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Ce CO2 qu'on s'arrachera bientôt...
Publié dans Les ECO le 03 - 12 - 2009

Le poker du CO2 (dioxyde de carbone) se joue depuis quelques années dans le monde... et se vend aussi. Il a même son propre marché et sa monnaie produit: le crédit carbone. À quelques jours de Copenhague, ce terme est déjà revenu plusieurs fois dans la bouche des spécialistes et experts du monde entier. Il faudrait donc, de prime abord, fixer la définition que le monde lui a donné. Le crédit carbone est une unité correspondant généralement à 1 tonne de gaz à effet de serre émise par un pays sur une période donnée. Ces gaz sont tout aussi divers en nature qu'en teneur en CO2. Cette dernière substance est, d'ailleurs, déjà présente dans l'atmosphère terrestre, mais à une proportion presque nulle qui se chiffre à 0,0375 % en volume (375 ppmv (parties par million en volume)). Cependant, depuis que le monde s'est laissé emporter dans la grande vague de l'industrialisation et du développement aveugle, cette proportion augmente rapidement, d'environ 2 ppmv/an. Cette hausse de la teneur en CO2 dans l'atmosphère est surtout favorisée par les activités humaines de consommation des combustibles fossiles comme le charbon, le pétrole et le gaz naturel. Le CO2 n'est, toutefois, pas le seul coupable des phénomènes d'effet de serre. D'autres types de gaz très nocifs pour l'environnement sont rejetés par l'activité humaine et possèdent des effets beaucoup plus néfastes que le dioxyde de carbone dans l'atmosphère. Il s'agit par exemple du méthane, qui possède 21 fois plus les propriétés d'effet de serre, ainsi que les oxydes d'azote, l'anhydride sulfureux, rejetés, comme mentionné un peu plus haut, par l'utilisation de combustibles fossiles, par les activités de l'industrie chimique et un bon nombre d'appareils ménagers. De ce fait, la combinaison de tous ces types d'émissions a provoqué - et continue de provoquer – des problèmes climatiques et de réchauffement de la terre. Les nombreuses conséquences qui en découlent (fonte des glaces, perturbations climatiques, sécheresses...) sont déjà connues du grand public et seraient donc tout à fait inutiles à rappeler, tellement le monde en ressent les répercussions.
Kyoto : MDP et marchés d'un genre nouveau
C'est au Japon, en décembre 1997, dans la ville de Kyoto, qu'a été adopté un protocole à la Convention sur le climat, dénommé «Protocole de Kyoto». Le texte a été ratifié par 55 pays (ils sont 172 de nos jours), à l'exception des Etats-Unis, plus soucieux de leur développement industriel que du climat mondial, et un groupe de pays – encore en développement à l'époque – dont la Chine et l'Inde. Quant à la trentaine de pays industrialisés ayant signé et ratifié le Protocole, ils se sont engagés à réduire les émissions de gaz à effet de serre dans le monde de 5,2% en moyenne d'ici 2012, par rapport au niveau de 1990. Pour assister les Etats à respecter ces engagements avant «l'ultimatum climatique fixé», le Protocole a prévu la mise en place de Mécanisme pour le développement propre (MDP), favorisant la coopération internationale en matière de projets de développement durable. Kyoto a, également, permis la création de «bourses carbone». Pour ce dernier il s'agit, comme son nom l'indique, de créer des marchés et lieux d'échanges, aussi bien au niveau national qu'international, de droits d'émission de gaz à effet de serre, le CO2 par exemple, en nombre fixé par des quotas d'émissions fixés par une autorité dans le cadre d'un mécanisme réglementaire dit «allowances». Le principe, ici, est simple: dans un pays donné, l'autorité publique, dans le but de réduire les émissions en gaz, impose des quotas d'émission, mesurés en «crédits-carbone», aux industries A et B se trouvant sur son sol. La première année, les industries A et B sont parvenues à respecter leur quota respectif. La deuxième année, l'industrie A ne parvient pas à respecter ses engagements et dépasse le quota d'émission qui lui est alloué. Quant à l'industrie B, elle a tellement fait des efforts pour la baisse de ses émissions qu'elle reste en dessous de son quota limite. Il lui est donc possible de vendre des «crédits-carbone», ou des points de quota, à l'industrie A, qui pourra ainsi relever son quota d'émission et rester ainsi dans la logique de la réduction des gaz à effet de serre édictée par l'autorité. L'application de ce mécanisme commence à faire ses preuves en Europe, avec la plus grande Bourse du carbone du monde en 2008.
Il s'agit de l'«European Union Emissions Trading Scheme» (EUETS), qui est le premier marché, à échelle régionale, d'échanges de permis d'émission européens. Toutefois, de multiples réserves ont déjà été exprimées par des organisations internationales comme Greenpeace relatives aux dérives ou spéculations qui pourraient résulter du développement de ce type de marché. Dans le monde, malgré toutes ces décisions et systèmes révolutionnaires, la majorité des pays industrialisés sont encore loin de respecter leurs engagements en termes de réduction des gaz à effet de serre.
Mal nécessaire ?
