Alors que les critiques fusent déjà et qualifient la COP26 d'échec, les annonces d'engagements climatiques des pays se succèdent. La COP de la dernière chance sera-t-elle également la COP de la rupture ? Organisée dans un contexte inédit de pandémie et d'exacerbation des phénomènes climatiques extrêmes qui ont, durant ces deux dernières années, marqué toutes les régions du globe, la 26ème Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP26) a entamé sa deuxième semaine à Glasgow en Ecosse, au Royaume-Uni. Beaucoup d'observateurs et de médias l'appellent « la COP de la dernière chance » puisqu'elle apparaît comme la dernière opportunité pour les nations de faire le nécessaire afin de contenir les effets du changement climatique en deçà des seuils de dangerosité que décrivent les pires scénarios prédits par les climatologues. Si le grand rendez-vous climatique onusien n'arrivera à son terme que le vendredi prochain, plusieurs bonnes et mauvaises nouvelles circulent déjà. Suscitant des attentes et des revendications - plus fortes que jamais - de la société civile mondiale, la COP26 a débuté avec un gros handicap : l'absence de la Chine et de la Russie qui font pourtant partie des plus grands producteurs de gaz à effet de serre au niveau mondial. De nouveaux engagements Alors même que la jeune égérie de la lutte contre le changement climatique, Greta Thunberg, accompagnée de milliers d'écoliers, de lycéens et d'étudiants défilaient vendredi dernier en réclamant davantage d'actions et moins de "bla-bla", les bonnes nouvelles de cette COP26 ont pour l'instant pris la forme de nouveaux engagements en tout genre. Ainsi, plus de 100 dirigeants de pays, représentant plus de 86 % des forêts du monde, se sont engagés à travailler ensemble pour stopper la déforestation et la dégradation des terres d'ici 2030. Une vingtaine de nations et d'institutions se sont engagées à mettre un terme à leurs financements internationaux pour les énergies fossiles dès 2022. Une coalition de plus de quarante Etats ont annoncé vouloir sortir du charbon avant la fin des années 2040. Une centaine de pays ont promis de réduire leurs émissions de méthane de 30 % d'ici 2030. Des engagements qui n'ont pas trouvé grâce aux yeux de Greta Thunberg qui qualifie déjà la COP26 d'échec et de « festival du green washing ». Le désormais inatteignable 1.5° Si la volonté affichée des organisateurs de la 26ème Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques est de saisir la dernière chance d'oeuvrer pour une limitation du réchauffement climatique à 1,5°C au-dessus des niveaux préindustriels, plusieurs scientifiques et observateurs ne semblent déjà plus y croire. « Si tous les engagements en matière de climat annoncés à ce jour à la COP26 étaient respectés intégralement et à temps, ils suffiraient à maintenir la hausse des températures mondiales à 1,8° d'ici 2100 », a annoncé le directeur exécutif de l'Agence internationale de l'énergie (AIE), Fatih Birol. Un constat que partage le secrétaire général de l'Organisation météorologique mondiale (OMM), Petteri Taalas, qui a souligné quelques jours avant le début de la COP26 qu'au rythme où augmentent les concentrations de gaz à effet de serre, « l'élévation des températures à la fin du siècle sera bien supérieure aux objectifs de l'Accord de Paris, soit 1,5 à 2° au-dessus des niveaux préindustriels ». Entre bons et mauvais élèves Ne pas atteindre les objectifs de Paris ne signifie pourtant pas baisser les bras. 151 pays ont présenté leurs contributions déterminées au niveau national (NDC), dont le Maroc qui a revu son ambition à la hausse par rapport à celle de 2016, avec un nouvel objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) de 45,5 % d'ici 2030, dont 18,3 % est « inconditionnel et réalisé sans appui de la coopération internationale ». Le Royaume s'érige ainsi en modèle à suivre pour plusieurs pays, notamment en Afrique. En dépit des données et des réalités qui ont fini par détruire les postulats des climato-sceptiques, se pose encore la question des résistances de certains pays développés face à la nécessité de se remettre en question et d'agir. À ces pays, s'ajoutent également les lobbyistes des énergies fossiles qui sont présents en force à la COP26, selon les militants climatiques. La COP de la dernière chance sera-t-elle le tournant tant attendu ? Les prochains jours nous le diront. Oussama ABAOUSS
Repères Impulser un « choc de compétitivité » Evoquant l'opportunité pour le Maroc de consolider sa position environnementale avant-gardiste, la ministre de la Transition énergétique et du Développement durable, Leila Benali, a révélé sa vision pour le pays, au cours d'un entretien en marge de la COP26. « J'aime penser que nous arriverons à faire cela en impulsant un choc de compétitivité dans certains secteurs stratégiques, mais également en réduisant le coût de la facture énergétique marocaine pour les ménages, les industriels, les services et tout le tissu économique marocain », a-t-elle souligné.
