientifique et technologique (SBSTA) de la CCNUCC en novembre 2018, lors de la COP24. Eclairage à suivre : Mécanismes, instruments de tarification & prix du carbone