La justice espagnole a de nouveau donné raison aux employeurs des saisonnières marocaines, victimes présumées d'agressions sexuelles et qui dénonçaient les conditions de travail dans les champs de fraises de Huelva. L'avocate des saisonnières voit de nombreux dysfonctionnements et fustige les irrégularités des procès. La semaine dernière l'avocate des saisonnières marocaines à Huelva, Belen Lujan, apprenait avec une grande déception le verdict du juge qui a décidé du renvoi provisionnel et du classement des plaintes des saisonnières marocaines quant aux abus et exploitations présumés dont elles auraient été victimes dans le cadre de leur travail dans les champs de fraise. Depuis, l'avocate a demandé par écrit des éclaircissements au juge de première instance et de l'instruction de La Palma del Condado. Cette demande paralyse le processus pour déposer un recours en justice, qui se fera dans les jours à venir, confie-t-elle à Yabiladi. Nulle besoin de revenir sur les conditions de travail (déjà abordé dans plusieurs articles ici et là), estime l'avocate qui fustige le procédé ayant mené à ce jugement. En effet, elle dénonce tout d'abord le fait que ces clientes n'aient même pas eu l'opportunité de s'entretenir avec le juge, seule l'une d'entre a été interrogée via vidéo conférence, «qui en plus a été interrompue par des problèmes de connexion que rencontrait le tribunal», poursuit-elle. «Les propos de l'inspection du travail n'ont pas été nuancé» Ce dernier jugement se base principalement sur le rapport de l'inspection du travail, nous explique l'avocate, qui relève plusieurs dysfonctionnements. Selon ses dires, ledit rapport fait état d'«une inspection menée le 5 juin, soit après que les saisonnières aient été expulsées des champs de fraise et conduites de force dans des bus pour le Maroc». Huelva Gate : Comprendre la vulnérabilité des saisonnières marocaines en Espagne De plus, «aucune des saisonnières n'a été convoquée par la dite inspection et ce à aucun moment de la procédure», fustige l'avocate. Plus étrange encore, «l'inspection s'est entretenue essentiellement avec une dame qui avait pourtant été dénoncée à plusieurs reprises par les saisonnières, alors qu'elle se présentait comme entremetteuse dans les champs de fraise». L'avocate affirme que «cette même dame avait parlé à [ses] clientes dès leur arrivée en Espagne, et avait retenté le coup à plusieurs reprises, jusqu'à très récemment». Des preuves confondant cette «entremetteuse» avaient été réunies par l'avocate, mais le juge les refusera estimant que «ces assignements n'avait pas de liens avec l'affaire en question», explique Me Belen Lujan. Autre preuve refusée par le juge, celle concernant l'expulsion en groupe des saisonnières. «Nous avons apporté un enregistrement en arabe et en espagnol, d'une des saisonnières qui affirmait avoir été conduite de force, en compagnie d'autres saisonnières, dans des bus pour quitter le territoire espagnol. L'enregistrement évoquait également le fait d'avoir été victime de menaces et de maltraitance lors de l'expulsion. Mais une fois encore le juge a refusé cette preuve». «La justice rejette toutes nos preuves, en laissant ce qui intéresse l'entreprise et en citant ceux qui sont justement dénoncés par mes clientes pour conclure leur jugement. Cela est irréel et incompréhensible.» Belen Luja, avocate des saisonnières marocaines L'avocate, également membre de l'Association des utilisateurs de l'administration de la justice (AUSAJ), affirme qu'elle déposera à nouveau un recours devant la justice. D'ailleurs, les juges ne se sont toujours pas prononcés quant au premier recours déposé après que le tribunal ait classé provisoirement une des plaintes déposées par quatre saisonnières marocaines pour harcèlement et agression sexuelle présumés.