Sahara : Washington appuie l'initiative marocaine d'autonomie, une solution «sérieuse, crédible et réaliste»    Hammouchi reçoit le Conseiller militaire supérieur britannique pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord    Maroc : S&P anticipe des perspectives de croissance positives    Maroc : Les Assises des industries culturelles et créatives ouvrent leur deuxième édition    Tourisme : les recettes en devises à un nouveau record de 17 MMDH en août (+20%)    Maroc : Après les islamistes, le PPS dénonce l'assassinat de Hassan Nasrallah    Cérémonie en l'honneur de l'équipe nationale de futsal de retour d'Ouzbékistan    Switzerland schedules three meetings on Sahara at Security Council this October    Moroccan police chief receives Senior British Military Advisor for Middle East, North Africa    Agadir : Quatre personnes arrêtées pour agression sexuelle sur une jeune touriste    Des chercheurs marocains et internationaux développent Atlas-Chat, la première IA en Darija    Accord MTEDD-CDG : vers une économie sobre en carbone et des infrastructures écologiques    Banques centrales : M. Jouahri met en avant au Caire l'expérience marocaine en matière de traitement des questions climatiques    Sahara : le think-tank MENAF conseille au gouvernement britannique de soutenir le plan d'autonomie    Antonio Guterres déclaré « persona non grata » par Israël, et interdit d'entrer dans le pays    Mexique : Investiture de Claudia Sheinbaum    Inondations : Aides financières en faveur des familles sinistrées pour reconstruire leurs habitations    Lions de la Téranga : Aliou Cissé débarqué d'urgence du navire !    La CAF lance la campagne « Protect The Dream » pour lutter contre le trafic et l'exploitation des joueurs    Séisme d'Al-Haouz. En application des Hautes Instructions Royales, prolongation de 5 mois de la durée du versement des aides d'urgence    Inauguration de la section consulaire de l'ambassade du Maroc après des travaux de rénovation    Al Barid Bank : Montée en flèche des résultats au premier semestre 2024    Mimoun Azzouz, un Marocain à la tête du centre de thérapie génique de Sheffield au Royaume-Uni    Un symbole vivant d'espoir et de solidarité pour les orphelins du séisme d'Al Haouz    Crise des étudiants en médecine : le ministère fait des concessions pour sauver la rentrée    El Guergarat: Mise en échec d'une tentative de trafic international de drogues dures et saisie de plus de 37 kg de cocaïne (source sécuritaire)    Aéronautique : Le groupe Aciturri inaugure son site de production à Midparc    Industries Culturelles et Créatives : Entre patrimoine et innovation, le Maroc à la croisée des chemins    Avant le « 7 octobre », cette réalité historique impossible à cacher    LdC : Le Real Madrid sans Brahim contre Lille, l'ASM de Ben Seghir face au Dynamo de Mmae    Szczęsny sort de sa retraite pour rejoindre les rangs du FC Barcelone    Le rappeur américain P.Diddy accusé d'agressions sexuelles par 120 nouvelles victimes    Festival de la Francophonie 2024 : La France priorise la langue maternelle et le multilinguisme face aux enjeux globaux    Présidentielle en Tunisie. Incarcéré, le candidat Ayachi Zammel, condamné à 12 ans de prison    La Tanzanie répare les dégâts d'El Niño    Le Canada va surtaxer des produits d'acier et d'aluminium chinois    CAN U17. Les éliminatoires prévues en novembre à Casablanca    Espagne: Andrés Iniesta annonce sa retraite à 40 ans (Médias)    Somalie-USA: signature d'un accord d'aide au développement de 68,5 millions USD    Marrakech: Rencontre de communication à l'occasion du 69è anniversaire du lancement des opérations de l'armée de libération dans le Nord    CGEM lance « CGEM for Tech Founders » : Un nouvel élan pour les start-ups marocaines    Kenya. Le sport et le cinéma s'allient le temps d'un Festival    Botswana. L'industrie cinématographique entame sa mue    Rétro-Verso : Mers Sultan ou le charme discret d'un quartier casablancais    Le remaniement ministériel, l'ultime espoir des avocats dans leur combat avec Ouahbi ?    Santé mentale: L'ONU pour des environnements de travail « sûrs et sains »    Equipe nationale A : Conférence de presse du sélectionneur national ce jeudi    El Pais vante les charmes d'Essaouira et ses atouts touristiques    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Histoire : Kharboucha, une diva de l'aïta devenue l'Antigone de Doukkala-Abda
Publié dans Yabiladi le 28 - 11 - 2018

Dans les plaines de Doukkala-Abda, une femme du XIXe siècle qui chantait des textes politiques, se distingua par sa voix puissante. Dans sa aïta, Kharboucha dénonça autant la tyrannie du pouvoir colonial français que celle du caïd Aissa Ben Omar, qui mit fin à sa vie dans des circonstances tragiques.
Figure des luttes paysannes contre la tyrannie des gouverneurs locaux et des pouvoirs coloniaux au Maroc, Kharboucha n'eut guère besoin de prendre les armes pour devenir une femme influente dans la région de Doukkala-Abda. Son arme était sa voix et ses textes. Ces paroles qu'elle apprenait par cœur pour mobiliser la population de sa terre natale : celle de la tribu d'Oulad Zayid. Quoique illettrée, Kharboucha écrivit le cœur de l'histoire de l'aïta, devenant à la fois une référence de cet art populaire et de la résistance politique dans le monde rural.