Un rapport, récemment publié par le cabinet PriceWaterhouseCoopers (PwC), cabinet spécialisé dans les études environnementales, affirme que le monde aurait dépassé le crédit carbone mondial depuis 2000. On serait tenté de dire, sur cette base, que la pollution est le prix à payer pour le développement économique, voire un mal nécessaire. «Pour la période 2000-2008, le dépassement cumulé du crédit mondial, ou dette carbone, est estimé à environ 13 milliards de tonnes de dioxyde de carbone, soit à peu près l'équivalent des émissions annuelles de carbone cumulées de la Chine et des Etats-Unis en 2008», précise le rapport du PwC. Ce dernier ajoute qu' «à ce rythme la communauté internationale aura épuisé l'intégralité de son crédit carbone de 1.300 milliards de tonnes pour la période 2000-2050 d'ici 2034, soit 16 ans avant la date limite». Pour l'heure, sans grande surprise, les Etats-Unis et la Chine restent les plus grands pollueurs au monde, avec, respectivement, une émission annuelle de 6,8 et 6,4 milliards de tonnes de gaz à effet de serre. A côté de ces deux géants, même certains pays ayant ratifié le Protocole de Kyoto, ne sont pas en voie de respecter leurs engagements de réduction de leurs émissions en gaz à effet de serre. Il s'agit en effet du Japon, dont le taux d'émission a plutôt augmenté de 6,5 en 2004 (au lieu de -6%), le Canada (+28% en 2004, au lieu de -6% l'Espagne (+49%). A ces Etats industrialisés qui ne cessent de développer leur économie au détriment du climat mondial, s'ajoutent désormais les pays émergents. Ces derniers ne s'étaient pas vus imposer un quota d'émission lors du Protocole de Kyoto, étant donné leur faible industrialisation. Depuis, la donne a beaucoup changé et ces derniers sont devenus majoritaires dans le total des émissions. Ces rejets ont augmenté, par ailleurs, de 41% depuis 1990. Il n'y a pas de doute : le tribut à payer pour le développement sera très lourd pour le monde.
Le Maroc avance doucement...mais sûrement
Face aux défis climatiques qui deviennent de plus en plus réels – s'ils ne le sont déjà -, le Maroc s'est lancé de plain pied dans une vision à long terme de mise en application de Mécanismes de développement propre, comme recommandé par le Protocole de Kyoto. Pour commencer par l'évènement le plus récent, un projet phare : la construction future de cinq sites de production solaire à travers le pays pour un investissement de 9 milliards de dollars, d'ici 2020. L'énergie 100% biologique qui sera produite permettra d'éviter l'émission de 3,7 millions de tonnes de gaz à effet de serre (GES) et les crédits-carbone pourront être cédés sur le marché international. Le Maroc s'est aussi doté d'une agence spécialement dédiée au Crédit Carbone – une première en Afrique - créée par le gouvernement marocain. Le Fond capital carbone Maroc (FCCM), comme l'indique son nom, est une société de crédits carbone ayant pour vocation de promouvoir un développement propre à travers le royaume. Le projet de l'agence qui a nécessité un investissement de 26 millions d'euros, initié par trois actionnaires : la Caisse de Dépôt et de Gestion (CDG), qui apporte la moitié du capital, la Caisse française des Dépôts et Consignations (CDC), ainsi que la Banque Européenne d'Investissement (BEI), qui représentent chacune un quart du capital. Concrètement, le FCCM vise à accompagner les promoteurs marocains dans la réalisation de leurs projets, s'ils sont conformes au Mécanisme pour un développement propre (MDP), validé par le protocole de Kyoto. En retour, ils pourront bénéficier de crédits carbones sur la période 2008-2017.
Les entreprises manifestent leur intérêt
Et puisqu'on parle de crédit carbone, le Maroc, avec l'Afrique du Sud, semblent être les seuls pays africains à accorder une attention particulière aux MDP. La compagnie sucrière marocaine, Cosumar, par exemple, a déjà lancé un projet de production propre afin de contribuer au Crédit Carbonne du pays. Pour les MDP au Maroc, il s'agit aussi de projets intégrés visant assurer la réduction des émissions des gaz à effet de serre au niveau même des nouveaux plans d'aménagement des villes. Ainsi, l'Agence d'aménagement de la vallée du Bouregreg, a déjà démarré une unité de récupération et du biogaz issu de fermentation des ordures dans la décharge d'El Oulja.
la «taxe carbone» fait parler d'elle
À la veille de Copenhague, le gouvernement français affûte ses armes... ou plutôt ses arguments. L'un deux sera, sans nul doute, la taxe carbone, qui fait beaucoup parler d'elle dans les couloirs de l'Elysée ces dernier temps. La «taxe carbone» est une taxe environnementale sur l'émission de CO2, gaz à effet de serre, qu'elle vise à limiter, dans le but de contrôler le réchauffement climatique. Cette taxe s'appliquera aux énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon, GPL) et sera calculée en fonction de leur contenu en CO2. En l'inscrivant en bonne place dans ses plans d'action, le gouvernement français compte bien mettre en pratique cette idée dans les plus brefs délais.
Ainsi, la taxe carbone entrera en vigueur en France dès le 1er janvier 2010.
Le montant de la taxe sera calculé sur la base de 17 euros la tonne de CO2 émise. D'autres idées de taxe, Jean-Louis Borloo, le ministre français de l'environnement, en a également proposé dernièrement dans la presse française.
En effet, à l'occasion de la réunion de Copenhague, il propose, pour aider les pays les plus vulnérables face aux changements climatiques, «un prélèvement presque «indolore» de 0,01% sur les transactions financières pour financer cette adaptation et l'accès des pays vulnérables aux énergies renouvelables.»


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