Dans une tribune datée de ce jeudi, la président du Conseil national des droits de l'Homme (CNDH), Amina Bouayach, a voulu clarifier son affirmation très critiquée : «il n'y a pas de prisonniers politiques» au Maroc (sic). La responsable persiste et signe. Depuis fin juillet, la présidente du Conseil national des droits de l'Homme (CNDH), Amina Bouayach, est au cœur d'une polémique suite à l'interview accordée à l'agence de presse EFE, où elle affirme qu'«il n'existe pas de prisonniers politiques» au Maroc. La déclaration a suscité les réactions de nombre d'acteurs de la société civile, mais aussi des proches des détenus du Hirak du Rif regroupés au sein de l'Association Tafra pour la fidélité et la solidarité des familles détenus. «Pas de prisonniers politiques au Maroc» : Des associatifs fustigent les propos de Bouayach Dans une tribune parvenue à Yabiladi, Amina Bouayach tente de s'expliquer en rappelant la définition de «détenu politique» selon l'ONG Amnesty International et l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. N'est considéré comme tel que le prisonnier dont «la détention a été imposée pour des raisons purement politiques sans rapport avec une infraction quelle qu'elle soit» ou «si la détention est l'aboutissement d'une procédure qui était manifestement entachée d'irrégularités et que cela semble être lié aux motivations politiques des autorités», entre autres. Et selon elle, ce n'est pas le cas des militants du Hirak. Aussi, Amina Bouayach considère que les motivations politiques pouvant déterminer la situation des détenus ne peuvent être établies «hors de tout doute raisonnable», si leur action n'a pas été «menée afin de servir les intérêts d'une entité politique» donnée. «Je vois dans la notion de 'motivation politique' la condition sine qua non pour commencer à parler de 'détention politique'», affirme encore la présidente du CNDH. «L'éventualité que les arrestations lors des événements d'Al Hoceïma ou de Jerada soient politiquement motivées est indéniable. Et si une partie de la communauté nationale des défenseurs des droits de l'Homme peut qualifier [ces]arrestations comme étant 'politiquement motivées', il ne serait, toutefois, ni juste ni précis de soutenir cette assertion au-delà de tout doute raisonnable et de ne pas accepter de la mettre en question, compte tenu de la durée des manifestations et de leurs circonstances.» Amina Bouayach Un argumentaire qui remet en cause le plaidoyer des associations Par cet argumentaire, Amina Bouayach soutient que «l'amalgame entre la légalité ou l'illégalité, et la violence ou le caractère pacifique d'une manifestation est un leurre», suggérant ainsi qu'il serait erroné de considérer les détenus du Hirak, du Rif ou de Jerada, comme des prisonniers politiques, à rebours des associations de défense des droits humains et d'ex-détenus des années 1970 et 1980, qui appellent à leur libération en les considérant comme tels. Maroc : Que pensent les anciens détenus politiques du dossier du Hirak ? «Le CNDH a publié un mémorandum appelant à l'abrogation de toute sanction contre les participants dans une manifestation pacifique non déclarée, se défend-t-elle. De même, le CNDH a appelé le 12 juillet dernier à autoriser les nouvelles formes d'expression publiques, dont les réseaux sociaux sont devenus dépositaires». Elle souligne ainsi que l'institution «n'a pas traité la question des manifestations violentes, car dans ce cas-là, des considérations autres que celles des droits d'expression, d'association […] et de manifestation, entrent également en jeu». De ce fait, la responsable insiste sur le fait que «la perpétration d'actes entachés de violence précède la notion de 'motivation politique' d'une arrestation», même qu'elle «l'emporte sur elle». Si «les jeunes arrêtés lors des évènements de Al Hoceïma et de Jerada» remplissaient, selon Bouayach, «les critères de 'détenus politiques'», le travail du CNDH en aurait été plus simple, argue la responsable. «La présidente du CNDH aurait appelé, sans hésitation ni équivoque aucunes, à la libération immédiate des détenus, et à leur dédommagement (…) et non à leur grâce», ajoute-t-elle. Dans le cas échéant, elle considère que «l'utilisation de la qualification de 'détenu politique' par le CNDH» aurait été «erronée, contre-productive et irresponsable», même qu'elle «aurait constitué une dérogation au niveau national et au niveau international». Hirak : Les familles des «prisonniers politiques» portent l'estocade à Amina Bouayach La responsable promet la publication d'un rapport relatif aux conditions d'arrestation et de procès, «ainsi que des allégations de torture et de mauvais traitement». Il s'agit pour elle d'une occasion de faire «le bilan complet de ces événements dramatiques qui ont, à jamais, marqué notre pays, fortement divisé les marocains, et provoqué de profondes plaies dans notre mémoire commune». Par ailleurs, Amina Bouayach précise que «le CNDH continuera de soutenir [les proches des détenus] selon la même démarche d'écoute, d'empathie et de considération, avec la même rigueur et le même sens du devoir et du dévouement». Article modifié le 2019/08/02 à 18h36