Nombre de chercheurs ne définissent pas exactement sa date de naissance, mais ils attestent que son existence remontait déjà à 1895. Hadda de son vrai prénom, elle était également appelée Hwida ou Kharboucha à cause des traces de variole sur son visage. En cette fin de XIXe siècle, Aissa Ben Omar, caïd d'une tribu voisine, ordonna le pillage des Oulad Zayid après la mort du sultan Moulay Hassan Ier (1873 – 1894). C'est dans ce contexte que Kharboucha chanta sa révolte contre Aissa Ben Omar et encouragea son peuple à renforcer la lutte.
Le chant, une arme de guerre contre le totalitarisme
Dans l'ouvrage «Des femmes écrivent l'Afrique, l'Afrique du Nord» de Fatima Sadiqi, Amira Nowaira et Azza El Kholy, sous la direction de Moha Ennaji (éd. Karthala, 2013), les chercheurs rappellent qu'Aissa Ben Omar était réputée pour sa «cruauté implacable». Il sapa ainsi la révolte des Oulad Zayid, en 1895. Terres et chevaux furent confisqués, caches d'armes furent dépourvues de leur matériel et nombre d'hommes de la tribu sauvagement tués.
Après cette défaite, Kharboucha prit la fuite, mais elle fut rapidement rattrapée par les hommes d'Aissa Ben Omar qui donna l'ordre de la capturer et de l'emprisonner. «Pendant les fêtes qu'il organisait, il lui demandait de lui chanter tous les chants qu'elle avait chantés à son peuple», rappellent les chercheurs, notant que ce fut pour elle un moyen de venger les siens.
Dans sa courte vie, Kharboucha produisit des chants racontant ainsi l'histoire d'une défiance invincible à l'égard d'Aissa Ben Omar. Dans l'un de ses chants, la diva déclara au caïd qu'elle ne cèderait jamais à sa tyrannie, que «jamais elle ne cesserait de défendre son peuple et sa terre natale, Abda» et l'accusa de brûler les terres des Ouald Zayid en tuant ses «frères» à elle.
Dans d'autres chants, elle s'adressait à ses proches en évoquant ce qu'elle endura comme torture entre les mains d'Aissa Ben Omar. Un autre comprenait «les vers célèbres, qui furent ensuite adoptés par de nombreux chanteurs et paroliers marocains : 'D'où es-tu . D'où suis-je ?'», comme un appel à la raison pour rappeler au caïd que Doukkala-Abda était une seule et même terre, selon la même source.
Les jalons d'une aïta résolument politique
L'ouvrage dirigé par Moha Ennaji revint sur les aspects tragiques de la vie de Kharboucha, qui fut tuée sous les ordres d'Aissa Ben Omar, mais il rappela également que les chants politiques de cette Antigone marocaine étaient fondateurs dans l'art de l'aïta. Selon lui, la jeune femme «inventa une forme de chant, aujourd'hui appelé aita ; c'était un appel à l'action, chanté exclusivement par des femmes ou par des hommes habillés comme des femmes (…)».
Ainsi, l'anthologie léguée à toutes les autres cheikhats que le Maroc connut était riche de textes oraux, «tels que des chants et des histoires», ou encore «des chants de mariage, des contes berbères et arabes». Ainsi, «ces textes décrivirent la vie des femmes au sein de leurs familles», tout comme «la résistance anticoloniale, un sens féroce de l'indépendance et un désir pressant de droits politiques».
Dans ce sens, les chercheurs indiquent que «tous les aïta commencent par des explosions mystiques – invocations d'Allah et des saints. Le cri se transforme en chant, qui témoigne de la souffrance et en appelle au dépassement de soi-même». Dans un de ses chants, Kharboucha anticipait d'ailleurs sa propre mort de manière émouvante. «Des femmes écrivent l'Afrique, l'Afrique du Nord» en reprit un extrait :
Ô vieillard aux cheveux gris! La traitrise de mon caïd est mauvaise.
D'où es-tu?
D'où suis-je?
Ne sommes-nous pas originaires du même endroit?
Rien ne dure à jamais…
L'ensemble de ses chants ayant été perçu comme subversif par le caïd, celui-ci fut excédé lorsque Kharboucha se dressa devant lui une nouvelle fois, en chantant lors d'une soirée des paroles le mettant au défi. Il la mura ainsi dans un grenier auquel il mit le feu. La jeune femme n'en fut point étouffée dans l'oubli, puisqu'elle inspira les générations des chanteuses et des musiciens de l'aïta qui perpétuèrent son héritage et y ajoutèrent leurs empreintes.
En effet, l'aïta se déclina en plusieurs variantes selon les régions, donnant lieu à un riche patrimoine musical oral : la Marsaouia dans la région de Casablanca, Chaouia et Doukkala, la Hasbaouia à Abda et Safi, la Zaerya à Rabat et Zaër, ou encore la Haouzia et Errhamna et Marrakech. Chant rural à la base, il fallut attendre la moitié du XXe siècle pour le voir introduit dans les milieux urbains et citadins.
Ce leg n'inspira pas uniquement la musique marocaine, mais également le cinéma et la télévision. En effet, la cinéaste Farida Bourquia s'inspira de la vie de Kharboucha dans la série Jnane El Karma. Plus tard, le réalisateur Hamid Zoughi consacra un long métrage à la vie tragique de cette diva à l'influence artistique et politique, incarnée par la comédienne Houda Sedki.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.