Le Pavillon Maroc à la COP26 Durant cette COP26, le Pavillon Maroc met en avant les initiatives marocaines lancées pendant la COP22. L'espace est également un lieu de partage de l'expérience nationale en matière de développement durable et de lutte contre le changement climatique à travers un programme constitué de plusieurs événements parallèles sur des thèmes tels que : les métriques d'adaptation, la mobilité durable, l'autonomisation des jeunes pour des solutions innovantes et concrètes, l'agriculture intelligente et la sécurité alimentaire. L'info...Graphie Economie Les pays vulnérables au réchauffement climatique face au spectre de l'appauvrissement
Publié lundi par une ONG britannique, un nouveau rapport a souligné les conséquences désastreuses du réchauffement climatique sur les pays les plus exposés au phénomène. Sur les 65 pays étudiés (tous membres des groupes représentant à la COP les pays pauvres et les petites îles menacées) la chute médiane du PIB par habitant serait de 19,6% en 2050 sur la trajectoire actuelle de réchauffement, et de 63,9% à la fin du siècle. Dans le meilleur scénario où l'Accord de Paris serait respecté (maintien du réchauffement à +1,5°C par rapport à l'ère préindustrielle) ces chiffres passeraient à 13,1% de chute du PIB en 2050 et 33,1% en 2100.Toutefois, pour 6 des 10 pays les plus affectés, cette baisse dépasserait 80% à la fin du siècle dans le pire des scénarios. Et 20% en 2050 dans le meilleur des cas, précise l'ONG, notant que huit de ces dix pays sont situés en Afrique et deux en Amérique du Sud. L'évaluation a été réalisée sur la base d'un modèle économétrique mettant en relation croissance et augmentation des températures.
Marché carbone Le Maroc s'aligne sur les attentes des pays en développement
En marge de sa participation à la 26ème Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques, la nouvelle ministre de la Transition énergétique et du Développement durable, Leila Benali, a souligné que les attentes du Royaume par rapport aux négociations à la COP26 ne se dissocient pas de celles des pays en développement, « notamment nos partenaires africains qui comprennent la question de l'adaptation, le rehaussement de l'ambition en matière d'atténuation et le financement climatique ». À cet égard, Leila Benali a insisté sur la nécessité d'avoir de la transparence en ce qui concerne les mécanismes du marché carbone, ainsi que sur la mise en place de mécanismes de transparence souples, évolutifs et adaptés aux capacités des différents pays. Or, le mécanisme de transparence de l'Accord de Paris est resté sans résultat lors de la COP25, a déploré Mme Benali, émettant le souhait de le voir évoluer lors de la COP26. La ministre a par ailleurs mis l'accent sur la question du financement, soulignant qu'il est important « et même critique » de déployer de manière rapide mais également judicieuse les 100 milliards de dollars qui sont en train d'être mobilisés par les pays développés. Il s'agira ensuite, selon elle, de définir un nouvel objectif de financement après 2025, car il est important de donner de la visibilité et de restaurer la confiance entre les pays développés et ceux en développement, d'autant que le marché du carbone deviendra probablement l'un des plus gros marchés du 21ème siècle.
3 questions à Christophe Lumsden, expert en développement durable et changement climatique « Les changements climatiques sont les symptômes d'un mal plus profond »
Directeur de la stratégie et des partenariats à Cités et Gouvernements Locaux Unis d'Afrique et expert en développement durable, Christophe Lumsden répond à nos questions. - Quelle est l'attente principale des pays émergents pour cette COP26 ? - À ce jour, les mécanismes de financement de l'adaptation et de la mitigation des impacts des changements climatiques dans les pays émergents sont très insuffisants. Il y a donc une attente très forte par rapport à l'article 6 de l'Accord de Paris qui prévoit que les pays riches, pour compenser leurs émissions de gaz à effet de serre, financent des projets de réduction de ces mêmes gaz dans les pays en voie de développement. - Pensez-vous qu'il y aura des résultats positifs dans ce sens durant cette édition ? - Il est encore prématuré de se prononcer sur cette question tant que la COP26 n'est pas finie. Cela dit, cette édition donne plus l'impression d'une COP des pays du Nord que celle des pays du Sud. Il y a très peu de pays du Sud qui sont présents, pour des raisons qu'on peut comprendre liées aux budgets et au contexte pandémique notamment, en revanche il y a eu d'un autre côté un nombre très important d'entreprises privées qui se sont présentées depuis le début de la COP26 en faisant des annonces qui semblent parfois intenables. Il faut espérer que ces annonces traduisent une vraie volonté de changement et non pas un green wash. - Faut-il, selon vous, donner la priorité à la réduction des émissions des pays développés ou plutôt à l'aide au financement de l'adaptation des pays émergents à financer leur adaptation ? - Nous n'avons plus le temps de prioriser, car nous sommes actuellement dans une course contre la montre. Cela dit, les changements climatiques sont les symptômes d'un mal plus profond. Le vrai problème découle du modèle économique actuel et de la façon de calculer et d'appréhender la valeur ajoutée sans intégrer les externalités positives et négatives. En plus des efforts de décarbonation dans les pays développés et d'aide au financement des pays émergents, il est à mon sens impératif et urgent d'arrêter la décapitalisation des actifs écologiques et de les recapitaliser. Recueillis par O. A.