Le réalisateur Hamid Zoughi vient de terminer le tournage d'un long-métrage consacré à «Kharboucha», une figure importante du patrimoine musicale populaire. AM : «Kharboucha» est l'héroïne de votre film. Pourquoi votre choix s'est porté sur ce personnage hors du commun? Hamid Zoughi : «Kharboucha» constitue un modèle de la femme marocaine qui, depuis le début du 20ème siècle, s'est manifestée et a cherché à s'affirmer vis-à-vis de l'homme. Elle a tenu tête à l'autorité et elle l'a payé de sa vie. Et puis, je me suis toujours intéressé aux arts populaires. J'ai d'ailleurs été parmi les membres fondateurs du groupe Jil Jilala. J'ai aussi effectué plusieurs études et recherche sur la tradition musicale de l'aïta, et dans ce sens, Kharboucha en constitue une figure importante. Et c'est ce mythe que je veux restituer à travers mon film. Dans votre film, comment est décrit le Maroc dans lequel évolue «Kharboucha» ? Dans ce film, je dresse la fresque d'un Maroc du début du 20ème siècle. En 1940, les gens circulaient pieds nus, tressaient leurs cheveux en nattes et montaient des chevaux sans selle. La situation de la femme à cette époque, n'avait rien à voir avec celle d'aujourd'hui. La femme était considérée comme inférieure à l'homme. À tel point que, quand il se déplaçait sur son cheval, l'homme laissait sa femme marcher à pied derrière lui. La femme était diabolisée. Les gens ne se rendent pas compte des avancées et transformations qu'a subies le Maroc depuis plus d'un demi-siècle. Qui est donc «Kharboucha» ? Kharboucha était une poétesse. De son vrai nom Hada, Kharboucha appartenait à la tribu des Ouled Zaid. Elle n'était pas belle car, comme son nom l'indique, elle avait le visage marqué par la petite vérole. Mais sa voix la rendait envoûtante. Elle fut la seule rescapée d'une tuerie menée par la tribu du caïd Aïssa Ben Omar qui faisait régner la loi du colonisateur français sur la région et qui décima tous les membres de sa famille. Elle a à quelques égards un sort et une histoire comparables la poétesse arabe «Al Khansa». Ainsi pour se venger, exprimer sa rage et la faire entendre à plus de monde possible, elle commença à chanter dans les moussems, les fêtes et les souks... Ses chansons avaient pour cible principale le tyrannique caïd Aïssa, «le mangeur de charognes, le tueur d'oncles», chantait-elle. Par ses chants, elle incitait les gens à se rebeller contre le despotisme sous lequel ils vivaient. Qu'en est-il de la musique et des décors dans votre film ? La musique occupe une place centrale dans ce long-métrage. On y retrouve un répertoire de chansons appartenant à Kharboucha, parmi celles-ci quelques-unes reconstituées ou complétées, et puis d'autres chansons de l'aïta spécialement composées pour le film. Aussi, le tournage de ce long-métrage a demandé un travail de reconstitution énorme. Il s'est déroulé dans de vieux décors notamment entre El Jadida et Safi ou encore dans la kasbah de Settat. Mais nous avons, par manque de moyens, diminué notre ambition première. Quand est-ce que le public aura-t-il l'occasion de voir le film «Kharboucha» ? La première projection du film est prévue en décembre au Festival national du film de Tanger. «Kharboucha» sortira dans les salles nationales au mois de janvier.